2. Essai - Yamaha Tracer 9 GT+ : plus mieux et mieux pour plus
Les organisateurs de cette virée nous ont prévenus : ils ont sélectionné les routes parmi les plus enthousiasmantes qu’ils connaissent et qu’ils aient parcourues à moto. La Sardaigne, c’est la Corse à l’échelle x3… Pour celles et ceux qui ne connaissent ni l’une ni l’autre à moto, disons que s’il existe un Paradis pour motards, il doit ressembler à ça. Et que s’il existe une moto toute indiquée pour parcourir ces routes, la Tracer GT+ doit être celle-ci. Certes, on croise des sportives, des maxi trails et quelques roadsters, mais la Yamaha, c’est un peu toutes celles-ci à la fois, comme nous allons le découvrir au fil des kilomètres.
Déjà, il y a la souplesse du moteur, apte à rouler sur le 6ème rapport à 50 km/h et sur le régime de ralenti sans protester et surtout, en étant capable de repartir en profitant les 93 Nm de couple. Le tout sans même avoir le hoquet. La boîte de vitesses, douce et agréable, contraste avec le shifter accrochant souvent à la montée et demandant à claquer le ou les rapports à la descente. Certes, il est revu, certes il fonctionne bien, mais il demande un temps d’adaptation et un bon jeu de cheville pour être efficace. Surtout, il nous a bien moins convaincus que l’embrayage doux et précis, anti dribble de surcroît. Au moins indique-t-il sur l’instrumentation si l’on se trouve dans la bonne plage pour passer un rapport (petite flèche vers le haut et/ou le bas à côté du symbole QS). Une fois cette mesure prise, on peut commencer à prendre en mains l’accélérateur électronique et ses trois modes de comportement.
Rain ? Voici un mode bien plus intéressant qu’il n’y paraît, à dire vrai, y compris sur le sec. Nous avons d’ailleurs pris grand plaisir à l’exploiter pleinement (comprendre par là « à fond »), profitant de sa douceur et de sa force contrôlée dans les bas et mi-régimes. Il bénéficie de montées en puissance marquées dans le dernier tiers du compte-tours. C’est paradoxal, mais particulièrement plaisant, y compris de limiter les réactions du CP3. Surtout lorsque le calibrage de l’anti patinage est si bien réalisé que celui-ci n’intervient jamais sur le sec. L’occasion de pointer une électronique de premier ordre et d’une pertinence rare en termes d’anticipation de glisse.
Le mode Road confirme cette excellence, avec une accélération plus franche et toujours une belle onctuosité au niveau des réactions moteur. Le tout sans rien enlever cette fois du caractère enjoué de la mécanique ici bien plus remplie. La réponse aux gaz est « tendre », mais les sensations suivent.
Viennent enfin, le mode Sport et sa réactivité immédiate, sa nervosité, même. Il ravira les pilotes aux doigts de fée et à la main droite précise, qui peinera de moins en moins à limiter les débordements à bas régime et les envolées plus haut dans les tours. L’injection est précise, les réactions parfaitement dosables, et l’on ne sent aucun à coup, gage d’une maîtrise impressionnante de la gestion moteur.
Serait-il exempt du moindre défaut, ce moteur CP3 de la Tracer GT+ ? Non. Euro5 marque là encore de son empreinte la courbe de couple et de puissance. Entre 4 et 5000 tr/min, un creux patent et sensible trahit l’appauvrissement forcé des performances, tandis que l’on retrouve force santé une fois la zone de 5 500 tr/min dépassée. C’est d’autant moins long que l’on se trouve sur les premiers rapports, mais le phénomène demeure sensible. Moins cela dit que sur une moto plus lourde, telle la Niken GT… jusqu’à 8 000 tr/min environ, c’est un festival de bonnes sensations et une poussée des plus franche qui gratifient la moindre accélération.
À l’opposé d’un moteur linéaire, le CP3 n’a de cesse de monter des étages pour atteindre un sommet de puissance à 10 000 révolutions minute. On ne s’ennuie jamais, c’est plein comme un 9 et comme un œuf. La première emmène vivement au-delà de 110 km/h, la seconde à plus de 135, tandis que la troisième culmine à près de 170 km/h alors qu’intervient la coupure moteur, sise à 11 000 tr/min. Il y a bien entendu bien plus puissant niveau moteur dans la production actuelle de trail GTisants ou de GT sportifs, mais l’agrément du trois cylindres nippon est l’un des plus intéressants de la production : il ne manque de rien et vous le fait savoir.
Suffisamment docile tout en étant bien pourvu niveau caractère, le CP3 réveille le hooligan qui sommeil en vous et vous invite cordialement à braver les interdits. Surtout lorsque la bulle est en position haute et même si elle ne protège pas suffisamment en hauteur ou en largeur. Au moins n’a-t-on pas de turbulences. Par contre, elle en met plein les oreilles. Histoire de compenser l’impression de vitesse diminuée par le carénage protecteur. On prend encore de l’air sur le haut des épaules et le dessus des bras, mais on s’en tire bien. Le contraire serait dommage sur une moto se prenant pour une voyageuse. Les jambes par contre, ont une posture agréable, relaxante, mais une moindre protection entre le genou et les pieds. Autant le savoir.
