Des voitures classées X
Au siècle dernier, les constructeurs, surtout français, s’étaient fait une spécialité de designer les variantes de leurs modèles par des lettres. Et quand le X s'en mêlait, cela signifiait souvent du bon, du haut de gamme.
Aujourd’hui, ce sont des noms. Allure, Initiale, Life… A l’aide ces appellations, les constructeurs indiquent le niveau de gamme de leurs modèles. Ça n’est pas compréhensible de façon instinctive, et c’est tout l’intérêt ! En effet, il s’agit de ne pas nommer péjorativement les versions les moins chères, ce qui se comprend tout à fait : elles aussi méritent d'être vendues. D'ailleurs, le fait pour Peugeot d'avoir renommé sa basique 205 XE en Junior et de lui avoir offert une petite décoration a tout changé ! Les appellations, tout un art...
Au siècle dernier, la dénomination des versions était bien différente de maintenant. On utilisait des lettres, seules ou groupées qui formaient alors des sigles pas forcément plus clairs. Par exemple, sur les Peugeot 205 ou 405 par exemple, on voyait fleurir des GL (entrée de gamme), GR (milieu de gamme) et SR (haut de gamme). On ajoutait une troisième lettre, et on indiquait le type de motorisation. Un i pour injection ou un d pour diesel et ça donnait GLD ou GRI, par exemple. On pouvait obtenir des combinaisons assez complexes, comme STDT, ST, très haut de gamme, D pour diesel et T pour Turbo.
Et quand il s’est agi d’écouler les dernières 405 pauvrement équipées, on a ajouté un X, ça faisait bien. Ainsi, la 405 GL est-elle devenue GLX, et la GR, GRX. Le X a aussi bien fonctionné pour vendre certaines 505 et 305 huppées, badgées GTX, ainsi que les 205 à trois portes, estampillées X. Ensuite, Peugeot a conservé cette lettre pour désigner des modèles à 5 portes, comme les 106 et 306. A n’y rien comprendre, si ce n’est que XT, ça faisait moins ringard que GT…Le Lion est venu aux appellations nominales relativement tard (Féline, Griffe, Allure), dans les années 2000 à partir de la 607. Dès lors, Pack a mieux sonné que X…
Chez Citroën, c’était encore plus complexe. La marque au double chevron a longtemps utilisé des noms pour désigner ses versions. Special, Super, Pallas ou encore Club, dans les années 70. Avec une appétence pour le X, déjà : la GS X2 était une banale GS avec une décoration vaguement sportive, puis le X s’est développé. Avec à la fin des années 70, les GSA X1 et X3, voire la Visa Super X, qui n’était pas livrée avec une cassette VHS de Brigitte Lahaie.
Ensuite, avec l’arrivée de la BX, en 1982, Citroën s’est mis à changer ses dénominations. Place aux E, RE, RS, TRS, du bas au haut de gamme essence, et aux D, RD et TRD en diesel. Des badges qu’on a vu apparaître sur les Visa, CX, AX, et même Axel. On a même eu une CX 25 TRD Turbo 2 ABS… On décode : version haut de gamme (TR), diesel (D), Turbo car elle en a un, 2 car c’est la 2e turbo, celle qui a un échangeur, et ABS pour son système de freinage.
Le X a disparu ? Oui, mais pas pour longtemps. Si Javel revient aux noms pour désigner les différentes XM en 1989 (Ambiance, Séduction) voire les ZX en 1991 (Reflex, Aura…), le X opère un retour en force avec Xantia fin 1992. X, SX, VSX… La XM viendra elle aussi au X (en plus de celui de son nom), tout comme l’AX et la Saxo. Ça a dû fumer sous les scalps des marketeux ! Progressivement, ils en sont revenus aux noms (ça ne fait jamais qu’un revirement supplémentaire), mais sans oublier le X, comme dans Exclusive, le haut de gamme bien sûr.
