En direct de la loi - Confinement/Crise sanitaire : de nouveaux PV qui peuvent entraîner une suspension de permis
De nouveaux PV ont été créés pour faire face à la crise sanitaire, d'abord pour faire respecter le confinement, puis les autres règles édictées depuis, comme l'interdiction des déplacements de plus de 100 kilomètres de son domicile. Voici tout ce qu'il faut retenir de ces nouvelles verbalisations. Toutes les réponses à vos questions juridiques sont à retrouver dans notre rubrique En direct de la loi. Voici les recommandations et les conseils de Maître Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le droit routier.
De nouveaux PV ont été créés pour faire face à la crise sanitaire. Il s'agissait d'abord de pouvoir faire respecter le confinement, que l'on a dû subir pendant deux mois, ensuite, depuis le déconfinement, de faire appliquer les nouvelles règles édictées pour lutter contre la propagation du Coronavirus (le port du masque obligatoire dans les transports en commun, l'interdiction des déplacements de plus de 100 kilomètres de son domicile, par exemple). "En quoi consistent ces nouveaux PV ?", telle est la question que nous avons posée à Maître Caroline Tichit.
Ces nouvelles sanctions sont prévues par l'article L3136-1 du code de la Santé publique. Et, comme nous l'explique Me Tichit, ces sanctions sont de plus en plus sévères, en cas de récidives :
- La première fois, l'amende est celle prévue pour les contraventions de quatrième classe. Elle est donc de 135 euros. Aucun tarif minoré n'est proposé, et si elle n'est pas réglée dans les 45 jours - ou contestée durant les 90 jours, puisque les délais sont doublés pendant l'état d'urgence -, cette amende est majorée à 375 euros.
- En cas de récidive dans les quinze jours, l'amende passe à 200 euros. C'est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe. En effet, est apparue durant cette période de confinement la forfaitisation de cette dernière. Jusque-là, seul le tribunal compétent pouvait fixer le montant de cette amende jusqu'à un maximum 1 500 euros. Et si cette nouvelle amende forfaitaire de 200 euros n'est pas réglée dans les délais, elle est majorée à 450 euros.
- À partir de la troisième violation dans les trente jours, cela devient un délit passible "de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général (...), et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l'infraction a été commise à l'aide d'un véhicule."
Des sanctions changeantes depuis le 17 mars
Tout ceci est repris dans un tweet du ministère de l'Intérieur daté du 29 mars :
Car c'est à partir de cette date que le dispositif actuel se met vraiment en place. Le 17 mars, lors de l'instauration du confinement, l'amende applicable ne relevait même pas de la procédure de l'amende forfaitaire, et ne pouvait dépasser les 38 euros ! Un nouveau décret paru dès le lendemain permettait toutefois de passer à 135 euros d'amende… Depuis la mise en place du confinement, on comprend bien ainsi que cela a pas mal évolué.
Selon les chiffres rendus publics par le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, le 11 mai, dans un entretien accordé à La Montagne, 1,1 million de PV ont été dressés durant le confinement. Au moment du déconfinement, la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire n'ayant été publiée au Journal officiel "que" le 12 mai, les nouvelles règles prises à ce moment-là, comme l'interdiction des déplacements de plus de 100 km, ne sont sanctionnables qu'à compter de cette dernière date. En clair, le 11 mai, ce n'était théoriquement pas possible.
Toutes ces différentes dates d'application rentrent en ligne de compte en cas de contestation, bien entendu. Il faudra veiller à vérifier, le cas échéant, ce qui était en vigueur, à quel moment.
La suspension du permis toujours encourue après le déconfinement
En tout cas, le dispositif mis en place pendant le confinement perdure. Ainsi, au bout de la troisième verbalisation dans le même mois, les conducteurs risquent toujours la suspension de leur permis de conduire.
En dehors des dates à vérifier, se pose le problème du détournement de l'usage du fichier informatique utilisé par les agents verbalisateurs pour vérifier le nombre de PV dressés à l'encontre des contrevenants présumés (afin de pouvoir les sanctionner de la bonne classe de la contravention - quatrième à 135 € ou cinquième à 200 € -, mais aussi s'assurer qu'ils n'ont pas commis un délit). Ce problème a été soulevé avec succès début avril par l'avocat rennais Rémi Cassette qui a obtenu la relaxe de son client jugé en comparution immédiate pour avoir justement violé à plus de trois reprises les règles.
Le fichier ADOC et la libre interprétation des manquements en question
Même si cette décision n'a pas fait jurisprudence partout, il ne faudra pas hésiter à l'invoquer. Tous les PV dressés pour le non-respect du confinement, enregistrés dans le fichier informatique en question (le fichier ADOC pour "Accès aux dossiers des contraventions"), sont potentiellement entachés de nullité jusqu'au 16 avril, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'un arrêté modificatif ait été pris pour élargir l'usage de ce fichier aux "autres infractions faisant l'objet d'une procédure d'amende forfaitaire". Et encore, cet élargissement poserait lui aussi question…
Toutes ces contraventions posent également d'autres soucis. Car le non-respect des règles applicables n'est pas strictement défini par la loi. En conséquence, cette définition est laissée à la libre interprétation des agents verbalisateurs en cas de contrôle, ce qui peut bien évidemment donner lieu à des interprétations erronées.
L'article 111-4 du code pénal selon lequel la "loi pénale est d'interprétation stricte" pourra toujours être avancé. Surtout, il faut toujours garder en tête qu'un PV "fait foi jusqu'à preuve contraire", que cette preuve contraire "ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins". En cas de désaccord avec une telle verbalisation, il ne faut donc pas hésiter à penser à faire appel à des témoins présents sur les lieux, et à conserver toutes les pièces justificatives qui démontreraient que votre motif était valable (une facture dans une pharmacie, au supermarché, etc.).
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