Ecologie - Le solaire au secours des véhicules électriques
Une voiture électrique alimentée entièrement à l’énergie solaire ? Idéal dans l’absolu, impossible en réalité. Mais cela n’empêche pas de profiter d’un complément de charge permettant d’augmenter la si précieuse autonomie. Justement, plusieurs start-ups lancent des projets dans ce sens, ainsi qu’un constructeur « un peu » plus établi : Toyota !
Lightyear : la startup hollandaise qui se rêve en Tesla
Fin juin, une des journées les plus longues de l’année, donc une de celles qui commencent le plus tôt : c’est avant même le lever du soleil que la startup hollandaise Lightyear a choisi de réunir les journalistes (dont votre serviteur) et les investisseurs (indispensables à ce stade du projet) pour révéler leur première voiture, la bien nommée One. Dans un show orchestré dans une ancienne base militaire près d’Amsterdam, les portes du hangar s’ouvrent pour révéler l’auto dans les premiers rayons du soleil. Tout un symbole, mais est-ce vraiment le début d’une nouvelle ère ?
Ce projet, tout comme les quelques autres initiatives dans ce sens, ne prétend pas pouvoir mouvoir une voiture de tous les jours à la simple énergie solaire. Car si cela est possible pour des prototypes utilisés dans des eco-runs (défis technologiques avec des véhicules très spécifiques, la spécialité des ingénieurs de Lightyear participant au Bridgestone World Solar Challenge), cela ne fonctionne pas pour une auto transportant des personnes dans des conditions de confort et de sécurité normales.
Non, l’idée ici est de contribuer à la recharge des batteries en roulant, histoire de prolonger l’autonomie d’une auto électrique et abaisser le niveau de stress du conducteur au volant, celui qui touche notre collègue Pierre Desjardins à la fin de ses tours de périphérique parisien en électrique… Un boost d’énergie apporté par les quelque 5 m2 de panneaux solaires qui recouvrent le capot et tout le toit, et qui se mesure concrètement : malgré des batteries limitées à 60 kWh, l’autonomie atteindrait 725 km selon la norme WLTP, plutôt réaliste, dont 70 km environ gagnés grâce à l’énergie solaire accumulée, une dizaine de pourcents donc. En hiver, dans les conditions les moins favorables pour les batteries et pour l’ensoleillement, le constructeur table plutôt sur 400 km.
Une efficacité permise aussi par un poids limité grâce à l’emploi de matériaux légers (aluminium notamment), une conception du châssis voulue très efficace, une aérodynamique très soignée (Cx sous les 0,20), ainsi que l’emploi de moteurs légers et efficients placés dans les moyeux des roues. Vous l’aurez compris, l’idée ici est de tout concentrer sur l’efficience et non la performance : avec une accélération classique de 0 à 100 km/h entre 8 et 10 s, cette grande auto (5 m de longueur) fait moins bien qu’une Nissan Leaf, l’électrique la plus vendue en Europe, familiale compacte de la taille d’une Renault Mégane environ.
Côté recharge, Lightyear se veut optimiste et annonce un gain de quelques centaines de kilomètres en juste une demi-heure et une recharge complète en une nuit sur une simple prise électrique.
Lightyear emploierait environ 150 personnes et s’apprêterait à construire son auto de manière artisanale dans un premier temps, à partir de 2021. Reste à trouver les téméraires clients de cette berline voulue confortable et haut de gamme, avec un tarif ambitieux : 149 000 € TTC, et pas moins de 119 000 € pour la réservation, déjà ouverte !
Sono Motors, le retour des monospaces et… de l’usine Saab
Autre projet, celui-là à un stade plus avancé : les Allemands de Sono Motors ont présenté leur auto nommée Sion il y a déjà deux ans et ils assurent avoir reçu déjà 10 000 précommandes dans 20 pays pour leur petit monospace électrique recouvert de panneaux solaires.
Un projet de véhicule plus économique, peut-être plus réaliste, fait pour séduire aussi une clientèle plus professionnelle (collectivités, flottes, etc.). La Sion sera produite à partir du second semestre 2020 dans l’ancienne usine Saab en Suède, transformée en National Electric Vehicle Sweden (NEVS) et produisant à l’aide d’une énergie 100 % renouvelable. Avec de grosses ambitions, la capacités de production pouvant monter à 43 000 unités en année pleine.
