L’hémorragie s'aggrave chez les équipementiers européens
Les pertes d'emplois chez les équipementiers automobiles européens ont plus que doublé en 2024. L’atonie du marché automobile et le succès contrarié des véhicules électriques sur le Vieux Continent n’expliquent pas tout.
Une récente analyse de l'Association européenne des fournisseurs automobiles (Clepa) pour le Financial Times a montré que plus de 30 000 emplois avaient été supprimés dans l'ensemble de l’équipement automobile en 2024. Soit le double que l’année précédent.
L’hémorragie est d’autant plus inquiétante que l’hémophile filière, semble incapable de stopper le flux des licenciements et des fermetures de sites. 58 000 pertes d'emplois nettes ont été recensées en Europe depuis 2020.
Une filière à l'agonie
Récemment, Valeo a décidé de fermer trois de ses sites français : deux usines (à l’Isle d’Abeau en Isère et à La Suze dans la Sarthe) mais aussi le centre de R&D de Verrières dans les Yvelines. Forvia a annoncé au printemps dernier supprimer à travers l’Europe, 10 000 emplois, relevant d’un « sureffectif » face à l’activité du groupe.
Du fabricant de pneumatiques français Michelin (fermeture de deux usines en France) à Bosch, le plus important fournisseur de pièces automobiles du monde (5 500 suppressions de postes envisagés, principalement en Allemagne), aucun des grands acteurs n’échappe à la crise. Quant aux plus petits, ils n’ont bien souvent le choix que de se faire absorber ou de mettre la clé sous la porte.
Marché en berne
Les ventes de véhicules neufs par les constructeurs européens ont régulièrement chuté, laissant les approvisionnements avec une capacité excédentaire et peu de perspectives de rebond des ventes. « S'il n'y a plus de croissance pour les constructeurs européens, il n'y a plus de croissance non plus pour leurs équipementiers » déclare dans les colonnes du FT Alexandre Marian, directeur du cabinet de conseil Alixpartners. De quoi susciter l’inquiétude des salariés (1,7 million) de l’Union Européenne.
Rien qu’en France, la filière risque de perdre " la moitié de ses 57 000 emplois au cours des 5 prochaines années à cause de la baisse des volumes de ventes de véhicules, du ralentissement de l'électrique et de la concurrence chinoise ", s’est alarmé le 18 septembre dernier Jean-Louis Pech, le président de la FIEV (Fédération des industries des équipements s de véhicules). Faute de débouchés, ceux qui investissent, le font au-delà de l’Europe. Notamment en Chine. Premier constructeur automobile au monde, et leader incontesté du véhicule électrique.
Quête de débouché et de compétitivité
D'autant que les perspectives européennes demeurent incertaines. « Nous voulons rester fidèles à nos clients historiques mais nous devons chercher de la croissance ailleurs. Nous ne nous attendons guère à une croissance significative du secteur automobile européen au cours des cinq prochaines années » explique Laurent Favre, CEO de l'équipementier OPmobility.
Valeo, qui a également de nombreux sites en Chine, pointe une perte de compétitivité de l’Europe « de 25 % en 4 ans ». Notamment à cause de l'inflation des salaires et des coûts de l'énergie, selon son patron Christophe Périllat. Et de pointer les limites des surtaxes douanières pour les véhicules importés de Chine. Pas assez restrictive selon lui. « Ce qui a été décidé par la Commission européenne, c'est finalement de protéger l'usine d'assemblage, de forcer les constructeurs chinois à s'établir en Europe. Mais avec des équipements venant d'où ? » s’interroge-t-il. Lorsque les constructeurs Chinois sortiront leurs premières voitures des usines européennes, Valeo, Forvia, Bosch et consorts pourraient très bien leur fournir des pièces… développées et fabriquées en Chine... Ou ailleurs. L'Inde et son 1,4 milliard d'habitants (30 voitures pour 1000 hab contre 800 aux USA) fait figure de nouvel eldorado. Le gouvernement indien a pour ambition de commercialiser 30 % de véhicules électriques d'ici 2030, et 100 % d'ici 2047.
De la mécanique au high-tech
Il n'est plus question ici, uniquement de pièces mécaniques, mais de nouvelles technologies mises en avant dans des salons de high-tech comme Las Vegas. La valeur d'une voiture tient aujourd'hui davantage du software que du hardware. Les équipementiers vendent désormais de la technologie embarquée à forte valeur ajoutée. Et quoi de mieux que de le faire sur un marché nouveau, en plein développement, où les constructeurs, pour reprendre les paroles du Patron de Renault, Luca de Meo, « ont dix ans d'avance » et où les clients technophiles envisagent la voiture comme le prolongement connecté de leur salon. Et L'Europe dans tout ça ?
« Notre estimation est que le peu de croissance que nous pouvons avoir sur le marché européen sera absorbé par la croissance des importations, notamment chinoises » déclare au Financial Times Marc Mortureux directeur général chez Plateforme filière automobile et mobilités (PFA). La souveraineté économique européenne semble à la peine.
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