La Citroën C5 X n'est pas forcément la nouvelle VelSatis
Les possibilités de réussite de la Citroën C5X en Europe sont improbables. Une grande berline, généraliste de surcroît, n'a aucune chance de trouver preneur, même si elle mélange les genres. En témoigne la VelSatis, un cas d'école du crash industriel français. Sauf qu'en Chine, le marché local, contrairement au nôtre, est toujours friand de berlines, et pas seulement lorsqu'elles sont premium.
Pourquoi, en 2021, s'acharner à créer une grande berline généraliste ? À l'heure ou le genre est en pleine dégringolade, et ce depuis plus de trente ans. Au moment ou nombre de constructeurs jettent l'éponge, l'initiative des chevrons est pour le moins culottée. "Mais ce n'est pas vraiment une berline", se répètent, façon méthode Coué, ceux qui espèrent qu'elle aura une grande carrière européenne. Certes, elle mixe beaucoup de genres : la berline, évidemment, mais aussi le break, le SUV coupé et le SUV tout court. Certes, elle peut séduire ceux qui recherchent le confort, indéniablement plus grand, d'une tri corps, et la facilité d'accès et le look à la mode du moment d'un SUV.
Sauf que d'autres ont essayé, et ils ont échoué. Renault est même le spécialiste du genre. Sa VelSatis a inauguré la tendance transgenre dès 2002. L'époque était aux monospaces et plus aux berlines. Un coup de baguette magique et l'affaire est pliée. Le mélange des deux segments n'a convaincu personne et le four fut retentissant. Le losange a récidivé plus récemment avec un Espace 5 oscillant entre le monospace qu'il a toujours été et le SUV qu'il souhaitait ardemment devenir. L'échec fut moins douloureux, mais le succès n'a pas été non plus rendez-vous et il n'y aura jamais d'Espace 6.
Le cimetière des berlines
Citroën n'aurait donc rien appris des échecs de ses rivaux ? Si les chevrons espèrent cartonner en Europe, l'affaire est plutôt compromise. Les dernières vraies berlines généralistes en circulation ne connaîtront pas de descendance. La Renault Talisman va mourrir de sa belle et discrète mort, la Ford Mondeo ne sera pas remplacée. Reste la Peugeot 508 et l'Opel Inisgnia. La première n'a pas la carrière que ses concepteurs espéraient, quant à la seconde, elle pourrait se transformer en SUV pur et dur dès sa prochaine génération.
Mais alors qu'est-ce que la C5X vient faire dans cette galère ? En fait de galère, il s'agit plutôt d'un sampan, un bateau chinois dans laquelle la marque française va embarquer son dernier bébé. Il sera fabriqué à Chengdu, dans la province de Sichuan. Une localisation uniquement liée au coût du travail moins élevé qu'à l'usine de Rennes - La Janais ou était assemblée la C5 de troisième génération ? Pas seulement. Car la Chine sera le principal, pour ne pas dire unique, marché de la nouvelle grande berline Citroën. Et ce calcul n'est pas une folie de la part de Vincent Cobée, le patron de la marque et de ses équipes. C'est qu'ils se sont simplement penchés sur les meilleures ventes dans l'Empire du milieu.
Les berlines généralistes sur le podium chinois
En scrutant ce top 10, on s'aperçoit que notre lorgnette européenne embrumée par la prédominance des SUV n'a pas vraiment cours. La voiture la plus vendue en Chine l'an passé est la Nissan Sylphy, une bonne vieille berline traditionnelle, tricorps et compacte. Derrière elle ? Une auto très locale, la Haval H6, un SUV, tout de même. Et en troisième position, une Américaine vient compléter le podium. il s'agit d'une Buick Excelle GT, encore une berline tricorps. Ces trois-là sont en plus de purs généralistes, car les premiums, forcément allemandes ou suédoises sont très loin dans le classement.
Du coup, la décision de Citroën paraît logique. Car voilà une marque qui tente de s'implanter depuis trente ans dans ce pays, qui n'y parvient pas vraiment et qui persiste. On peut lui reprocher cet acharnement thérapeutique, mais il est difficile aujourd'hui de faire l'impasse sur le plus gros marché mondial et on ne saurait tenir rigueur au constructeur de tenter de grappiller des parts de marché en lançant une auto qui soit à cheval sur les deux segments les plus vendeurs. L'inverse aurait frisé le suicide, un peu comme si Toyota avait tenté de percer aux US avec son Aygo, alors que la voiture la plus vendue là-bas est l'énorme pick-up Ford F150.
Les ventes en Europe ? Un bonus, rien de plus
De plus, les chevrons sont dans l'anticipation. Car le marché chinois se SUVéise lui aussi, petit à petit Alors, pour mettre toutes les chances de son côté, Citroën a doté sa C5X d'éléments qui vont dans le sens de l'histoire. On ne saurait lui en vouloir. Un sens qui pousse d'ailleurs l'Américain Ford dans le même sens : celui de l'Evos, une berline-SUV dinée prioritairement à la Chine. Certes, on peut reprocher à la marque de ne plus penser à nous. Mais les nostalgiques français des voitures françaises pourront se consoler en achetant une C5X dans le réseau hexagonal. Si elle se vend, c'est tant mieux, il suffira d'acheminer quelques modèles en cargo. Et si elle fait un flop (probable) en Europe ? Rien de très grave puisque les quelques ventes qui seront réalisées ici ne seront qu'un bonus supplémentaire pour elle, réalisé loin de ses terres d'attache et loin de ses enjeux financiers.
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