Et Renault dans tout ça ? A la Régie, on s’est tourné vers le X dès 1973, avec la 16 TX, très enviée. Mais elle a simplement été suivie de la R30 TX, jusque dans les années 80. Là, le X a poussé comme chez les petits copains Peugeot et Citroën. On a eu la R5 TX, une TS richement équipée, la R20 TX, là une TS avec un gros moteur, puis des Fuego, des R18, des R11 et des R25 GTX. Systématiquement, le X indique qu’il ne s’agit pas de la variante du pékin de base mais bien, au minimum, de celle du chef de rayon. Le cadre de base reçoit la R25 Turbo D en voiture de fonction, mais son supérieur, lui, a la Turbo DX, mieux équipée. Idem s’il s’agit d’un Espace. On a aussi eu droit à des RX, TXE, TXI… Mais Renault, dès la Clio, en 1990, a commencé à délaisser le X, puis les sigles, dans les années 2000, là encore comme la concurrence.
On retrouve la même appétence pour le X chez Matra (Bagheera X, haut de gamme), Simca puis Talbot où la dénomination SX désigne des Horizon, 1309, 1510, Solara et Tagora.
Et à l’étranger ? Chez Fiat aussi, le X a été chic. En témoignent la Uno SX, apparue en 1984, bien motorisée et équipée, la Tipo Turbo D X, elle aussi richement dotée, avant que SX ne vienne désigner des versions intermédiaires. On pense aux Punto, Bravo, Brava et Marea SX des années 90, sans oublier les versions supérieures HLX. Mais le constructeur italien s’est bien moins saoulé de X que les français, avant d’en venir, lui aussi, aux noms dans les années 2000. Lancia s’est aussi adonné au X, avec ses LX, des hauts de gamme là encore. Toutefois, on ne retrouve rien de similaire chez Alfa Romeo et encore moins Ferrari, Maserati ou Lamborghini.
Les Allemands ? Pas tellement fans de X non plus, en tout cas moins que les Français. Dans les années 80, parmi les C, L, GL, GT et GTI on relève de timides LX, GLX, TX et GTX chez Volkswagen (sur les Golf et Jetta), voire un petit GX notamment sur l’éphémère Santana. Néanmoins, ici aussi, le X annonce une version un peu huppée. Chez Opel, a eu du x dans Luxus, mais les gens bavaient sur les Berlina, les hauts de gamme. De toute façon, dans la deuxième moitié des années 80, ces appellations ont été remplacées par GL, GLS, GT, CD… Allez, je vous mets un petit CDX sur la première Vectra, en haut de gamme.
Chez BMW ? Oui, on voit du x, mais pour désigner la transmission intégrale et non un niveau d’équipement élevé (ce qui n’existait de toute façon pas chez la marque bavaroise à l’époque). Audi, Mercedes et Porsche se sont passés du X, mais pas Ford. On a vu des Fiesta, Escort, Orion (vous vous rappelez cette ode à la banalité ?) badgées LX, CLX et GLX dans les années 90, des milieux ce gamme. A noter aussi, les Taunus et Granada GXL dans la décennie 70, des variantes huppées. Mais celles dont on se souviendra le plus, ce sont les XR. Fiesta XR2, Escort XR3, Sierra XR4...
Nos amis anglais ayant eux aussi des filiales Ford et GM (Vauxhall) ont, eux aussi, recouru au X, dans des conditions similaires à celles des gammes allemandes, mais sans plus, au contraire des Japonais. Là, on a eu droit à la Honda Accord EX, la Nissan Sunny SLX, la Mitsubishi Colt GLX, dans un mode intermédiaire. Sans oublier, évidemment, les fameuses Civic CRX.
Mais d’où vient cette appétence pour le X ? On peut avoir une idée en regardant du côté des USA. Là-bas, depuis la fin des années 40, bien des variantes se dénomment Deluxe, ce qui, en contracté donne DX. Ou Luxe, LX en contracté. Ces appellations ont migré un peu partout dans le monde, à partir des années 50. Le X était donc initialement un rappel au mot « luxe », certainement plus efficace que le L de GL par exemple. Puis il est devenu tout autre chose. Fait assez intéressant, sur les voitures européennes du moins, ce terme et ses évocations ont pour ainsi dire totalement disparu.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération