L’utopie des moteurs à turbine en automobile
Dans les années 50 ,et 60 bien des constructeurs automobile ont cru voir dans la turbine à gaz l’avenir des moteurs. Ils se sont lourdement trompés, mais se sont arrêtés à temps…
Et pourtant, que d’avantages, sur papier du moins… Par rapport au moteur à pistons, le moteur à turbine se montre plus léger et comporte bien moins de pièces. Pas d’arbre à cames, de pistons, de bielles, circuit de refroidissement superflu. Par ailleurs, cette mécanique accepte plusieurs types de carburant, gaz, essence, gasoil, kérosène… Enfin, en théorie toujours, elle nécessite moins d'entretien, dure plus longtemps et peut développer une puissance extrêmement élevée.
Ces avantages ont commencé à devenir évidents en aviation avant même la fin de la Seconde Guerre Mondiale grâce au chasseur Messerschmitt 262, qui n’a heureusement pas eu le temps d’exploiter son plein potentiel. L’industrie automobile, toujours à l'affût de ce qu'il se passe en aéronautique, s’y est intéressée très tôt.
Rover a été un des premiers à tenter d’installer un moteur à turbine, ou à réaction, dans une voiture, les Britanniques ayant été en pointe dans le développement de cette motorisation avant la guerre. La Rover Jet 1 voit le jour dès 1950 : il s’agit d’un roadster doté d’une turbine à gaz située derrière les passagers. Après un développement intensif, elle est testée sur l’autoroute belge de Jabbeke à plus de 240 km/h !
Le constructeur au drakkar persévère dans ce type de moteur, prévoyant de l’installer dans sa berline P6 lancée en 1963. Toute sa baie moteur a été conçue pour recevoir une turbine, la suspension avant implantant même ses ressorts de façon longitudinale afin de dégager de la place en largeur. Mais elle ne recevra jamais la fameuse turbine.
A la même époque, Fiat développe la Turbina, qui est présentée en 1954, les études ayant débuté en 1948. Ce coupé très aérodynamique (Cx de 0.14 !) est capable de 250 km/h : très élevé à l’époque. La suspension à quatre roues indépendantes dérive de celle de la 8V mais la puissance était bien plus consistante : 200 ch. Mais Fiat n’a pas donné suite, ayant pourtant poussé très loin la mise au point.
Peu après, en 1956. Renault révèle l’Etoile Filante. Une voiture extraordinaire, ressemblant à un avion sur roues, conçue notamment par Fernand Picard, l'homme de la 4CV. La Régie l’emmène sur le lac salé à Bonneville et à son volant, Jean Hébert bat un record de vitesse le 5 septembre : 308,85 km/h. Il faut dire que sa turbine Turbomeca produit 270 ch à 28 000 tr/min. Mais de suite, point.
Si GM, après avoir produit les concepts Firebird 1, 2 et 3 à partir de 1953 comprend avant la fin de la décennie que la turbine ne convient pas idéalement à l’automobile, Chrysler emboîte le pas aux européens. La firme au Pentastar sera même celle qui cherchera le plus longtemps à mettre au point la turbine. L’américaine en installe une dans une Plymouth 1954 puis poursuit le développement de ce dispositif.
A tel point qu’en 1963, il met sur la route cinquante Chrysler Turbine, confiée à des particuliers. Des autos très finement étudiées et dotée d’une transmission automatique. Les quidams parcourront plus d’un million de miles à leur volant, mais en donneront des avis mitigés : ils trouvent que leur monture, en plus de consommer énormément de carburant, réagit très mollement. Par exemple, au moment de s’élancer au feu vert, il faut attendre environ deux secondes pour que le moteur développe une puissance suffisante à entrainer la voiture. Embêtant ! Ensuite, la cavalerie devient énorme, mais trop tard.
C’est là le gros avantage des moteurs à pistons : ils réagissent immédiatement, ce qui est exactement ce que l’on cherche en conduite courante. Les électriques aussi présentent aussi cette caractéristique, de façon plus accentuée encore. Mais pas les moteurs à réaction, très, très lents à la détente. Aussi, s’ils donnent toute satisfaction en aviation, où ils peuvent fonctionner des heures durant à régime constant, ils se révèlent tout à fait inadaptés sur la route. Et même sur circuit : les Rover-BRM, STP, Howmet TX et Lotus 56 n’ont pas excellé, loin de là.
Autre gros défaut des moteurs à turbine : leur coût de fabrication rendu considérable par l’extrême précision que nécessite leur assemblage et surtout les matériaux hors normes qu’ils emploient, ne serait-ce que pour faire face à des températures de fonctionnement élevées. Conséquence, contrairement à celles dotées d'un moteur Wankel, aucune voiture à turbine n’a été commercialisée, même si des marques aussi reconnues que Ford, Toyota, ou plus récemment Jaguar, sur son concept C-X75 s'y sont intéressées.
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