Hydrogène : une révolution à construire pour le futur du véhicule électrique ?
L’hydrogène est en mesure d’apporter à l’ensemble de nos mobilités une forme de virtuosité écologique inédite. Pourtant aujourd’hui encore, tout reste à faire pour déverrouiller la croissance de cette filière en lui ôtant ses faiblesses.
L’utilisation de l’hydrogène (H2) comme combustible pour le transport présente de multiples avantages, tant écologiques que techniques, ce que souligne le commissariat à l’énergie atomique (CEA) qui affirme que l’H2 pourrait fournir demain l’énergie nécessaire à toutes nos mobilités électriques, tout en réduisant fortement les émissions de CO2 et de polluants.
- Sa combustion ne génère que de la vapeur d’eau ;
- Il permet de stocker et de transporter des quantités d’énergie exceptionnelles : 1 seul kilo d’H2 représente la même quantité d’énergie que 3 kg d’essence, 180 kg de batteries Li-ion ou encore 300 kg de batteries NiMH ;
- Il est présent en quantité quasi-inépuisable (mais rarement pur à l’état naturel car relié à d’autres atomes de carbone, de soufre ou d’oxygène) ;
- Il permet de stocker et de transporter facilement de grandes quantités d’énergie (contrairement à l’électricité dont la distribution engendre des pertes et dont le stockage est à la fois volatil et limité en puissance) ;
- L’énergie que représente son stockage facilite l’utilisation des énergies renouvelables en permettant de compenser leur intermittence.
En prenant en compte toutes les étapes de fabrication du véhicule et de son carburant, un véhicule électrique (VE) à pile à combustible (PAC) dont l’H2 serait issu de filière renouvelable (ou bas carbone) génère globalement 2 fois moins de CO₂ qu’un véhicule thermique, tout en n’émettant aucun polluant à l’échappement.
Des obstacles sont encore présents sur le chemin de l’hydrogène
Cependant, aussi grands soient les avantages apportés par l’H2, de multiples verrous au développement de cette filière subsistent encore à différents niveaux. Le premier d’entre eux est le coût de fabrication des PAC. Bien qu’en baisse constante, il reste encore trop élevé pour que les constructeurs automobiles puissent proposer actuellement des véhicules équipés de piles de forte puissance pour un budget raisonnable.
Cette difficulté s’explique essentiellement par le prix des matériaux utilisés et par leur quantité, ce qui in fine limite la puissance du véhicule et la durée de vie de sa pile : 30 €/kW pour 5 000 heures et jusqu’à 1 000 €/kW pour 100 000 heures Les fabricants automobiles et les scientifiques cherchent donc à élaborer des processus de fabrication plus rentables, le Japon et la Corée étant à l’heure actuelle les plus avancés sur cette voie.
L’attentisme réciproque de la filière de production d’hydrogène et de celle de transport à PAC constitue également une entrave importante. Chaque filière attendant l’autre pour se développer à moindre risque économique. Au final, aucune infrastructure digne de ce nom, ni aucune gamme complète de véhicule n’est mise sur le marché, particulièrement en Europe.
La mise en place préliminaire de véhicules électriques à hydrogène au sein de flottes captives (utilitaires, services publics, engins spéciaux d’aéroports ou de chantier, etc.) amorcerait le déploiement d’une infrastructure H2 qui permettrait progressivement de « lever les verrous » à la commercialisation d’une offre complète de transport électrique à pile à combustible.
Les procédés industriels employés actuellement pour produire massivement de l’H2 constituent également un frein au développement de la filière. Il s’agit presque exclusivement à l’heure actuelle du vaporeformage de méthane et de l’électrolyse de l’eau.
Hélas, le vaporeformage nécessite l’utilisation d’une source fossile (gaz naturel, de schiste ou coupe pétrolière) tandis que l’électrolyse de l’eau consomme un peu plus d’énergie électrique que celle qui sera restituée par l’H2 lors de sa combustion. Par conséquent, dans l’idéal cet apport initial d’énergie devrait être fourni par des sources renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse) ou nucléaire, en quantités suffisantes et à un coût compétitif.
