La taxation loufoque, une longue tradition française
Au premier janvier, le malus CO2 maximal va grimper à 50 000 €, cependant que toute la grille de pénalités sera à nouveau déplacée vers le bas. Pourtant, des modèles chers, puissants, lourds et gourmands vont être épargnés, comme la nouvelle Mercedes-AMG S63 E Performance…
Depuis 1945, la voiture de haut de gamme n’est plus en odeur de sainteté notre belle France, qui en a pourtant été la grande spécialiste dans les années 20 et 30. On se rappellera par exemple qu’en 1964 Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances, a interdit au patron de Sud-Aviation, propriétaire de Facel Vega, de dépenser le moindre centime supplémentaire dans cette marque. Ce, alors même que l’Etat français avait fortement incité le constructeur à développer son propre moteur, celui-là même qui l’a précipité dans la faillite…
Auparavant, en 1958, ça avait été la création de la vignette, une taxe annuelle payée par les automobilistes, soi-disant instaurée pour financer les retraites. On en avait dérivé la super-vignette, destinée à surtaxer les véhicules puissants, principalement importés. Ce qui a fonctionné jusqu’à un certain point. En effet, cette vignette était indexée sur la puissance fiscale, au calcul parfois ahurissant.
Ainsi, en 1978, elle a intégré la démultiplication finale de la transmission. Plus celle-ci était longue, plus la puissance fiscale baissait. Pourquoi ? Parce qu’en théorie, une « boîte longue » abaisse la consommation de carburant. Sauf que lorsque les moteurs turbocompressés ont commencé à se généraliser, au début des années 80, les voitures qui s’en équipaient se sont trouvées très avantagées. En effet, le turbo permet d’augmenter drastiquement la puissance mais aussi le couple, donc de s’accommoder d’une boîte longue. Ainsi, en 1985, la Renault 5 TS (72 ch) était-elle taxée à hauteur de 7 cv fiscaux, alors que la R5 Turbo 2 (160 ch avec la même cylindrée) chutait à 6 cv. Sans consommer moins, bien au contraire ! En 1998, un nouveau calcul a mis fin à cette aberration.
Mais pas pour toujours. Après les turbos, il est une catégorie de moteurs, équipant des modèles onéreux, à se voir avantagés de façon aberrante d’un point de vue fiscal. Les hybrides plug-in. Je viens de découvrir les dernières créations de Mercedes-AMG. La S63 AMG E Performance, avec ses 802 ch, ses 1 430 Nm et ses 2 570 kg n’écope d’aucun malus. Pourquoi ? Parce qu’elle est légalement homologuée, selon le cycle WLTP européen, à 100 g/km de CO2. En effet, selon ce cycle, elle est capable de rouler 30 km en tout électrique, donc sans émettre de CO2. Comme le test normalisé s’effectue sur 23,25 km, la Mercedes n’y consomme officiellement que 4,4 l/100 km. Et selon le barème CO2 français, elle n’est donc pas pénalisée fiscalement… Sauf au poids.
Mais attendez. Une Porsche Panamera Turbo S e Hybrid, capable de 50 km en électrique, y échappe. Donc, cette auto de 2 445 kg et 700 ch, n’émettant officiellement que 64 g/km de CO2, évite toute pénalité, y compris celle liée au poids, grâce à ses 50 km en mode zéro émission. Malgré un prix de plus de 200 000 € ! Or, les essais montrent que sur la totalité d’un plein, les hybrides rechargeables consomment beaucoup, beaucoup plus que ce qui est annoncé. Par exemple, avec la Volvo V60 Recharge, annoncée à 0,8 l/100 km, j’ai consommé pas moins de 7,0 l/100 km. Et encore, en roulant tranquillement. Avec un Opel Granland Hybrid 225 ch donné pour 1,4 l/100 km ? 7,2 l/100 km en moyenne pépère. Et ainsi de suite. En somme, ces véhicules bénéficient d'un avantage exorbitant !
En revanche, si par un accès de monstruosité anti-écologique, l’envie de vous offrir une BMW M3 Compétition (510 ch), ses 228 g/km de CO2, alliés à un prix de plus de 100 000 €, vous vaudraient un malus de 50 000 € dès le 1er janvier. Plus modestement, un modeste SUV non hybride, tel un Citroën C5 Aircross Puretech 130 EAT8 (39 560 €), subit une pénalité de 1 386 €. Ce, en plus de risquer un dégonflage de pneus parfaitement dangeureux, commis par des andouilles se prenant pour des défenseurs de l’environnement, qui ne toucheraient même pas la Mercedes ni la Porsche…
En clair, on favorise des modèles destinés à une élite financière et très émetteurs de CO2, tant à la fabrication qu’à l’usage, tout en se privant de rentrées fiscales car on tue le marché des sportives telles que la BMW M3. Tout bénéfice…
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