2. Douée partout, enfin presque, cette Zontes 703RR

Partir d’une feuille blanche avec des solutions techniques et technologiques haut de gamme éprouvées chez des concurrents ne veut pas forcément dire réussir son coup. Opter pour une électronique, des suspensions et des freins européens ne veut pas non plus dire que l’on va bien faire : il y a une différence entre assembleur et constructeur. Aussi lors des premiers tours de roue prend-on la mesure de la RR. Déjà, la 703 F nous avait fait dire qu’il s’agissait d’une moto convaincante. La sportive confirme et fait montre de très bonnes qualités sur route. Si l’on pouvait redouter un cadre trop rigide à même d’induire un comportement trop vif et de priver d’un certain confort ou toucher de route, la géométrie comme les appuis confèrent à la moto une excellente stabilité, confortée par une fourche performante et bien réglée. La possibilité de se positionner où l’on veut en selle, influe directement sur le style de conduite, le maniement de la moto et sur le ressenti du train avant. Quel que soit le choix, on est à l’aise, destinant cette moto au plus grand nombre. Au lieu de se montrer sélective et élitiste, la 703 RR élargit son champ d’action et celui des possibles, se montrant très facile d’accès à tous types de profils motards.

Chauffe Marcel !
Ferme sans être dure, elle offre un guidage aussi serein que précis, tandis que l’avant demeure léger à placer. La légèreté, justement. Une impression dominante sur cette moto affichant pourtant près de 200 kg entre les jambes et le gage d’une conception précise et réfléchie, avec une répartition des masses quasi optimale. C’est bien simple, se trouver au guidon de cette 700, c’est comme emmener une plus petite cylindrée : la moto fait valoir son aérodynamique autant que ses proportions. La bulle comme le carénage avant, réduits à leur plus compacte expression (mais pas forcément la plus simple), contribuent à cette impression de vitesse et de stabilité sans que la déviation d’air ne soit impactée. Seule la pression sur le haut des épaules ou encore l’extérieur des membres renforce les sensations et rafraîchit, le cas échéant, tandis que le casque peut devenir sonore. De fait, le dégagement de chaleur est perceptible au niveau des jambes, sans que cela ne soit gênant hors agglomération.

Agréable en ville
En ville, justement, la 703 RR se montre particulièrement à l’aise, notamment du fait de son moteur souple et exempt de protestation mécanique, de vibrations ou de bruits parasites, quel que soit le rapport engagé ou le régime : dès 1 500 tr/min il pousse en toute simplicité. Dès lors, on peut envisager d’utiliser les six vitesses en agglomération, tout en sachant que si l’on peut titiller le 30 sur le dernier rapport, il ne sera réellement à l’aise qu’une fois le panneau 50 barré. Évidemment. Gymnaste, le trois cylindres chinois ? Oui, et capable du grand écart facial. Et ce n’est pas fini ! Inutile de chercher à lui faire prendre des tours, la zone rouge débutant à 10 000. On profite de son agrément permanent et de la zone de 0 000 à 4 000 tr/min tel qu’on le faisait déjà sur le trail, avec moins de poids à emmener et une moto moins imposante cette fois.
Un amortissement de qualité
Agile, bien posée du fait de son pneu arrière large, la 703 RR est uniquement sensible aux « obstacles urbains » constitués par les cohortes de ralentisseurs de tous genres, lesquels ne manquent pas de faire savoir que le mono amortisseur est réglé ferme. Une fermeté à ne pas confondre avec de la dureté, la souplesse restant présente, tandis que le rebond est maîtrisé, gage de bonnes suspensions. Un phénomène que l’on retrouve sur les défauts d’enrobé les plus prononcés, prompts à faire riper sommairement la roue arrière lorsque l’on attaque sur l’angle. Réglé de manière intermédiaire d’origine (un compromis, entre sport et route, donc), le mono amortisseur pourrait être assoupli afin d’améliorer l’accord avec l’avant, résolument plus imperturbable. La pression du pneu arrière pourrait également être réduite si elle est supérieure à 2,5 bars, ce que l ‘on peut surveiller depuis le tableau de bord. Rien d’ennuyeux, donc, surtout avec des Michelin Power GP 2 au grip impeccable sur route.

Du sport sans mode Sport
La route est également l’occasion de rappeler que le mode Sport rend la poignée très réactive et crée des à-coups peu agréables au passage de vitesses, surtout en cas de prise involontaire des gaz (bosse, inattention ou autre). Il rend la poignée trop réactive, surtout lorsque l’on n’accompagne pas suffisamment les rapports avec l’embrayage doux et lorsque l’on ne tend pas suffisamment les câbles. Apparemment volontaire et programmé, aux dires des ingénieurs chinois, ce comportement encourage à engager le mode Eco sur route. Un mode plus efficace, toujours assez expressif même si moins « démonstratif ». La simulation n’a pas la saveur de la réalité et l’on préférerait une réponse plus directe et plus franche du mode S pour davantage d’efficacité, d’autant plus que le moteur fait le plein niveau caractère sans pour autant consommer outrancièrement. Annoncée à 4,4 l/100 km par le constructeur, la consommation moyenne sur route s’est établie aux alentours de 4,5 l/100 km sans se priver. Sur piste, par contre, elle est rapidement montée à 6,5 l/100 km et a su vider le restant de carburant en un peu moins de deux heures en piste (deux sessions de 45 minutes plus séances photos).

