La voiture électrique, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?
La voiture électrique plafonne à 1 % du marché. Nous n'en voulons pas. Pourtant, à force de ne pas en avoir envie et de brûler du pétrole pour des trajets minuscules, nous finirons par en avoir un besoin urgent.
Eh ben, c'est pas trop tôt ! Volkswagen se décide enfin à donner un successeur à son minibus. Pas vilain mais un peu mastoc et surtout quel dommage de ne le proposer qu'en version électrique. Ça ne donne pas envie de prendre la route de Katmandou, comme avec son ancêtre.
Je m'étais fait la même réflexion en découvrant la mia. Vous souvenez-vous de ce mini minibus développé par Heuliez, tellement minuscule (2,87 à 3,14 m) que son nom se passait de majuscule ? J'avais versé ma larme quand l'usine avait été mise en liquidation en 2014 après de tristes péripéties et malgré les bons soins de Sainte Ségolène, martyre de l'écotaxe, patronne du vent dans les éoliennes et du feu dans la cheminée.
La plupart des confrères lui trouvaient un style de boîte à chaussures digne de l'ex-RDA. Pas moi. J'adooore la Mia. C'est la voiture bulle dont je rêvais étant môme pour parcourir le globe avec mon sac de couchage, mon bip et mon couteau.
L'ennui, c'est qu'avec 80 à 120 km d'autonomie et 100 km/h pied dans la tôle, elle était plutôt taillée pour parcourir le canton. Mais pourquoi diable n'en proposaient-ils pas aussi une version thermique ? Un bicylindre 500 cm3 de scooter logé à plat sous le plancher aurait largement suffi pour taper un bon 130 sur autoroute. Pour moi, ne l'avoir proposée qu'en électrique relevait de l'aveuglement idéologique, de l'erreur stratégique.
Une électrique, ce n'est pas pour l'autoroute ? Et une thermique en ville ?
La voiture électrique, je suis totalement, indéfectiblement et passionnément pour. Mais pour plus tard, il n'y a pas urgence.
Au fond, je suis le bon automobiliste moyen qui ne veut que d'une voiture capable de traverser le pays dans la journée, m'emmener au Cap Nord, même si c'est dans mes rêves.
Encore plus au fond, je sais que j'ai tort. Aujourd'hui l'autonomie d'une Renault Zoé, c'est 400 km théoriques soit 300 km réels sur route ou en ville et encore un bon 200 km sur autoroute avec recharge rapide sur un "supercharger", le temps de la pause qui, toutes les deux heures, s'impose.
Admettons qu'une voiture électrique n'ait rien à faire sur l'autoroute. Certes, mais que dire d'une voiture thermique utilisée en périurbain ? Quel pourcentage de nos voitures ne font jamais plus de 200 km dans la journée ? Combien pas plus de 100 km ? La vérité c'est que 20 ou 30 % de nos autos pourraient être électriques sans jamais risquer la panne et qu'une bonne part pourrait même se contenter d'une recharge par semaine.
Alors qu'on s'interroge sur l'autonomie de la voiture électrique, on gaspille en sauts de puce et trajets d'âne un carburant au pouvoir énergétique inégalé, donc 50 litres transportent d'une seule traite 5 personnes de Lille à Marseille.
Aujourd'hui, la voiture sans échappement, c'est 1,08 % du marché et au rythme actuel, on atteindra les 10 % au milieu du siècle. En un mot, c'est un fiasco et ce fiasco, on le doit en bonne partie au pétrole pas cher.
Le pétrole pas cher appelle le pétrole hors de prix
Or le baril à 50 $, c'est déjà fini. A la veille de ce week-end, il était à 58 et peut-être à 59 ce lundi, quand vous me lirez. D'ici la fin de l'année, les cours devraient remonter à 70 $ le baril et le cap des 100 $ pourrait être atteint rapidement, voire dépassé. Le gazole à 1,25 € et le super à 1,45 € vont bientôt être de bons souvenirs.
Tout simplement parce que du pétrole, on va en manquer et plus tôt qu'on ne le croit. Je ne parle pas de la dernière goutte, mais de la rareté qui fera s'envoler les prix. Depuis qu'en 2013, l'Arabie Saoudite a ouvert en grand ses robinets pour pousser à la ruine les producteurs de pétroles de schiste américains, la chute des cours a partout provoqué l'arrêt de l'exploration et obligé à fermer de nombreux forages devenus déficitaires. Le secteur pétrolier est sinistré et les découvertes de nouvelles ressources sont à leur plus bas niveau depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C'est le paradoxe du pétrole : il faut qu'il soit cher pour qu'il ne devienne pas hors de prix.
Avec la remontée du brut qui s'annonce, les recherches et forages reprendront mais trop lentement pour satisfaire la demande qui, elle, n'a pas diminué, au contraire : 28 millions de voitures vendues en Chine l'an passé… Sachant que 60 % des gisements actuels ont atteint leur pic et sont en déclin, au rythme de consommation actuel, en 2025, il devrait manquer l'équivalent des productions iraniennes et saoudiennes pour satisfaire nos besoins. Et c'est sans compter avec quelques imprévus géostratégiques ou politiques qui se profilent déjà entre Washington, Moscou, Ryad et Pékin.
Nous ne sommes pas prêts à brancher nos autos
Quand le gazole sera à 2 € et le super à 2,20 €, les ventes de voitures électriques s'envoleront mais il sera trop tard : notre économie déstabilisée par le choc pétrolier - elle n'est déjà pas bien vaillante avec un baril à 50 $ - sera incapable du sursaut qu'impose une électrification massive du parc automobile. Il faudrait renforcer et informatiser les réseaux (le smart grid qui, aux heures de pointe, alimente le réseau depuis les batteries des voitures en charge), implanter des bornes et bien sûr, augmenter la production d'électricité, déjà à la peine par ce glacial hiver. Faute de quoi il se passera ce qui se passe déjà certains soirs dans mon pâté d'immeubles quand un voisin branche sa Tesla : tout s'éteint et on cherche les bougies à tâtons. Faute de quoi, on reverra bientôt au JT de 20h00 des gens se plaindre qu'avec leur jolie petite maison pas chère à 70 km de la ville et du boulot, ils ne mangent plus que les patates du jardin et que fait le gouvernement ?
Le gouvernement, il attend que le marché fasse le choix de l'électrique. Et il va attendre longtemps : le marché, c'est la bêtise, le désir et la myopie érigés en modèle économique, c'est moi, c'est nous qui ne renoncerons à acheter des voitures capables d'aller au Cap Nord qu'à partir du moment où nous n'aurons plus les moyens d'en faire le plein pour aller au turbin.
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