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EDF pourra-t-il recharger nos voitures ?

Dans Ecologie / Electrique / Véhicules électriques

Jean Savary , mis à jour

Nos voitures ne seront pas seules à participer à la hausse de la consommation d’électricité. Si nous voulons pouvoir les recharger partout et à toute heure, il faudra mettre la main à la poche et reporter la « sortie du nucléaire ».

EDF pourra-t-il recharger nos voitures ?

Mercredi dernier, grève à EDF, j’avais sorti les bougies du placard.

Finalement, elles n’ont pas servi mais je les garde à portée de main : il semblerait que l’approvisionnement en électricité soit très tendu ces temps-ci… et aussi dans le futur. J’ai vérifié sur la boîte, il n’y a pas de date de péremption, et pas non plus pour les allumettes…

Pourquoi se soucier ici d’EDF ? Pardi, car il s’agit de notre futur fournisseur de carbu… euh d’énergie pour nos voitures.

Or, EDF est bien mal en point. Quarante milliards d’euros de dette, cinquante milliards à débourser dans la décennie pour le grand carénage qui prolongera la vie d’une trentaine de réacteurs nucléaires anciens et presque autant à allonger pour les six nouveaux EPR programmés, qui, on l’espère, épongeront le coût pharaonique de celui de Flamanville et feront oublier les retards de sa mise en service.

Colossal défi à relever avec, en plus de finances exsangues, une ingénierie dépeuplée et une recherche anesthésiée par dix ans de promesses électorales de sortie du nucléaire.

Même si, avec le retour en grâce de l’atome, ces promesses n’engagent plus que ceux qui y ont cru, elles auront tout de même eu pour conséquence la fermeture de Fessenheim – et donc la prolongation de deux centrales à charbon promises à la casse – ainsi que l’abandon du prometteur projet de réacteur à neutrons rapides Astrid, la fameuse 4e génération qui devait permettre de recycler une partie des déchets au lieu de les enfouir.

Autre résultat de ces dix ans de désinvestissement, cet hiver, cinq des plus gros réacteurs sont à l’arrêt pour réparation, privant l’électricien de 10 % de sa capacité de production.

C’est dans ce contexte particulièrement riant que le gouvernement demande à EDF d’amortir la hausse des tarifs de l’électricité en rachetant à ses concurrents au prix délirant du marché une électricité qu’il a pour l’essentiel produite pour la revendre à (grosse) perte à ses clients. Coût pour l’État, huit milliards et autant pour l’électricien. Ubuesque mais explicable.

EDF pourra-t-il recharger nos voitures ?

Une concurrence essentiellement bidon

Tout commence en 2007 quand, sous la pression de Bruxelles, EDF perd son monopole de fournisseur d’électricité en France. Pour la commission européenne, le monopole c’est le mal, c’est anticoncurrentiel, péché mortel. EDF est donc contraint de livrer à tarif régulé une partie de sa production à des entreprises privées, dont la plupart sont de pures officines commerciales dont l’activité ne consiste qu’à démarcher des clients et à leur facturer ce qu’elle a acheté à EDF. Un peu comme si un gus rachetait la marque Simca et plutôt que de s’enquiquiner à bâtir une usine obtenait de l’État, au nom de la libre concurrence, que Stellantis et Renault-Nissan l’approvisionnent en voitures à prix sortie d’usine qu’il rebadgerait à sa marque pour les revendre trois fois plus cher. J’exagère ? À peine.

Je vous passe les 100 ou 120 milliards d’euros dépensés par l’État et EDF pour acheter à un tarif subventionné l’électricité des parcs éoliens ou solaires qui aujourd’hui produisent un petit 10 % de notre électricité. Une production permettant à ces entreprises privées de nous fourguer du kilowatt soi-disant 100 % bio…

Bref, une concurrence essentiellement bidon mais qui a permis de contenir le montant des factures jusqu’à l’explosion récente des prix du gaz.

C’est là que la machine infernale s’est emballée au point que l’on nous devrait nous facturer nos kW, pourtant à 80 % d’origine nucléaire ou hydraulique au tarif démentiel de la centrale à gaz.

