2. Essai - Ducati Multistrada V4 S : tout en un et un pour tout
Le démarrage n'est plus assisté, mais une pression prolongée sur le démarreur donne immédiatement l'ambiance. Pour l'heure, fi de la technologie dispensable et haro sur celle qui sert. Mode moteur sur Sport, histoire de bénéficier du plein potentiel moteur, il est encore possible d'affiner les réglages des assistances à l'intérieur même de cette proposition déjà sportive. S'il est possible de désactiver l'anti patinage et l'anti cabrage, l'ABS ne sera pour sa part réglé que sur le minimum syndical, seul l'arrière pouvant se voir mis sur off lorsque l'on passe en mode Enduro.
Urban pour la ville et Travel pour le tourisme apporteront pour leur part respectivement plus de souplesse et de douceur, avec une réduction de la puissance maximale, afin de favoriser l'utilisation du couple moteur, tout en réduisant le frein moteur. Un freinage très présent sur le mode le plus capé. Bon sang que ce moteur a la santé. Assurément trop pour le genre, quoi que. Depuis la Versys 1000 et les BMW S1000 XR, allemande bien plus visée par la Multistrada que la R1250 GS, les trails routiers n'ont eu de cesse de faire la course… à la puissance.
Avec quelque 170 CV, on ne manque de rien, d'autant que le couple se montre rapidement présent et en quantité largement suffisante pour laisser s'exprimer la force du bloc V4. Cette force de la nature distille son lot de vibrations uniques, avec ses battements rapprochés remémorant les basiques Ducati. Il arrache bien moins les bras que sur une Streetfighter, et se montre bien moins explosif que sur la Panigale. Si grâce à Honda, l'on savait ce type d'architecture capable de ce genre de prouesse, les ingénieurs maison lui ont apporté la dose de caractère nerveux et énervé qui pouvait manquer à certains.
Surtout, la mouture italienne se dépasse elle-même en adoptant une maniabilité et une répartition des masses optimisées. Mieux encore, il suffit de quelques manœuvres à basse vitesse et d'un premier demi-tour sur un coin de route pour se rendre compte que la rayon de braquage est tout simplement redoutable et non plus à redouter comme par le passé. En ville, le shifter Ducati peine à convaincre en face de ceux que nous connaissons, aussi bien sur les Triumph que sur les BMW, tandis qu'il semble résister un peu. Cela dit, il officie déjà bas dans les tours et jusqu'aux régimes maxi.
Il faut dire que les évolutions lentes s'accommodent bien du moteur (et inversement) et que le levier d'embrayage hydraulique, doux et précis, favorise la moindre évolution. On ne rechigne nullement à se servir de sa main gauche, afin d'apporter plus de plaisir encore à contrôler la puissance disponible du bout des doigts. Il en va de même du freinage, résolument bien calibré. L'attaque peut être réglée au moyen de l'écartement du levier, tandis que l'on apprécie une certaine douceur là encore.
L'ambiance et l'identité bien distincte cultivées par la Multistrada font mouche, fut-elle du coche : dans la vie courante, on n'exploitera que rarement le potentiel dont peut se targuer l'interprétation routière du trail Ducati. Cela dit, il est toujours plus facile d'emmener cette Multistrada V4 n'importe où que n'importe quelle autre V4 de la production issue des usines de Bologne. Et ça, on le sent d'office.
Déjà, la position de conduite relaxante invite à augmenter le rayon d'action envisagé par les autres modèles. Ensuite, on se sent immédiatement à sa place et en place une fois à bord. Même le guidon se montre à la bonne hauteur et à la bonne largeur pour envisager de rouler. Et cela tombe bien, car quelque 535 km nous attendent dans la journée. À commencer par un peu d'autoroute.
Là, on découvre les bienfaits de la bulle et de ses petits déflecteurs. Au fait, elle est réglable de manière aussi simple que rapide, avec une seule main et au moyen d'une petit tirette idéalement positionnée. Mention spéciale pour ce dispositif ! En position haute, la bulle permet de rouler casque ouvert en dessous des 100 km/h, ou si l'on mesure moins d'1.75 mètres. Au-delà, il faudra opter pour un modèle plus haut et un peu plus large, quitte à devoir subir quelques désagréments au niveau de champ de vision, au demeurant parfaitement dégagé par l'élément d'origine.
Ainsi calé à 130 km/h, on observe deux phénomènes : le moteur ronronne tranquillement, au point de se faire presque oublier, tandis que la consommation s'établit aux alentours de 6 l/100 km. Si l'on dépasse ce régime et cette mesure, on parvient en 10 km/h supplémentaires ça consommer 1 litre de plus…
Déjà, la relation entre la vitesse au compteur et la consommation s'établit et s'impose. On a tôt fait de se retrouver en réserve et les étapes de plus de 200 km relèvent de la théorie. nous avons ainsi pu observer 170 km avec 13 litres de carburant et 260 avec 18 litres, soit une consommation moyenne d'environ 7 l/100 km, confirmée par l'instrumentation de bord. En parlant d'elle, justement, il est temps de s'amuser avec le régulateur adaptatif. On enclenche le dispositif de manière classique, on fixe la vitesse, on l'ajuste au moyen du + et du - et l'on peut ensuite sélectionne dans le cadre supérieur de l'instrumentation la distance de détection des obstacles (3 niveaux).
De fait, on peut alors observer une distance de 1 seconde, 2 secondes et 2,5 secondes entre soi et le véhicule nous précédant. SI l'on se rapproche trop, la moto ralentit ou freine plus ou moins fort, en fonction du cas de figure, y compris en courbe. Autant dire que l'on peut légitimement se demander ce que donnerait une queue de poisson réalisée sur autoroute par un autre usager, mais les réactions, quoi que fermes, sont assez proportionnées pour ne pas désarçonner ou désappointer. On devine donc que tout imprévu devrait être jugulé de la même manière.
