Fiat Croma Turbo ie (1985 – 1996), une licorne italienne, dès 4 500 €
Si la Croma a connu son petit succès, c’est d’abord grâce à ses versions diesels, tantôt très performantes, tantôt incroyablement frugales. Pourtant, il y avait une intéressante Turbo ie, discrète et rapide, peu vendue et quasiment introuvable aujourd’hui. Donc indispensable…
Fiat et le haut de gamme, ça n’a jamais été le grand amour. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir proposé de belles et bonnes autos, comme la 2300, la Dino et la 130, toutes modestement vendues. A tel point que le géant italien a revu ses ambitions à la baisse vers la fin des années 70, en faisant de la 132 son porte-drapeau. Et elle n’a pas si mal réussi, s'écoulant à près 650 000 unités.
En 1981, l’Argenta la remplace. Seulement, ça n’en est qu’une évolution, dépassée dès son lancement. En fait, c'est surtout un bouche-trou car chez Fiat, on planche sur un vaisseau-amiral digne de ce nom et moderne. Il partagera sa base avec la future grande de Lancia (marque propriété du géant turinois depuis 1969) afin de donner une descendance à une autre malaimée, la Gamma. Celle-ci, une traction, dispose d’une très belle suspension arrière à bars multiples et jambes de force que l’on retrouvera sur les futures cousines chics, composant une partie du projet Tipo 4.
En effet, il y en a une troisième. Pour développer la plateforme, le groupe turinois collabore avec Saab, qui aura bientôt besoin de remplacer sa 900. Les études débutent dès 1978, mais rapidement, les équipes italiennes et suédoises entrent en désaccord. Les premières veulent une auto dynamique et efficiente, donc légère, les seconds, ayant le marché US en ligne de mire, souhaitent favoriser la sécurité passive, au détriment du poids.
Les études divergent, mais une seule maison de design dessinera toutes les voitures à l’étude : Giugiaro, qui planche sur la Croma dès 1981. Un quatrième larron entrera dans le projet, mais plus tard, et plus pour en profiter qu'y contribuer : Alfa Romeo, sur pression du gouvernement italien. Cela donnera la 164, révélée fin 1987 et dessinée par Pininfarina.
Le talent de Giugiaro fait que quand les Thema et Saab 9000 sortent en 1984, il est impossible de les confondre, seules les portières et le pare-brise trahissant leur parenté. Des éléments qu’on retrouve sur la Fiat Croma, quand elle apparaît fin 1985. Mais la turinoise se distingue par sa poupe, typée 2 volumes et demi, tentant de concilier l’élégance d’une berline à coffre séparé avec la praticité d’un hayon. Très moderne et aérodynamique, elle fait oublier l’archaïque Argenta, même si son museau, aussi distingué que celui d’une Renault 9, semble bien banal.
D’emblée, la turbo-diesel retient l’attention par ses performances remarquables. La Turbo ie, qui la chapeaute, passe, en revanche, relativement inaperçue. La faute à la puissance peu impressionnante de son 2,0 l double-arbre Lampredi suralimenté, qui s’en tient à 155 ch contre 165 ch à celui de la Thema. Il se passe aussi des arbres d’équilibrage contrarotatifs de cette dernière.
Cela obéit à une logique de gamme, la Croma étant moins haut placée… et moins chère ! Pourtant, la Fiat profite d'une suralimentation soignée, composée d'un turbocompresseur Garrett T3 complété d'un échangeur air-air, l'alimentation en essence se faisant par injection électronique.
A 131 900 F (37 000 € actuels selon l’Insee), la Turbo ie se révèle bien plus avantageuse, mais ce prix est tout de même considéré comme trop élevé pour une Fiat. Pourtant, cette variante jouit d’un bel équipement : 4 vitres teintées électriques, jantes en alliage, antibrouillard avant, check-control, chauffage à contrôle automatique…
En option, on trouve le correcteur d’assiette, l’ABS, les sièges électriques, voire le toit ouvrant. Très (trop !) discrète extérieurement, la Fiat la plus chère peut néanmoins rivaliser avec des autos plus hautes en couleur comme la Peugeot 505 Turbo (l’italienne pointe à 210 km/h), mais personne ne le sait, surtout que le constructeur ne la promeut pas.
Par la suite, la Fiat va relativement peu évoluer techniquement. Retouches esthétiques en 1987 (feux arrière à haut blanc, montants centraux et bas de parechocs couleur caisse, revêtements intérieurs plus colorés), puis en 1989 (feux arrière à haut noir, nouvelles garnitures de l’habitacle). En 1991, un restylage important intervient : toute la face avant est redessinée, de même que le tableau de bord.
L’équipement, revu à la hausse, intègre désormais une très belle sellerie en cuir. En 1993, la Croma est encore remaniée (amortisseurs améliorés, jantes agrandies, calandre perdant sa barrette centrale, airbag optionnel), puis une dernière fois pour 1995 (éléments de décoration, airbag de série), avant de tirer sa révérence en 1996, produite à 440 000 unités. Mais jamais le moteur de la Turbo ie ne prendra de puissance, au contraire, il tombera à 150 ch en 1993 quand un catalyseur est installé. Sûrement pour laisser la place au-dessus de lui au 2,5 l Alfa Romeo équipant la Croma V6 (160 ch), jamais vendue en France.