EDF pourra-t-il recharger nos voitures ?

Le machin leur a échappé des mains

Ne me demandez pas pourquoi ni comment, je n’y comprends plus rien. Même ceux qui ont pondu le subtil mécanisme de marché européen de l’électricité avec ses tarifs ARENH et autres subtiles complications admettent que le machin leur a échappé des mains.

On peut pourtant voir les choses plus simplement. Puisque l’énergie est l’élément premier de nos économies pour ne pas dire le sang de notre société, il est permis de penser qu’elle ne doit pas être soumise aux mêmes lois du marché que le kilo de pois chiche ou le bâton de rouge à lèvres. Ou alors à sa loi la plus élémentaire qui est qu’on ne puisse vendre que ce que l’on possède ou produit.

Je ne demande pas le retour du monopole ; que Total Énergies ou Engie nous vendent l’électricité de leurs centrales à gaz ou de leurs champs d’éoliennes ne me chaud point. Mais que l’on force EDF, l’entreprise que des générations de français ont bâti avec leurs factures et leurs impôts à leur en fournir à vil prix pour qu’ils enrichissent leurs actionnaires me paraît inique.

Et s’il se confirme que l’avenir est au nucléaire, nous devrions tous exiger que ne soit plus déléguée à une cascade de sous-traitants privés et à l’avantage du moins-disant et donc du plus médiocre, la maintenance de nos centrales.

Si cela doit passer par une renationalisation d’EDF, pourquoi pas, car il en va de notre sécurité.

EDF pourra-t-il recharger nos voitures ?

Il n’y aura pas tous les ans une élection…

Mais revenons à nos bagnoles électriques. Il n’y a pas encore péril en la demeure et je veux bien croire aux promesses de recharge intelligente avec des voitures qui alimenteront le réseau par leurs batteries lors des pics de consommation pour éviter de démarrer des centrales thermiques.

Mais jusqu’à combien de millions d’autos cela fonctionnera-t-il ? Il y aura bien un moment où le solde entre recharge et décharge deviendra négatif et où le parc de véhicules électriques participera à la hausse de la consommation globale. Convertie à l’électrique, la moitié du parc actuel consommerait, à kilométrage constant, 70 000 MW, soit presque deux fois ce que produit la totalité du parc éolien français ou encore 16 % de la production totale d’électricité. Ça ne semble pas insurmontable…

Mais nos voitures ne sont pas seules à participer à la hausse des besoins.

D’abord, il y a le logement avec le « grand remplacement » des chaudières à fioul et à gaz par des pompes à chaleur qui feront de plus en plus reposer sur l’électricité le chauffage de nos logements.

Ensuite l’industrie dont tous les candidats à la présidentielle nous promettent la relocalisation. Un tour, une presse ou un robot consomment plus de courant qu’un aspirateur…

Dans ce contexte, on voit mal comment se passer de nouvelles centrales nucléaires car la résistible montée en puissance du solaire, de l’éolien et autres ENR ne suffiront pas à assurer le voltage.

EDF pourra-t-il recharger nos voitures ?

Pour financer tout cela, nous n’échapperons pas à une hausse substantielle des tarifs de l’électricité. Il n’y aura pas tous les ans une élection pour inciter le gouvernement à comprimer le prix du kilowatt et les 8 milliards qu’EDF vient de se faire piquer dans la caisse devront bien y retourner.

Bilan, rouler électrique ne sera bientôt plus « gratuit ou presque » comme l’écrivait encore récemment un confrère. Si on pouvait, il y a dix ans tabler sur 1,50 € aux 100 km avec une Zoé, c’est désormais plutôt 2 ou 2,50 €/100 et bientôt plutôt 4, 5 ou 6 € pour financer les chantiers du nucléaire et des ENR, puis remplacer le manque à gagner des taxes sur les carburants pétroliers.

Si demain je dois acheter une voiture électrique, je ne regarderai pas seulement son autonomie, mais aussi sa consommation…

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