2. Essai - Aprilia Tuono 660 : la flèche italienne
Du fait d'un guidon très large, la position de conduite écarte les bras, les avance et bascule le torse sur l'avant, tandis que l'ancrage sur le té de fourche apparaît bas. Trop bas pour envisager une longue route sinueuse ou un trajet autoroutier sans peine au niveau des épaules. Aprilia nous la disait routière, prête à tracer avec un kit valises de 17 litres… Autant dire qu'il faut aimer le sport pour supporter l'exercice.
Et du sport, la Tuono 660 semble bien faite pour cela, mais en version piste et urbaine plutôt que rallye routier. En effet, si l'accord de suspensions et le réglage de base sont corrects, la géométrie de l'Aprilia a tôt fait de renvoyer des mouvements dans la direction en cas de conduite nerveuse et de revêtement ondulé, tandis que les bosses prononcées et négociées bon train mettent à mal les éléments fermes. Suffisamment filtrants pour ne pas se tasser les cervicales, ils encaissent et demanderaient selon nous une hydraulique moins fermée et un peu moins de rebond à l'arrière.
Vivacité exacerbée
Encore une fois, le paradoxe de la Tuono ressort, tout comme les différences avec sa sœur entièrement carénée. La roadster est vive et remuante sur mauvais revêtements et sur gros transferts de freinage. Pour être totalement exploitée sur le terrain défoncé proposé le jour de notre essai, et avec une huile figée par le froid, il aurait fallu une petite mise au point et plus de 300 km au totalisateur kilométrique… Un amortisseur de direction ne serait pas non plus de trop selon nous pour rassurer pleinement en cas de rythme élevé et de pilotage heurté. Les débutants apprécieraient certainement un peu plus de neutralité du train avant. Tout du moins le temps de se familiariser avec le potentiel de la moto, résolument élevé.
Moto d'initié, la Tuono 660 ? Non. Tout dépend de ses réglages moteur et du style de conduite. Rigoureuse dans de bonnes conditions et de bonnes mains, notamment grâce à une monte pneumatique apportant un filtrage supplémentaire et un rab de confort, ainsi qu'une mise sur l'angle incisive, l'Aprilia peut compter sur son freinage puissant à l'attaque franche et dosable (écartement de levier à régler en fonction du ressenti souhaité) ainsi que sur ses assistances pour séduire les profils les plus variés. Reste à bien appréhender le maniement du levier droit, résolument costaud pour ce qui est de planter la roue avant dans le sol et de soulager l'arrière. Ça lève sans y penser et sans déclencher l'ABS si l'on a opté pour le niveau 1. Qui dit mieux ?
Malgré les gerbes de sable, de sel, les bouses éparses et les pièges en tous genres, sans oublier les températures inférieures à 6 degrés affichées au compteur, ça tient le pavé, une Tuono 660. Et on en profite d'autant plus que le moteur met rapidement en joie. Le rupteur intervient aux alentours de 11 500 tr/min, tout en laissant les régimes se stabiliser en douceur, amenuisant la prise de tours avant de se stabiliser, tandis que la vitesse s'établit à 100 km/h sur le premier rapport, 130 sur le deuxième et plus de 160 sur le troisième. Il y a de quoi faire ! Et l'on ne ressent nullement le besoin de titiller les hauts régimes, qui sont bien moins agréables à exploiter que les intermédiaires. Entre 5 000 et 8 000 tr/min, on cabre volontiers, on allège la roue avant pour la placer au mieux, on joue de ce caractère sympa et enjoué, plus expressif en tout cas qu'une Triumph Trident.
Rapide, la Tuono sait l'être. Et l'on supporte d'autant mieux une longue route ou une pression importante de l'air que la protection des jambes et surtout celle offerte par la bulle fixe sont excellentes pour des conducteurs de taille importante. De même, la forme comme le rembourrage de la selle sont bons pour le service, mais contrebalancés par les suspensions pour le moins fermes en cette saison.
Un moteur surprenant
Le bicylindre Aprilia prend toute sa place dans cette partie cycle joueuse et agile. Déjà, sa puissance de 95 ch le met devant les camarades de la catégorie, MT 07 en tête, même si les formes sont différentes et même si le CP2 japonais ne revendique "que" 73,4 ch et une énergie plus débordante, moins canalisée. Quant au bloc BMW, lequel affiche 105 ch, il est bien moins expressif à tous points de vue, mais de plus forte cylindrée pour une moto plus lourde, même si tout autant assisté et pour le moins efficace. Car le caractère latin est bien présent sur cette Aprilia.
La première plage moteur affiche déjà une certaine douceur et une bonne souplesse. Surtout. Il y a là de quoi contenter les A2 en cas de bridage, mais sans emphase ni ambages particuliers. C'est après 4 000 tr/min et avec 80 % du couple maximum qu'il se montre de plus en plus nerveux et vif, coupleux à souhait toutes proportions gardées, au regard de la cylindrée et surtout de la puissance disponible. On reprend bas dans les tours et évoluer en 5 à 50 km/h est envisageable. Certes, on entend la mécanique travailler, certes, on sent la fébrilité du bloc, haletant, mais l'injection est plutôt bien calibrée et les à coups sur un filet de gaz minimes à bas régimes. Les évolutions en ville, demi-tours et autres manœuvres sont de pures formalités. Reste à se méfier du réservoir et de ses pointes latérales, qui ont tôt fait de coincer le pouce si l'on n'y prend garde : les butées laissent à peine la place pour l'os. Ouch.
Quant au Shifter, on privilégie son utilisation à partir des 5 000 tr/min à la montée, faute de quoi les rapports passent moins aisément. La coupure occasionnée par son utilisation est longue, abrupte et on est loin du confort d'utilisation du matériel monté sur une Street Triple. La descente se montre bien plus agréable et transparente, on l'utilise avec plaisir. Et pour la vieille garde, l'embrayage manuel est vif, le ressort ferme et la course très courte pour être dans la plage d'efficacité.
Réjouissant, le bloc moteur ne tarde pas à se montrer expressif, tant par ses vocalises réjouissantes que par les pulsations très justement proportionnées ressenties jusque dans le fessier à partir de 6 500 tr/min environ. Caractéristiques de ce calage moteur à 270°, tout comme la sonorité électrisante, elles ravissent et éveillent les sensations mécaniques. En complément, ça grogne, ça chante de manière enthousiaste et métallique au travers de l'échappement en position basse. Une musicalité rythmée digne d'un V-Twin bien énervé de la firme de Noale. Une réussite.
La poussée est-elle à la hauteur ? Oui. Très agréablement transmise, on ne tarde pas à comprendre que la Tuono a fait le choix de laisser à chacun fixer ses limites via l'électronique. D'une réaction différée à l'accélération à une immédiateté déconcertante, on profite d'un contrôle permanent et adaptable. Quant à l'anti patinage, il se montre des plus efficace lorsque l'on profite des bienfaits de la centrale inertielle. Nous n'avons malheureusement pas pu comparer avec la version standard.
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