Combien ça coûte ?
Ce qui est rare est cher… Sauf la Croma Turbo ie. En France, on n’en a pas vu à la vente depuis fort longtemps, mais en Italie, l’auto se déniche assez aisément, ainsi que dans une moindre mesure en Allemagne. A 4 500 €, on s’offre un exemplaire en bon état affichant un peu plus de 100 000 km, principalement en phase II, les plus beaux s’affichant à 6 000 €.
Quelle version choisir ?
Toutes sont valables, mais les restylées post-1991 profitent d’une meilleure qualité de fabrication et de finition, en plus d’un équipement enrichi.
Les versions collector
Toute Croma Turbo ie en parfait état d’origine est un collector, surtout à faible kilométrage. Ce qui est très, très rare.
Que surveiller ?
La Croma est une auto bien née qui ne souffre pas de grosses tares. Ses principaux défauts seront électriques, concernant des accessoires légers, comme la tringlerie d’essuie-glace ou les faux contacts du check-control. Le boîtier d’allumage électronique connaît des défaillances, mais peut se réparer. Vidangé régulièrement (tous les 7 500 km), le moteur tient le choc très longtemps, et sa courroie de distribution s’avère plus simple à changer que celle de la Thema car elle n’entraîne pas d’arbres contrarotatifs.
Si elle bénéficiait d’une peinture de meilleure qualité que celle de la Thema (Lancia avait tenu à conserver ses fournisseurs historiques et… dépassés), la Croma finit par rouiller, notamment au niveau des passages de roue arrière. Les étriers de freins arrière ont de plus tendance à gripper. Dans l’habitacle, la finition des modèles avant restylage est franchement légère, ça s’arrange ensuite.
En somme, cette Croma est une voiture bien plus endurante qu'on ne l'imagine, pour peu qu'elle ait été entretenue avec soin.
Au volant
J’ai pu prendre le volant d’une Croma Turbo ie de 1989. J’ai retrouvé la bonne position de conduite, grâce au réglage en hauteur du siège et du volant, même si celui-ci est trop incliné en avant. On est bien assis dans cette berline spacieuse, mais à la finition peu engageante. La Croma se signale tout de même en roulant par un grand silence de fonctionnement. Direction douce et précise, boîte très agréable à manier, suspension filtrant correctement les inégalités : le confort est appréciable.
Le moteur ? Souple et docile, il délivre une sonorité plutôt feutrée, étouffée par le turbo qu’on entend souffler. Il délivre des accélérations et reprises fort vigoureuses, et aime bien prendre des tours, même s’il reste un peu moins punchy que le 165 ch de la Thema Turbo ie. Cette mamma des eighties en surprend en tout cas plus d’un par sa vigueur !
Le comportement routier se révèle très sain et bien équilibré. La Croma tient très bien la route, et communique plaisamment, mais ses mouvements de caisse se révèlent trop amples et son train avant manque de rigidité. On le sent un peu chercher sa voie en cas de forte accélération, et la motricité est prise en défaut quand on brusque la voiture. Elle se contente en effet de jantes de 14 pouces ! Mais en usage courant, ces défauts n’apparaissent pas, et la Croma freine de plus très bien. Quant à la consommation, rançon d’un bon Cx (0.32) et d’un poids modéré, elle ressort à 8,5 l/100 km en moyenne.
L’alternative newtimer *
Fiat Croma SW 2.4 JTD (2005 – 2008)
Après la Croma I, fini les grandes berlines… jusqu’à la Croma II, apparue en 2005. Dérivant de l’Opel Vectra, elle arbore une curieuse carrosserie Giugiaro se donnant des airs de break. Pataude, elle cache tout de même une grande habitabilité et une très belle finition. En haut de gamme, diesel-mania oblige, c’est un puissant 5-cylindres 2,4 l JTD de 200 ch qui anime la grande turinoise, avec un certain brio, même s’il ne peut s’atteler qu’à une boîte auto à 6 rapports. Elle pointe à 216 km/h mais accélère moins fort que sa devancière de 1985. La faute à ses 1 650 kg ! Malheureusement, tout comme la version Turbo ie de la Croma I, cette variante suréquipée demeurera marginale. A partir de 4 000 €.
Fiat Croma Turbo ie (1986), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 1 995 cm3
- Alimentation : injection électronique, turbo
- Suspension : jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV) ; jambes McPherson, bras transversaux et longitudinaux, ressorts hélicoïdaux barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, traction
- Puissance : 155 ch à 5 250 tr/mn
- Couple : 235 Nm à 2 350 tr/mn
- Poids : 1 260 kg
- Vitesse maxi : 210 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 8,2 s (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Fiat Croma, rendez-vous sur le site de La Centrale.
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques.
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