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La beauté des laides - Alfa Romeo Arna : le crime de lèse-majesté

Dans Rétro / Géants de l'industrie

Michel Holtz

La compacte italienne souffre d'une double peine. À son physique difficile s'ajoute la marque qui l’a créée : Alfa Romeo. La maison milanaise ayant habitué ses disciples à de jolies autos, ils ne lui ont jamais pardonné cet écart. Pourtant, l'Arna avait un vrai moteur Alfa et elle était, fait rarissime à l'époque pour la marque, très fiable.

La beauté des laides - Alfa Romeo Arna : le crime de lèse-majesté

Si l’automobile est un temple, les Alfistes en sont ses gardiens. Voilà des passionnés qui, depuis des décennies, édictent leurs règles. Une Alfa se doit d’être dessinée ainsi, propulsée comme ça et gare au sacrilège. Du coup, tout écart de conduite de la part des designers et des motoristes de Milan est sévèrement sanctionné.

Ce fut le cas en 1990, lorsque parut le coupé Alfa SZ, immédiatement baptisé « il mostro ». Mais ce qui n'était pas très grave pour ce coupé exclusif fut beaucoup plus dramatique pour la marque lorsque naquit, dix ans plus tôt, un autre OVNI : l'Alfa Romeo Arna. Car à la fin des années soixante-dix, la disette sévit à Milan. Les ventes sont en berne, et l'actionnaire public italien qui doit tenter de sauver le constructeur est englué dans les récurrents problèmes politiques du pays.

Un accident tant visuel qu'industriel

Alfa Romeo doit trouver coûte que coûte de quoi subsister. Alors on regarde de l'autre côté des Alpes, en Allemagne. Depuis 1974, Volkswagen a réalisé le carton du siècle en démocratisant la compacte à hayon. La Golf est sur toutes les lèvres et dans toutes les rues. À Milan, on veut la même. D'autant que les rivaux locaux, Fiat et Lancia ont trouvé la réplique : elle s'appelle Ritmo chez le premier, et Delta chez le second.

"Entre la grise et la rouge. Entre l'insipide et la pas terrible, je ne sais laquelle choisir".
"Entre la grise et la rouge. Entre l'insipide et la pas terrible, je ne sais laquelle choisir".

Dans les cartons, les dirigeants d'Alfa ont bien une 33, pas vraiment sur le même moule, mais pourquoi pas. Sauf que celle qui doit remplacer l'Alfasud, le dernier succès de la marque en date, est loin d'être prête. Que faire ? S'acoquiner avec un autre constructeur qui dispose du bon modèle déjà existant, pardi. Ça va beaucoup plus vite et ça coûte beaucoup moins cher.

Ça tombe bien, le Japonais Nissan entend bien débouler en Europe avec sa marque Datsun et une auto qui convient parfaitement. La Pulsar est une compacte à hayon ? Marché conclu. Alfa signe un accord de coentreprise avec Nissan et l'Arna est née. Un  nom de baptême qui n'a pas nécessité des heures de brainstorming, puisqu'il s'agit de l'acronyme de la société commune : Alfa Romeo Nissan Automobili. Il suffira de changer deux ou trois logos, un volant, d'y glisser un moteur d'Alfasud et en route vers le succès.

"Laissez-moi sortir, je ne peux plus la voir en peinture".
"Laissez-moi sortir, je ne peux plus la voir en peinture".

Les dirigeants d'Alfa ont-ils signé l'accord avec le Japonais sans même avoir vu la voiture, ou sans même en avoir parlé à leur bureau du style ? Toujours est-il que la Pulsar n'a strictement rien à voir avec la griffe milanaise. Mal proportionnée en cinq portes, elle est carrément atroce en trois portes. Surtout, son dessin date. Commercialisée dès 1978 sous le badge Nissan, alors qu'on est en 1981, l'Arna paraît déjà ancienne avant même d'être mise en vente. En plus, elle n'est pas près de l'être. Car si les responsables du style Alfa n'ont pas vu la Pulsar, les ingénieurs ne l'ont pas examinée non plus. Le moteur de l'Alfasud ne rentre pas sous le capot. Il faut revoir la copie et le berceau moteur. Ce n'est qu'en 1983 que les premiers exemplaires sont distribués, pratiquement au moment où les Allemands lancent la deuxième Golf, beaucoup plus moderne que la première, elle-même déjà plus réussie que l'Arna.

L'Alfa Romeo la plus fiable de son époque

Dire que les Alfistes sont abasourdis en apercevant la nouvelle auto est un euphémisme : ils la détestent d'emblée. Pour ne rien arranger, la même année sort une "vraie" Alfa, la 33 à la si longue gestation.

Si les Alfistes se détournent de l'Arna et n'ont d'yeux que pour la 33, le réseau de la marque en fait autant, en bradant la première et en mettant la seconde en avant. Ils en vendront poussivement 50 000 en l'espace de quatre ans à travers l'Europe, en ne pouvant même pas livrer le meilleur argument en sa faveur, au risque de dénigrer les autres Alfa : elle est la plus fiable de tout le catalogue. Et pour cause, puisque c'est une Japonaise, utilisant des tôles revêtues de zincrometal, beaucoup plus résistantes à la corrosion que les Alfasud, notamment. En plus, les moteurs qui ont fini par se loger sous le capot de l'Arna étaient les pétulants boxers de 1,2 l et 1,3 l, la spécialité de la marque milanaise. Des moteurs Alfa dans une auto fiable ? Tout ce dont pouvait rêver un Alfiste des années quatre-vingt. Et tout ce dont devrait rêver un amateur d'anciennes italiennes aujourd'hui, puisque les autres se sont écroulées sous les points de rouille. Ainsi, si une seule Alfa restera, ce sera l'Arna. 

Insipide en cinq portes, l'Arna est carrément atroce en trois portes.
Insipide en cinq portes, l'Arna est carrément atroce en trois portes.

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