Essai - Suzuki V-Strom 800DE (2023) : le mix terre s'épaissit
Oh, un nouveau trail sur le marché du trail, pardon de la moto ! Cela faisait au moins… une semaine (V-Strom 1050DE). Un trail, oui, mais un de chez Suzuki et surtout un vrai trail, avec des morceaux d'Aventure dedans. Pour son lancement mondial, la V-Strom 800DE étrennait le nouveau moteur de la marque japonaise sur les routes sardes, tandis que la partie cycle goûtait aussi bien à la terre locale qu'aux petites routes magnifiques de la côte sud de l'île. Allé hop, on embarque !
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Note
de la rédaction
15,7/20
Le Bonheur autant que l'Appréhension inondent les visages des ingénieurs japonais venus en masse pour ce lancement international de la Suzuki V-Strom 800DE. Éric Maurice, alors rédacteur en chef du magazine Moto2 et mentor de votre serviteur, avait coutume de dire que l'on voit l'importance d'un modèle japonais au nombre d'ingénieurs présents. Assurément, les voici venus en nombre, tandis que les frontières du pays du levant s'ouvrent à nouveau. Et le soleil, il brille aussi sur les nouveaux modèles et les nouvelles ambitions de la marque en pleine transition. Leur V-Strom, ils y croient fort. Très fort.
Il faut dire que plus de 450 000 unités ont été vendues de par le monde depuis 2002, (tous modèles, cylindrée et millésimes confondus). Les années 2000, une période où la marque florissait encore, mais entamait sans le savoir une période complexe faite de lifting et d'évolutions, de GSR et de GSX-S tardivement arrivées, laissant les marchés européens dans le doute. Vingt ans plus tard, nous voici donc à assister à la mise en route de la dernière née de la marque : la V-Strom 800DE, vous l'aurez compris.
Si vous n'êtes pas encore lassés des trails qui inondent le marché, si pour vous une roue avant de 21 pouces (17 pouces à l'arrière) (à chambre à air tous les deux) et des suspensions Showa à grand débattement, c'est la vie, alors voici une moto qui pourrait bien vous intéresser. Déjà, c'est une Suzuki de nouvelle génération. Et ça, "à la rédac', on valide", comme dirait Aurélien Turbant, notre rouleur aux multiples talents. Tout comme l'on valide le réservoir de 21 litres jouant en faveur de l'autonomie (450 km et de quoi traverser la Sardaigne du nord au sud selon les ingénieurs) et tout comme l'on apprécie les pneumatiques Dunlop Mixtour, ici dans une version spécifique à la V-Strom 800DE.
Des gommes à pavés, certes, mais surtout des gommes que nous redécouvrons après les avoir torturées sur la grande sœur il y a moins d'une semaine lors de l'essai de la V-Strom 1050 DE. Entre la Grèce et la Sardaigne, un grand écart de modèles, donc, mais aussi de température et de type de parcours : ici, nous allons manger de la terre du petit-déjeuner à goûter, avec des portions pouvant atteindre plus de 40 km au cumul sur une journée. Suffisamment rare pour être noté. Surtout lorsque l'on demande aux représentants de la marque quel est le type de off road privilégié pour la 800DE, avec un DE signifiant Dual Explorer et donc moto à deux visages, et que l'on nous répond : "gravier exclusivement" !
Suzuki a apparemment conçu sa grosse nouveauté 2023 comme une moto de off road pour l'adapter ensuite à la route (notamment en lui greffant son électronique testée de manière longue et optimale), et non l'inverse. "Qui ça qu'est grosse ?" La nouveauté, la nouveauté, et pas la DE. Même si sur la balance, la dernière arrivée annonce 230 kg de métal et d'ABS, avec tous ses pleins (essence, huile liquides de refroidissement). Pour autant, elle apparaît fine de ligne et pour tout dire séduisante., avec un niveau de finition élevé et un équipement à la hauteur d'un tarif affiché à 11 499 € en février 2023 pour un lancement courant avril.
Pour ce tarif, on retrouve un shifter bidirectionnel (bien protégé et intégré dans la tige de sélection) permettant de passer les vitesses sans débrayer, moteur en charge, le package de sécurité S.I.R.S (Système Intelligent de Conduite Suzuki - dans l'ordre qui vous sied le mieux), incluant le SDMS (Sélection du Mode de Conduite Suzuki), proposant 3 courbes de distribution de puissance et donc trois manières de réagir à l'accélération : A, comme Actif, B comme basique ou C comme Confort, A étant donc celle délivrant le plus de puissance le plus rapidement, et C ménageant la réponse à bas régime avant de délivrer de manière très linéaire la puissance, qui demeure identique dans les trois cas et affiche donc 84 ch (62 kW) à 8 500 tr/min. Une puissance fort satisfaisante au regard des 776 cm3 du bicylindre vertical, mais surtout de la vocation de la moto.
Le nouveau bloc Suzuki est le bébé de Shintaro Yagi (motoriste en chef). Il mise gros et va quoi qu'il arrive avoir fort à faire avec une concurrence farouche et toute aussi moderne, si l'on en juge par son architecture. Ses arguments ? Les mêmes que le moteur Honda. Sa puissance ? Raisonnable, par choix, et déjà suffisante si l'on regarde bien la valeur affichée. Surtout, il est secondé par un package électronique de premier ordre, sobre et au service de l'efficacité revendiquée.
S'il profite au passage d'un look minimaliste montrant presque ses entrailles, acéré, presque affûté et de protections omniprésentes, le bloc moteur se montre surtout compact et étroit, ce qui influence naturellement la partie cycle. Il bénéficie en outre d'un double balancier d'équilibrage destiné à réduire les vibrations et à proposer un agrément de conduite supérieur. Fini les poumpoum du bi en V à 90°, trop lourd et trop encombrant, nous voici dans une nouvelle ère, déjà longuement dominée par la Ténéré 700 et son moteur CP3, tandis qu'Aprilia propose déjà une Tuareg 660 à la recette similaire à celle de la V-Strom, mais avec plus de puissance. Même "anonyme", le bloc Suzuki dispose de sérieux arguments, notamment en matière de gestion de comportement. Un critère apporté par un accélérateur sans câble.
Est ainsi également inclus dans les S.I.R.S un ABS déconnectable à l'arrière uniquement et réglable sur 2 niveaux de déclenchement, ainsi qu'un anti patinage STCS (Système de Contrôle de Traction Suzuki), proposant 5 comportements différents : les classiques niveaux 1 à 3 (du moins au plus intrusif - enfin intrusif, pas tant que ça, nous allons le voir-), un mode Off qui comme son nom l'indique désactive l'anti patinage, et un astucieux mode G (comme Gravel/Gravier), qui mixe les modes et propose une régulation contrôlée/encadrée de la glisse, permettant en théorie d'entretenir une dérive de l'arrière ou un patinage modéré sans prendre de risques inconsidérés.
Le plus intéressant reste la manière de configurer chaque niveau de chaque assistance : c'est enfantin, rapide, et cela s'effectue y compris en roulant, gaz coupés. Suzuki propose l'un des meilleurs et de plus simples dispositifs de navigation dans ses menus, le tout sans rien perdre en fonctionnalité. Les concurrents devraient en prendre de la graine : un simple commutateur et un bouton mode suffisent à exploiter l’ensemble de possibilités. Alors certes point de superflu, point de divertissement informatif en roulant, pas de navigation intégrée, mais un trail épuré, intuitif et très agréable. C'est à celà que l'on reconnaît l'ingénierie de qualité : lorsque l'apparente simplicité masque toute la complexité. "Et ça, à la rédac, on aime !" D'autant plus que le bloc instrumentation TFT propose deux modes d'affichage, l'un sur fond blanc, l'autre sur fond noir, ainsi qu'un basculement du mode clair vers le foncé lorsque vient la nuit.
De nuit que les feux LED "mono focale" superposés devraient percer avec aisance, même si nous n'avons pu vérifier nos dires. Des LEDs présentes jusque dans les très compacts et très agréables clignotants. Des modèles bien moins proéminents que sur la 1050 DE et ne dépassant pas du carénage, donc moins exposés en cas de chute. En théorie. Comme il est question de protection abordons le cas du sabot couvrant l'essentiel du moteur. Il se fixe sur un double berceau ajouté sous le bloc. Un modèle optionnel en aluminium est disponible, qui ne gagnera certes pas le prix de l'esthétique la plus travaillée, mais couvrira bien plus et mieux les différents éléments. Quoi qu'il arrive, l'élément d'origine est déjà un renfort appréciable et une protection comprise dans le package initial. Chez Suzuki, on n'a donc pas cherché un prix d'accès, mais une prestation complète et l'étiquette tarifaire allant de pair.
On apprécie donc doublement la platine arrière intégrant les poignées passager et la prise USB implémentée sur le côté gauche de l'instrumentation. Si elle perd le petit ergot permettant de retenir son capuchon étanchéifiant, cette option de recharge a le mérité d'être présente. On alimentera faciement un système de navigation ou un smartphone sur un support fixé à la petite barre de renfort supérieur implémentée sur le support de bulle. Pratique !
Comme elle ne saurait se résumer à son moteur et à son électronique, la nouvelle V-Strom 800DE propose un cadre acier supportant le moteur et une géométrie particulièrement ouverte, avec un angle de colonne de direction de 28° influant sur un empattement devenu particulièrement long, avec 1 570 mm ! Ajoutons à la partie cycle un freinage axial à l'avant, avec étriers 4 pistons et non couplé (contrairement à celui de la 1050), des suspensions Showa dont une fourche entièrement réglable et un mono amortisseur proposant une très utile molette de tarage de la pré contrainte, et l'on commence à prendre la mesure de la V-Strom 800DE.
À propos de mesure, justement, le débattement annoncé par Suzuki pour la fourche inversée comme pour le mono amortisseur (monté sur biellette de renvoi, s'il vous plaît), est de 220 mm. Voici qui commence à parler. Mais la conversation avec la belle jaune et bleu (notre modèle d'essai est en effet de cet assortiment de couleurs, alors qu'il existe un gris mat/fluo et un noir/bleu) ne s’arrête pas là. S'il est bien un principe chez nous, c'est de ne pas critiquer le physique pour privilégier la personnalité.
Se dégage de la V-Strom une impression de sérieux et de robustesse, tandis qu'elle semble relativement légère tout en s'imposant visuellement. Stylistiquement, l'avant se montre trapu, tandis que l'on remarque un habillage simple du meilleur effet. La qualité des plastiques est réelle, et les inserts esthétiques comme les raccords de flanc (ici bleus), composés d'un matériau texturé et assez souple paraissant robuste. Le style rallye est présent, avec une bulle verticale testée en soufflerie et modélisée, que l'on ne peut malheureusement pas relever sur plus de 3 cm et avec des outils (3 trous de fixation). Évasée à la base, elle est bien moins présente que celle de la 1050 DE. Au moins peut on se dire que les pare mains ne sont pas là que pour la figuration : ils servent de déflecteurs pour les épaules. C'est noté, reste à juger de l'efficacité.
Côté poste de conduite, on apprécie une selle épaisse et pas trop large rtoutà l'arrière), mais une fois encore, des repose pieds (décaoutchoutables avec une clef de 10) se trouvant pile poil dans l'axe des jambes lorsque l'on souhaite poser les pieds au sol. Moins gênants cela dit que sur la 1050, du fait d'une silhouette plus avenante.
Une fois la selle enfourchée, ce qui s'est montré plus compliqué sur d'autres modèles, trouver ses appuis est une opération facilitée par l'enfoncement de l'amortisseur arrière faisant vite oublier les 855 mm annoncés de hauteur d'assise : avec des jambes de longueur raisonnable pour 1,80 m, on pose presque l'intégralité des deux pieds au sol une fois la moto relevée de sur sa béquille latérale. Pas de centrale cette fois, même si la DE dispose d'une transmission finale par chaîne qu'il eut été plus aisé de graisser/nettoyer ainsi.
Qu'à cela ne tienne, on fera d'autant moins les difficiles que la V-Strom 800 se relève avec un effort modéré et qu'elle propose un niveau d’équipement élevé pour la catégorie. Une catégorie qui attend de pieds fermes l'autre grosse nouveauté trail de ce début d'année : la Transalp 750, concurrente directe de cette Suzuki. Mais c'est la Suz' qui sort en premier, Honda ayant dégainé la Hornet 750 avant sa Transalp et surtout avant la GSX-8S dont le premier essai ne devrait plus tarder.
Une courte pression sur le démarreur et le Easy Start System lance automatiquement le moteur. Ça craque, ça chauffe doucement sur la béquille, tandis que l'échappement ronronne et se montre très discret. Le guidon se retrouve aisément en mains, bien rapproché du corps et plaçant les bras parallèlement au sol. Sa largeur est acceptable même pour les petits bras, tandis que le pouce gauche joue déjà avec le système : un appui, TC sur 1, un appui, réponse moteur sur A, un appui long, ABS sur 1, un dernier appui et l'on sort, appui long vers le bas pour une remise à zéro du trip journalier et de la consommation moyenne… Écartement du levier de frein sur la position la plus proche (5 sur 5) et tout est en ordre, sauf le sélecteur, résolument haut pour des bottes standard. Il nous tarde de voir ce que propose le twin à 270° version Suzuki !
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