La Corvette, un mythe qui fête ses 70 ans
Voiture de sport la plus produite au monde, la Chevrolet Corvette a été présentée le 17 janvier 1953. Malgré sa beauté, elle n’a pourtant pas eu un début de carrière facile…
Non, ce n’est pas la Porsche 911 la voiture de sport la plus vendue de l’Histoire. Ce titre revient à la Chevrolet Corvette, présentée, il est vrai, plus de dix ans auparavant. C’était le 17 janvier 1953, à l’hôtel Waldorf Astoria, à New-York, première étape du salon itinérant Motorama de General Motors.
Elle apparaît ensuite en de multiples carrosseries, roadster, mais aussi break de chasse dit Nomad et coupé fastback, dit Corvair. Ces deux dernières demeureront à l'état de prototype, mais leurs appellations seront réutilisées, l’une pour désigner une version de la familiale Bel-Air, l’autre un modèle à part entière, lancé en 1960 pour contrer une européenne : la VW Coccinelle. D'ailleurs, c’est aussi le Vieux Continent qui a inspiré la Corvette. Les GI, en revenant d’Europe, ont rapporté des sportives du cru, qui ont commencé à rencontrer un grand succès aux USA.
Il faut dire que les constructeurs américains n’ont pas grand-chose à leur opposer. Un modèle en particulier retient l’attention de nombreux observateurs, notamment chez GM : la Jaguar XK120. Particulièrement belle et nantie d’un superbe moteur, cette anglaise se taille la part du lion, rapportant à son fabricant de substantiels revenus.
Harley Earl, grand manitou du design du groupe américain, suggère à Alfred Sloan, dirigeant de ce dernier, de produire une concurrente à la Jaguar. Comme les deux hommes s’entendent très bien, Earl a le feu vert. Rapidement, on met en branle le projet « Opel », nommé d’après la filiale européenne de GM pour brouiller l’écoute.
Plusieurs prototypes sont créés, dont l’EX-122 qui est considéré comme la plus ancienne Corvette existante. C’est celle qui sera exposée en tant que concept lors du Motorama 1953. Particularité, elle arbore en première mondiale une carrosserie en fibre de verre. Un matériau nouveau repéré par Earl, qui présente bien des avantages pour former des carrosseries.
Le public acclame le concept dévoilé à New-York, et GM n’a d’autre choix que de le mettre en fabrication. Le modèle définitif entre en production six mois plus tard, mais sur des volumes très faibles. Il est produit presque manuellement dans un atelier dédié, donc sur des quantités très faibles : 300 sont prévus pour 1953. Si la Corvette séduit par sa ligne ultramoderne, sa mécanique déçoit. Elle se contente d’un 6-cylindres en ligne, certes surnommé Blue Flame, mais simplement culbuté, un 3,8 l développant 150 ch.
Pourquoi ? Parce qu’à l’époque, les marques du groupe GM conservent une certaine autonomie. Buick et Cadillac, les seules à produire leurs propres V8, refusent d’en fournir à Chevrolet, blason considéré comme roturier. Autre défaut de la Corvette, elle se contente d’une boîte automatique à deux vitesses. Raison ? C’est la seule chez Chevrolet à pouvoir encaisser le couple du 3,8 l. Les performances sont jugées insuffisantes, la qualité d’assemblage apparaît insuffisante, bref, on frôle l’échec. Une nouvelle usine est prévue pour 1954, où la production augmente, mais sans atteindre de gros volumes : la clientèle ne goûte pas à la Corvette, dont la survie est menacée. Mais elle sera sauvée.
Déjà par un certain Zora Arkus Duntov, ingénieur belge d’origine russe et excellent pilote qui, lors du Motorama n’hésite pas à aller parler à Ed Cole, directeur technique de Chevrolet, pour lui expliquer ce qui ne va pas sur le concept. Surprise, il sera engagé ! Ensuite, ironiquement, par la concurrence. En 1954, Ford présente sa vision de la voiture de sport biplace, la Thunderbird. Très belle, elle a tout ce qui manque à la Corvette : un gros moteur V8, une belle finition et de bonnes performances. Rencontrant un grand succès commercial, elle montre aux dirigeants de GM que le marché est viable pour un constructeur américain !
Alors, on greffe un V8 (4,3 l pour 195 ch) à la Corvette en 1955, à l’occasion de son premier restylage, et, Ô miracle, les ventes remontent. On applique les idées de Duntov qui, à partir de 1957, chapeaute les évolutions de la Chevrolet. Elle va énormément évoluer, tant techniquement (freins à disques, boîte manuelle, injection, hausses de puissance) que visuellement. Elle reçoit ainsi pour 1958 un avant à quatre projecteurs puis, pour 1961, une nouvelle poupe affinée comportant quatre feux. La puissance grimpe jusqu’à 360 ch : la Corvette est devenue un engin surpuissant, capable d’en remontrer aux plus prestigieuses des européennes, dont les Ferrari et ce, à prix très, très inférieur.
La spectaculaire Corvette de 2 mouture, dite C2, est lancée en 1962, qui étrenne une moderne suspension arrière à roues indépendantes. Elle pose des bases techniques qui permettront à la sportive Chevrolet de durer des décennies, de se renouveler sans cesse au fil des générations, et de passer, bien avant la Porsche 911, le cap du million d’exemplaires.
Cette architecture tiendra jusqu’à la Corvette C8 de 2019, la première à bénéficier d’un moteur central. C’était, là aussi, un rêve de Duntov. Mais celui-ci aurait-il apprécié la motorisation hybride dont on vient de doter la Corvette, dans sa version e-Ray, à l’occasion des 70 ans du modèle ? Vu la haute technicité de cette variante (dotée de quatre roues motrices), on peut penser qu'il s'en réjouit.
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