Ce petit monospace de 4,29 m intègre 248 cellules solaires sur sa carrosserie (y compris les flancs, avec 1,2 kW de puissance maxi) et promet jusqu’à 34 kilomètres d’autonomie supplémentaire chaque jour dans les conditions météo trouvées au sud de l’Allemagne. Il est même prévu pour pouvoir parcourir de petites distances sur cette seule source énergétique. Il intègre bien évidemment aussi des batteries (35 kWh), qui peuvent être rechargées à 80 % en 30 minutes sur une borne rapide et les batteries intégrées permettent de recharger en cas de besoin une autre Sion.
L’autonomie est annoncée pour 250 km (WLTP). Le moteur électrique (120 kW et 270 Nm de couple) est un moteur de la dernière génération fourni par Continental intégrant le générateur et la transmission (80 kilos seulement), et c’est lors d’un événement de l’équipementier que nous avons pu faire un bref tour de piste avec un prototype.
Difficile de se faire une réelle opinion, si ce n’est la confirmation qu’il s’agit d’un engin voulu efficient, pratique et économique (à partir de 25 500 €) qui bénéficie de la vigueur du moteur électrique pour offrir des performances correctes (0 à 100 en moins de 9 s et 140 km/h en pointe).
L’intérieur au design basique intègre un original système de filtration de l’air par des mousses placées derrière une plaque transparente, sur la planche de bord, tandis que le grand coffre affiche 650 l de contenance. Enfin, une application spécifique permettra aux propriétaires de partager facilement leur auto, de prendre des passagers ponctuels, et ils pourront faire eux-mêmes les réparations simples à l’aide de vidéos explicatives.
Toyota étend ses cellules
Le géant japonais tarde à rejoindre le marché de l’électrique mais, pionnier de l’hybride, il avait déjà adjoint un toit solaire à la version hybride rechargeable de sa Prius il y a quelques années. Avec 160 watts, cela permet un gain de 5 km/jour d’après le constructeur et autorise des fonctions annexes comme la ventilation de l’habitacle en cas de forte chaleur par exemple.
Mais Toyota veut aller plus loin et il vient de présenter un concept de Prius PHEV avec des panneaux solaires d’un meilleur rendement étendus sur le capot et le hayon arrière, développés en collaboration avec Sharp.
De quoi multiplier par presque 5 la puissance résultante de cette installation (860 watts) qui commence à être testée sur route sur un prototype de Prius hybride rechargeable. Ce qui donne un gain en autonomie impressionnant, avec jusqu’à 56 kilomètres par jour à la simple absorption des rayons lumineux, soit la distance que peut parcourir la voiture en mode 100 % électrique. Un gain possible en roulant, alors que la version actuelle du toit solaire ne peut contribuer à recharger les batteries qu’à l’arrêt.
Les projets électriques avec complément d’énergie solaire
Marque | Modèle | Puissance des panneaux | Gain par jour grâce au solaire | Mise sur le marché | Prix | Probabilité de succès |
Lightyear | One | 1,25 kW | 70 km | 2021 | 149000 € | 40% |
Sono Motors | Sion | 1,2 kW | 34 km | 2020 | 25 500 € | 70% |
Toyota | Prius Solar-Powered Drive | 860 W | 56 km | NC | Prototype | 90% |
Bilan : le solaire, énergie d’avenir pour l’automobile ?
Le potentiel offert par un complément de charge en solaire est forcément limité. Les panneaux les plus efficaces (et extrêmement chers) peuvent convertir moins de 45 % de l’énergie dispensée par les rayons du soleil, dans le meilleur des cas, avec une bonne exposition, des surfaces propres, peu de nuages… Et de toute façon, l’énergie nécessaire pour mouvoir une automobile de 1,5 tonne à des vitesses normales est trop importante pour ce que peut donner l’énergie solaire, même récupérée à 100 % dans des conditions idéales, du moins, pas pour plus d’une cinquantaine de kilomètres par jour environ. Ce n’est pas si mal, mais pas suffisant.
C’est pourquoi la piste explorée par les exemples donnés ici semble la plus réaliste, avec le solaire en complément des batteries, comme « cerise sur le gâteau » pour prolonger l’autonomie. Mais si les batteries bénéficient enfin un jour d’une avancée technologique majeure, comme la technologie des batteries à électrolytes solides qui offriraient une bien meilleure densité avec un poids diminué considérablement, pour plus d’autonomie, une plus grande sécurité et surtout, une charge ultra-rapide, l’intérêt du solaire diminuerait. D’autant que reste la possibilité d’installer des panneaux solaires sur son toit pour alimenter en énergie renouvelable un point de recharge public comme privé.
En parallèle, une autre technologie pourrait bien rendre caduque la solution solaire, si elle arrive à maturité et trouve un réseau de distribution satisfaisant, c’est la pile à combustible. Bref, les dangers ne manquent pas pour mettre en péril cette demi-solution qu’est le solaire.
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