Citroën XM V6 (1989-2000) : une fantastique routière, dès 3 000 €
Succédant à la CX, la très attendue XM a d’abord séduit puis déçu, à cause de son manque de fiabilité. Pourtant, par ses qualités routières, son confort et son style, elle reste une bien digne représentante du haut de gamme à la française, surtout en V6.
C’était au mois de mai 1989. On m’a fait les gros yeux au lycée quand je suis arrivé en retard pour le premier cours de l’après-midi. J’avais une bonne raison : la XM venait d’être dévoilée chez l’agent Citroën local et avec un pote aussi fêlé de voitures que moi, à la pause de midi, nous étions descendus du bahut au pas de course, impatients que nous étions de la voir. Puis, la remontée fut moins rapide, forcément.
Dans la paisible ville campagnarde de Coulommiers (oui, j’étais dans la même classe que l’ancien ministre de la Culture Franck Riester, qui lui n’avait d’yeux que pour Peugeot, son père en possédant la concession locale), la Citroën imposait son charisme incroyable, sa ligne ultramoderne aux allures de flèche tranchant radicalement avec tout ce qui roulait alors. Un look à mille pour cent Citroën, les influences de la SM étant claires, entre le museau en pointe et le décroché sur la porte arrière, rappelant la vitre de custode du superbe coupé chevronné. Le nom même de XM constitue lui-même une référence à SM. L’intérieur, assez classique, me séduisait moins mais pour mes yeux adolescents, elle n’avait rien à craindre des allemandes, qui alors ne dominaient pas le haut de gamme comme ils le font actuellement. Et puis, c’était une belle française dans une France encore confiante, qui fêtait glorieusement le bicentenaire de sa Révolution sous la férule d’un président de la République certes critiqué mais respecté, voire admiré : François Mitterrand. Une autre époque…
La ligne de la XM est due à Marc Deschamps, qui à l’époque œuvre chez Bertone. Il l’aurait dessinée sur un coin de nappe, ce qui n’a pas empêché une rude mise en concurrence entre le studio de design italien et celui de Citroën, dès le début de la conception de la voiture, en 1984. Pour celle-ci, PSA dépense 7,5 milliards de francs, ce qui inclut la rénovation totale de l’usine de Rennes - La Janais, la conception d’une nouvelle plate-forme qui sera partagée avec la Peugeot 605 et surtout cette suspension magique.
Car, succédant à une CX qui a su se maintenir à niveau dynamiquement parlant, la XM doit frapper un grand coup. Ce sera la suspension Hydractive, une hydropneumatique gérée par électronique et dotée de deux lois de dureté, une dure et une souple, entre lesquelles elle va automatiquement alterner. De la CX, la XM ne reprend rien, si ce n’est les grandes lignes du train arrière à bras tirés, désormais doté d’un cadre en aluminium. À l’avant, on retrouve l’épure, améliorée, de la BX, et le tout donne un système unique en son genre.
Sous le capot, la XM inaugure la version 2,0 l du bloc essence XU de PSA (130 ch) ainsi que le PRV dans une cylindrée de 2 975 cm3 (170 ch). Deux finitions sont proposées, normale et Ambiance. Avec cette dernière, la XM 2,0 l bénéficie de l’Hydractive (la version de base se passe de gestion électronique) et coûte 167 000 F, soit 40 800 € actuels, ce qui la place pratiquement au niveau d’une BMW 520i, une valeur bien établie. Quant à la V6, elle s’affiche à 199 000 F (48 700 € actuels), soit grosso modo le prix d’une BMW 525i. Oui, la française est ambitieuse. Et elle a raison : les ventes démarrent en trombe, tandis qu’elle est élue voiture de l’année 1990.
En fin d’année, le 2,0 l à carburateur (115 ch) débarque, accompagné des diesels, atmo et turbo. Ceux-ci déçoivent quelque peu, les performances exceptionnelles de la CX TRD Turbo n’étant pas égalées, mais ça n’empêche pas la XM de se vendre à près de 100 000 exemplaires en 1990. Xavier Karcher, directeur de Citroën, exulte à la télévision, soulignant que le haut de gamme français n’a rien à envier à l’allemand, bien au contraire !
Puis, c’est la dégringolade. Pourquoi ? Parce que la XM n’est pas fiable, les principaux problèmes étant d’origine électrique. Tout dysfonctionne, de la gestion de la suspension aux essuie-glaces ! Citroën mettra plus de deux ans à tout résoudre, mais le mal est fait : les ventes chutent dramatiquement d’année en année, la présentation de la très performante V6 24 soupapes en 1990 et du très spacieux break en 1991 n’y changeant rien, pas plus que l’intéressante Turbo CT (145 ch) en 1992. Citroën va même jusqu’à proposer une version très dépouillée de la XM, histoire d’abaisser son prix d’appel. Ça n’abaissera qu’un peu plus son image, un concessionnaire s’exclamant même après avoir vu son équipement ridicule : « la XM, c’est de la Lada ».
