La quadrature du cerceau selon Peugeot
Douze ans après son i-cockpit, Peugeot réinvente le volant. Ça ne sert à rien, mais c’est joli, ça fera jaser et peut-être même progresser l’architecture de nos voitures.
La semaine dernière, je montrais à mon fiston comment bien tourner le volant.
Au cas où vous l’ignoreriez, un volant ne se tourne pas comme un gouvernail de péniche ni comme le tourniquet d’ouverture des coffres de la Banque de France. Si dans un coin de rue ou une épingle de montagne, vous avez les deux mains du même côté du cerceau, ou à 12h30 voire 13h35 ou carrément bras croisés, c’est que certes, vous déplacez votre voiture, mais ne la conduisez point et la pilotez encore moins.
Récapitulons : dans un virage serré, c’est la main intérieure au virage qui agit en allant chercher la jante à son sommet ou plus loin, jusqu’à la main extérieure, celle-ci ne se déplace pas et laisse glisser le cerceau que l’autre main tire. But du jeu, avoir les mains à 9h15 dans la courbe, prêt à soulager le braquage ou à en remettre. À la remise en ligne, c’est la main extérieure qui va chercher le volant et l’autre qui laisse glisser. Ce geste de base, le moniteur de l’auto-école l’a montré à mon fils, mais apparemment, pas enseigné.
Un beau geste…
À quoi cela sert-il ? À conserver, dans la courbe, toute sa liberté de mouvement sur la direction et de faire corps avec l’auto afin de pouvoir éviter avec précision et rapidement un nid-de-poule, un conducteur venant de face ou, dans un virage aveugle, un cycliste tirant des bords. Et accessoirement à rattraper proprement un dérapage, même si je sais, avec l’ESP, on ne dérape plus, même en s’appliquant bien.
En prime c’est un beau geste, le dernier que je puisse encore lui montrer. Le petit coup de gaz au rétrogradage ? Il ne le pratiquera pas avec son permis boîte automatique et la version talon-pointe ne serait pas recommandée pour ses baskets taille 47. Je ne parle même pas du coup de frein à main pour pivoter sur la neige ; de la neige il n’y en a plus et de levier de frein à main non plus, remplacé par un bouton que je n’oserai pas actionner en dehors de l’arrêt complet.
Bref, mon fils ne goûtera jamais aux joies et aux affres de la voiture sauvage, celle qu’on dompte à ses périls, mais j’aimerais au moins qu’il tourne le volant comme il se doit.
Peugeot, pionnier du volant rond
J’ai l’air malin, Peugeot vient d’inventer le volant rectangulaire, un genre de guidon en fait, qu’il ne faudra pas tourner mais seulement incliner pour braquer. Comme sur une moto, mais dans l’autre sens. Et comme le machin sera asservi à la vitesse, il ne devrait jamais être nécessaire de le tourner de plus d’un quart de tour et sans doute moins, contrairement au stupide volant Yoke brièvement vu sur certaines Tesla et qui fait des tours complets, ne me demandez pas comment, personnellement, je lui aurais greffé une boule. Ce volant rectangulaire, dénommé Hypersquare par Peugeot, pourrait mettre fin à un geste bien plus que centenaire.
Admettons qu’il ne s’agisse pas seulement de lancer un look, un style et de faire bisquer les constructeurs chinois qui, certes, ont de l’avance sur l’électrique mais n’ont pas inventé la roue. Nous non plus – c’étaient les Sumériens – mais le volant rond, oui (Alfred Vacheron en 1894) et, au fait, c’est Peugeot qui l’a adopté le premier, en 1901, sur sa Type 36.
Admettons aussi que l’Hypersquare ne soit pas une simple évolution du i-cockpit, ce tableau de bord surélevé que l’on regarde par-dessus un petit volant aplati, pour ne pas dire un correctif à son ergonomie douteuse. Je n’ai jamais été convaincu par ce concept qui m’oblige à poser le volant sur les cuisses ou à remonter le siège au maxi et qui, surtout, empêche de changer régulièrement de position de conduite pour mieux endurer les longs trajets.
L’intérêt pour l’acheteur ?
En dehors de ceux qui souffrent d’arthrose aiguë aux épaules et/ou aux coudes, je ne vois pas. Peut-être un bonus en sécurité si Peugeot prévoit de braquer différemment roues gauche et droite pour corriger une trajectoire ou stabiliser un freinage. Mais ça ne semble pas au programme.
L’intérêt pour le constructeur se conçoit plus facilement : pouvoir se passer de liaison mécanique avec les roues : pas de colonne de direction, pas de crémaillère et d’assistance, juste du câblage, des capteurs, un algorithme et un actionneur. L’avantage en termes de liberté de conception est évident, qu’il s’agisse de passer le volant de gauche à droite sur une version anglaise, de rehausser, abaisser, avancer, reculer ou décaler le poste de pilotage à partir d’une même plateforme.
Tout cela est bel et bien beau, mais personnellement, cette absence de lien mécanique entre mains et pneus me filerait les chocottes.
Certes, je suis d’un naturel craintif, volontiers sujet à l’hypocondrie mécanique, électrique et électronique. J’imagine toujours le pire, par exemple qu’une courroie en polymère puise se désagréger si elle tourne en bain d’huile, qu’un FAP se colmater jusqu’à la panne ou qu’une pompe d’AdBlue se gripper.
Je sais, j’ai trop d’imagination…
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