L’H2 présente également l’inconvénient d’être stocké sous forme gazeuse à 700b (parfois 350b), ce qui impose d’équiper les véhicules avec des réservoirs robustes et volumineux : 150 litres pour 6 kg de combustible et 600 kilomètres d’autonomie réelle. Qui plus est, ce gaz est explosif et facilement inflammable. Mais ce risque est psychologiquement surestimé, des sécurités existent et ont été déjà éprouvées par les véhicules GPL et GNV. Et demain, le stockage solide d’H2 sous la forme de composites d’hydrures métalliques deviendra peut-être la norme.
Tout autour du monde, l’électromobilité suscite de grandes ambitions qui s’expriment sous des formes et stratégies différentes. L’Asie et ses constructeurs sont ainsi les plus engagés en concentrant tous leurs efforts sur l’hybridation et la pile à combustible hydrogène.
Face à eux, une Amérique (Californie exceptée) et surtout une Europe qui tardent à tourner la page du transport thermique. Le « vieux continent » s’orientant sans grande conviction vers l’électrique rechargeable à batteries, au détriment des investissements dans l’H2.
L’Asie est en avance et l’Europe se réveille
Toutefois les choses évoluent depuis le forum économique mondial de Davos de 2017 et la création du « Conseil de l'Hydrogène ». Et cette année notamment, des volontés d’amorce du marché de l’H2 semblent renaître parmi nos industriels et responsables politiques avec des annonces de plus en plus fréquentes de nouveaux bus ou utilitaires à PAC qui démontreraient un regain d’intérêt pour la filière H2.
La plupart des constructeurs se sont également regroupés au sein de partenariats pour mutualiser leurs investissements (ou pour combler leur retard en s’alliant aux leaders asiatiques) : Ford-Daimler-Renault-Nissan, BMW-Toyota, Audi-Hyundaï-Kia, Ford-Toyota, Honda-Hyundaï-Kia, Hyundaï-Cummins, etc. Et si l’absence apparente de Volkswagen ou de Peugeot dans cette liste peut surprendre, celle-ci serait toutefois à relativiser.
Le PDG de Peugeot semble désormais conscient du retard pris par l’Europe et sollicite les pouvoirs publics pour qu’ils augmentent le nombre d’infrastructures de distribution d’H2. Le temps que l’ingénierie de PSA et le centre de recherche d’Opel puissent être en mesure de proposer (tout comme Renault) une offre de véhicules utilitaires électriques hybrides avec batterie « plug-in » et pile à combustible H2 auxiliaire de faible puissance (donc faible surcoût). Ces « utilitaires à micro-hybridation hydrogène » serviraient avant tout à initier le déploiement des infrastructures de production et de distribution d’H2 pour permettre ensuite de rendre plus attractive une offre « grand public » de transport électrique 100 % hydrogène.
Volkswagen n’affiche effectivement aucun positionnement sur les piles à combustible et ne propose en effet aucun modèle. Pourtant en coulisse, le groupe VAG se positionne bel et bien sur l’hydrogène : Volkswagen of America et l’université de Stanford ont développé fin 2018 un processus de fabrication des PAC qui réduit considérablement les dépenses en métal précieux. De son côté, Audi est membre du Conseil de l’Hydrogène ainsi que partenaire de Hyundaï afin de partager à l’avenir tous leurs brevets, licences et composants de PAC.
Tout cela démontre bel et bien de grandes ambitions dans l’hydrogène au sein du groupe VAG et la stratégie d’orienter probablement leur électromobilité sur 2 axes économiques : les batteries pour les citadines et compactes d’entrée de gamme Volkswagen, les PAC pour les berlines haut de gamme Audi.
…et puis, quand 400 stations H2 sont annoncées en Allemagne ces 3 prochaines années et que l’indéboulonnable chancelière Merkel se prononce elle-même en faveur de cette filière, quel constructeur européen pourrait prendre le risque de ne pas participer à cette révolution ?
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