Bon moteur, protection correcte, la Tracer GT+ se résume-t-elle à cela ? Non. Le bénéfice des suspensions électronique auto adaptatives est immédiat, tout comme celui de la selle à la forme revue et nettement plus agréable en roulant comme lorsqu'il est question de poser pieds au sol. Surtout, la hauteur d'assise est toujours réglable mécaniquement et elle modifie de manière sensible le triangle conducteur (position mains/pids/fesses), influant de manière positive sur la conduite (deux hauteurs 820 mm ou 835 mm). Bien vu. Tout comme la monte pneumatique plutôt confortable elle aussi, offrant un profil neutre et un niveau de filtration important. Aussi rapidement que l’on est à l’aise sur la moto, on se jette dans les virages avec une inextinguible faim et sans jamais fatiguer. Plus de 90 km d’enfilades de virages serrés, de courbes aveugles et de faux plats auront permis de réaliser combien cette Tracer est une moto hyper maniable, bien équilibrée et fort bien balancée et balançable. On virevolte littéralement à bord, profitant d’un cintre agréable en mains. Dommage par contre, que l'ergot de béquille centrale n'ait pas été modifié ou tout simplement déplacé : on se prend le talon gauche dedans lorsque l'on est grand et que l'on souhaite conduire avec la posture académique dite de la pointe du pied sur le repose-pieds. Au moins, le ressort n'est pas trop ferme, mais la position pieds en canard peut rapidement devenir la norme. Ça tombe bien, pour votre serviteur, elle est naturelle. Avec un a, le canard, hein.
Le freinage, enfin apporte un niveau de confiance renforcé et ne réclame pas plus d’effort que nécessaire. À peine perçoit-on les équilibrages opérés par l’UBS, tandis que l’on profite d’un frein arrière pouvant se suffire à lui-même dans la majorité des cas sur route, même à l’attaque. Bien évidemment, l’appoint des pinces radiales n’est pas à négliger, mais l’on rentre sans couac en plaçant un freinage dégressif avant de s’en remettre à la rigueur redoutable du train avant.
Si l’arrière peut se mettre à légèrement dériver, on ne se soucie plus de l’adhérence en tant que telle, s’en remettant à la gestion de la glisse et du patinage pour se concentrer sur l’essentiel : la trajectoire. Ou plutôt, les trajectoires : la GT+ ouvre de nouvelles traces et de nouvelles possibilités d’inscription en courbe, de la plus fluide à la plus sportive, de l’arrondi parfait à la goutte d’eau en passant par un quasi triangle. Les épingles sont elles aussi une formalité, du fait des relances immédiates du moteur combinées à une facilité déconcertante. Et nous voici à pousser le rythme, à chercher la petite bête. La seule que l’on trouve, c’est un cochon de ci, un troupeau de chèvres de là… mais rien qui ne vienne perturber réellement la Tracer, si ce n’est elle-même : le shifter est toujours aussi exigeant à l’usage. Quant à lever la roue avant, il faudra le vouloir à présent : ça ne se fait plus tout seul.
Alors parfois, on en vient à pousser les T32 dans leurs limites hautes d’adhérence et d’angle. Jusqu’au point de se demander si l’on peut encore pousser. Alors que les valises flirtent avec le sol, on se souvient a) qu’elles sont là, b) combien il est bon d’avoir les repose-pieds qui frottent c) que si l’avant part, tout part. Dès lors, on laisse la gomme avant de reprendre ses esprits et l’on reprend les siens… avant de repartir de plus belle. Bon sang que c’est bon.
Alors que se termine cette boucle infernale au Paradis, force est de reconnaître que ce qui était déjà fort bon a été encore amélioré. Le plus n'est pas forcément l'ennemi du bien et ce + est même l'ami du mieux, en l'occurrence. Les grands voyageurs et les grands distraits apprécieront particulièrement le radar adaptatif. Celui-ci est tout à fait cohérent en termes de dotation si vous envisagez de prendre régulièrement les grands axes et si vous "somnolez" au guidon. L'automatisation des actions de respect de distance de sécurité (3 distances/temporisations possibles, rapidement réglable au guidon par un bouton dédié), c’est-à-dire un freinage en règle avec force et empressement, est bien entendu un… plus. Mais il ne doit pas faire oublier le principal intérêt et atout de la cellule d'appréciation de la distance entre la moto et l'obstacle : solliciter spontanément le freinage unifié accordant de manière optimale le frein avant et le frein arrière en répartissant la force (dosage) et la puissance (durée) en fonction du danger immédiat et de ce que l'on imprime déjà comme freinage.
Cet assistant au freinage, qualifié à raison de super ABS par Yamaha, optimise non seulement la distance de freinage ou d'arrêt, mais il permet aussi et surtout de bénéficier d'un niveau de sécurité supplémentaire, quitte à faire un trait sur l'autonomie (un trait, lais pas une croix). De là à savoir s'il est en mesure de ne pas intervenir outrancièrement dans la conduite ou sur le pilotage, c'est une autre histoire, mais de notre propre expérience, sur des routes dégagées et lorsque nous tentions d'en apprécier les qualités, la main (et le pied) est largement laissée à qui tient le guidon, rendant l'intervention très transparente lorsque l'on anticipe déjà les manœuvres de freinage. On limite simplement les risques tout en offrant la possibilité d'optimiser conséquemment le freinage, un point crucial souvent mal maîtrisé par les motards et à l'origine de bien des crashes. L'UBS freina mieux qu'on ne le ferait soi-même. Pourvu que le radar fonctionne bien et durablement, et même si l'on n'a pas engagé le régulateur de vitesse !
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