Si elle détecte un obstacle arrivant dans l'angle mort, elle avertit en allumant une led orange sur le rétroviseur. Si l'on se déporte ou entreprend une manœuvre dangereuse, on passe à l'orange clignotant, nettement plus dissuasif. De jour comme de nuit, ce dispositif est parvenu à détecter le moindre danger venu de l'arrière. Au point de nous faire redouter une baisse de vigilance et du contrôle visuel auquel nous sommes jusqu'à présent si coutumiers. Les travers des assistances, que voulez-vous.
Profitons de quelques arrêts et relances sur autoroute pour mesure les performances sur les 3 premiers rapports. on pousse la 1 à 90, la 2 à 130, tandis que l'on se retrouve à 170 ensuite une fois le rupteur engagé avec douceur. De fait, la Multistrada tire assez court et elle ne prend pas tous les tours minute de ses sœurs de rang. En découle un comportement plus "sage", du moins une puissance nettement plus exploitable. Et cela tombe bien, nous attaquons les routes de l'Yonne.
Quelle que soit la qualité du revêtement, la vitesse pratiquée ou le style de conduite, quel que soit le tracé, des virages les plus serrés aux courbes les plus ouvertes, la Multistrada V4 S fait montre d'un équilibre aussi redoutable que la facilité à lui faire prendre de l'angle. À son guidon, tout relève rapidement d'une insolente évidence, d'une rare facilité. Les suspensions semi-actives paramétrées sur une adaptation automatique à la charge, elles s'occupent de limiter les transferts de masse tout en conservant un confort d'autant plus appréciable qu'il ne nuit ni à la précision du guidage, ni à l'efficacité du freinage.
La Multistrada V4 brille rapidement par la répartition du poids une fois dans l'action. Certes, nous l'aurons maudite à une occasion lorsqu'à la pompe nous nous sommes sentis embarqués par la masse de ce grand cheval, mais ce fut bien la seule occasion de critiquer la hauteur de selle ou encore le poids placé légèrement plus haut qu'imaginé, même réservoir vide. Le reste du temps, on oublie aussi bien la cylindrée que les kilos annoncés, au demeurant très raisonnables une fois encore au regard des concurrentes.
D'une manière générale, ressort de ce galop d'essai dans les superbes contrées de la vallée de l'Yonne et aux portes du Morvan un équilibre impressionnant et une gestion électronique exemplaire. Chaque action sur un réglage est suivie d'effet et l'on profite d'un calibrage idéal de chaque assistance, qu'il s'agisse d'une aide à la traction ou au freinage. Transparentes en utilisation sportive, elles laissent une grande liberté et ne semblent jamais agir plus que de raison : celle du conducteur. Y compris sur l'angle lorsqu'elles régulent avec précision et ce de manière extrêmement fine la motricité, limitant la tendance naturelle de la roue avant à vouloir pointer au ciel sous la sollicitation et l'énergie du moteur, lequel attend sagement que l'on se redresse pour en faire de même avec la roue avant… Redoutable, tout en faisant montre d'un niveau de sécurité déconcertant sans jamais rien rogner sur l'essentiel : les sensations, toujours à la hauteur !
Désactivez les assistances et vous entrez dans un nouvel univers, où chaque sollicitation du poignet droit se traduit par une réaction opposée et une grosse montée d'adrénaline. On s'affranchit dès lors des lois élémentaires de la physique, à défaut de celle des hommes. Et une fois encore, le sentiment de liberté gagne du terrain. Un terrain que nous avons conservé bitumé, tout en nous demandant sans cesse ce qu'elle pourrait bien donner dans des chemins, en mode enduro. Pour autant, l'envie de savoir était bien moins forte que celle de continuer à rouler, rouler et encore rouler sur le ruban d'asphalte s'offrant à nos roues à crampon, ce que nous fîmes jusqu'à la nuit tombée.
Comme tombait la nuit déclinait la température extérieure. L'occasion d'apprécier les poignées chauffantes optionnelles, le temps de ramener les gants à une température plus douce, avant de les laisser derrière le relatif abri constitué par les pare-mains. Une fois encore, l'opulence électronique et le nombre de possibilités offertes impose de basculer les feux de jour en éclairage traditionnel si l'on n'a pas opté pour le faire automatiquement vie le menu dédié. Un éclairage dès lors puissant et d'une clarté appréciable.
Nous pourrions parler longuement encore des capacités de la Multistrada V4, capacités renforcées par sa nouvelle architecture. Dans le flot de la circulation parisienne retrouvé bien malgré nous, on retrouve un côté moins agréable et plus fébrile du moteur, tout du moins sur le mode Sport. Dès lors que l'on opte pour l'un des deux intermédiaires, on ressent moins de vibrations, moins de fébrilité et une douceur renforcée et toujours explosive si on le cherche, quand on le cherche, toujours cognant au légal si l'on évolue en dehors de la zone de confort offerte soit par le 4 ème rapport, soit par des régimes supérieurs ou une vitesse dépassant les 60 km/h sur les 5 et 6 ème vitesses (environ 2 500 tr/min sur ce rapport). En découle une zénitude rare, tandis que l'on remonte les files sans encombre et sûr de soi autant que des capacités de sa monture à régir comme il faut lorsqu'il le faudra.
Reste un son et lumière provoqué en environnement fortement fréquenté par le détecteur d'angle mort : les rétroviseurs deviennent des éléments trompeurs pour les autres usagers et les pleins phares sont souvent passés par inadvertance en s'accrochant l'index dans la commande…
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