Un super moteur
Une fois sur le réseau secondaire ou sur piste, on profite pleinement de la mécanique. Sur les trois premiers rapports, les envolées sont franches jusqu’à la zone rouge. Le palier des 4 à 6 000 tr/min, davantage marqué sur les rapports supérieurs, se fait alors oublier. Cette zone de « respiration » rend les relances moins franches en apparence et plus douces, tandis que l’on attend autant que l’on entend le réel réveil du moteur intervenant à 6 puis 8 000 tr/min, offrant une aspiration d’air et un changement de sonorité de l’échappement. Sans oublier d’enthousiasmantes montées en régime jusqu’à plus de 10 000 tr/min. Bien que dotée d’origine d’un shifter actif à la montée uniquement, la Zontes n’encourage pas à l’utiliser : la coupure est trop longue et elle génère un à-coup désagréable. En ville, passe encore même si l’on manque de régime moteur, mais ailleurs, cet équipement invite à une mise à jour. Ou à un remplacement. Dommage.

Est-elle faite pour le circuit ?
Sur piste, la Zontes 703 RR montre en tout cas le plein potentiel de sa partie cycle et se révèle supérieure à pas mal de ses concurrentes plus ou moins directes. Son excellente garde au sol supplante celle de la R7, garde au sol qui n’avait su être prise à défaut sur route. Les trajectoires se tendent et se détendent à volonté, tandis que l’on apprécie à chaque instant l’extrême rigueur et précision des réactions, tout en devant s’en remettre à un train avant peu bavard, notamment du fait des pneumatiques Michelin, avares en informations. Prompte à prendre de l’angle et à s’y caler sans broncher, acceptant d’être corrigée à tout instant et en tous sens, la sportive nouvelle génération fait honneur à son cadre et à ses périphériques, acceptant là encore que l’on ne soit pas parfait à son guidon et encourageant à bien se placer en selle tout en sortant coude et genou. Chaque modification produit un effet et optimise la vitesse de passage en courbe à mesure que l’on se rapproche du réservoir et descend de plus en plus bas le poids du corps.

Largement dimensionnée pour encaisser les 95 ou 102 ch du moteur, la moto surpasse une fois encore les R7 et Daytona 660, se montrant une excellente compagne pour se faire la main sans forcer sur piste et sans complexe aucun. Revendiquant un 0 à 100 km/h en un tout petit peu plus de 3 secondes, on comprend pourquoi en tirant sur la première pour s’élancer : cette vitesse est atteinte avant même d’enclencher la seconde et le trois cylindre fait volontiers montre de sa santé, prenant même près de 190 km/h à fond de 3, un excellent score pour une 700. La vitesse maximale est annoncée pour sa part à plus de 250 km/h en version « full », tandis qu’en 6 et à 6 000 tr/min, on évolue à 130 km/h compteur, donc l’allure autoroutière. Quant à savoir si la 703 RR est une moto faite pour voyager, un petit tour sur la selle, même en statique, saura vous convaincre qu’il n’est pas nécessaire d’investir dans une paire de valises. Sans parler de « l’assise » passager, dont l’épaisseur autant que la forme n’inspirent pas au duo.

Alors oui, cette Zontes 703 RR est véritablement sportive, aussi prévenante soit-elle au niveau de sa position de conduite et de l’implantation de ses demi-guidons. Elle en a le comportement, invite à être pilotée, tout en se prêtant aux débutants comme aux plus aguerris qui regretteront qu’elle ne propose pas (encore ?) une version de 140 à 150 ch à même de rivaliser pleinement avec une Daytona 675 cette fois, quitte à la remplacer, Triumph ne semblant toujours pas décidé à proposer d’autre sportive que sa Street Triple 765 RS Moto2, un roadster à 15 395 €, soit plus de deux fois le prix de cette 703 RR...
Quelques petits bémols
Enfin, reste à se méfier des pneumatiques, qui ne tardent pas à (sur)chauffer sur l’asphalte brûlant et à glisser plus que de raison si l’on commence à rouler fort, et du freinage, en revanche, demande que l’on prenne sa mesure pour ne pas perturber les plus expérimentés. En effet, même avec un ABS déconnecté en ôtant les deux fusibles nécessaires, il continue de proposer un toucher variable, tout en répondant présent à la moindre sollicitation. Cette résistance fluctuante est d’autant moins sensible que l’on rapproche le levier de la poignée en réglant son écartement à une position intermédiaire ou faible. Lorsqu’activé, l’ABS officie avec prévenance et efficacement, offrant un déclenchement plus tardif à l’avant qu’à l’arrière, où il peut parfois surprendre lorsque l’on stabilise la moto plein angle. Une question de dosage que l’on peut trouver en ne dépassant pas le point médian de la pédale. Une version avec étriers Brembo est tout à fait possible, comme nous en avons eu la démonstration sur le circuit d'Alès lors du lancement de ce modèle. Otez lui tout ce qui fait d’elle une moto homologuée route, enlevez les repose-pieds passager, passez-lui une paire de slicks et vous obtenez une petite pistarde particulièrement économique et simple.
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