En 1994, le porte-drapeau du double-chevron bénéficie d’un restylage bienvenu. Si la carrosserie ne change guère, le tableau de bord est totalement redessiné, tandis que la finition s’améliore. Sous le capot, le 2,0 l gagne une culasse à 16 soupapes portant la puissance à 135 ch, tandis qu’un très performant 2,5 l turbo-diesel de 130 ch débarque. Hélas, l’érosion de ventes continue, même si en 1997, le très moderne V6 ES9 (194 ch), remplace le PRV en 12 et 24 soupapes.
La XM tire sa révérence en 2000, produite à 333 405 unités, sur les 800 000 prévues. Sans les problèmes de fiabilité, la grande Citroën les aurait peut-être réalisées, et ainsi, peut-être retardé nettement l’hégémonie des premiums allemands dans la catégorie… Pour la petite histoire, un ex-ingénieur PSA m’a révélé que la XM et la 605 étaient au point avant leur sortie. Seulement, on aurait alors décidé de procéder à des économies de bouts de chandelle afin de rogner un peu sur le prix de revient, avec les conséquences que l’on sait. Des économies qui ont coûté très cher…
Combien ça coûte ?
Les V6 équipent un peu plus de 10 % des XM produites, donc on en trouve encore assez aisément, même si les Hollandais en ont racheté pas mal. Comptez 3 000 € minimum pour un exemplaire de 170 ch parfaitement fonctionnel mais pas impeccable, et 3 500 € si c’est le V6 ES9 sous le capot. Bien plus rare, la V6 24 soupapes exigera un minimum de 7 000 €. Les exemplaires parfaits ayant roulé moins de 100 000 km dépassent déjà les 10 000 €.
Quelle version choisir ?
Le PRV fonctionne correctement dans la XM, il est robuste et sa distribution par chaîne limite les frais d’entretien. Mais l’ES9 se révèle plus performant, économique et agréable, tout en s’installant dans une auto mieux fabriquée : vu la faible différence de prix, il semble préférable.
Les versions collector
Toute XM V6 impeccable et totalisant moins de 100 000 km est un collector en soi. Mais au sein des V6, il y a des versions plus rares. La 24 soupapes a été produite à 5 461 exemplaires en phase 1, contre 30 975 à la 170 ch. Et en phase 2, il n’y en a eu qu’un gros millier : là, on touche à une vraie rareté. Autre licorne roulante, le break V6 ES9 : moins de 400 ont été écoulés.
Cela dit, la déclinaison ultra-collector, celle que tout passionné recherche, c’est la série limitée Multimédia. Produite à seulement 50 unités en 1998, elle bénéficie d’un GPS Magneti Marelli, d’un tableau de bord garni de bois, d’une sellerie mixte cuir-Alcantara et d’une teinte Rouge d’Enfer Nacré spécifique pour la carrosserie mais surtout d’un ordinateur de bureau à l’arrière, agrémenté d’un écran tactile et d’un fax. Seulement, c’était une sorte de prototype destiné à faire le tour des concessions, aussi les exemplaires commercialisés l’ont été en occasion et débarrassés de leur PC (qui tourne sous Windows 98) ainsi que de leur fax, pour s’épargner des retours en garantie. Difficile d’établir un prix vu le peu d’exemplaires, mais pour une auto en bon état, n’espérez rien sous les 15 000 €.
Que surveiller ?
Vaste sujet ! En début de carrière, l’électricité et l’électronique ont très largement dysfonctionné comme on l’a vu, les modèles produits à partir de 1992 étant nettement améliorés. En 1993, Citroën a lancé l’opération XM Confiance pour rectifier les autos défectueuses en concession, ce qui a amélioré les choses. En outre, on peut estimer que les exemplaires parvenus jusqu’à nos jours ont été correctement entretenus.
Cela dit, même après 1994, la fabrication n’est pas exceptionnelle. Surveillez les fuites de suspension (fréquentes), les diverses fonctions électriques car les accessoires demeurent de faible qualité et sont parfois difficiles à trouver, comme le bon moteur de vitre électrique (il y a plusieurs montages). Le faisceau électrique pâtit de câbles de section beaucoup trop faible, même en phase 2 (c’est mieux fait sur une BX), donc gare aux mauvais contacts.
Heureusement, les moteurs sont très robustes, à ceci près le V6 PRV 24 soupapes a connu des soucis d’arbres à cames en début de carrière. Pas de souci particulier côté transmission, alors que la XM est plutôt bien protégée contre la corrosion. Ce qui explique qu’elles ont été nombreuses à finalement atteindre de très gros kilométrages avant d’être mises au rebut.
Au volant
J’ai pu prendre le volant d’une V6 manuelle de 1991. Le tableau de bord que je n’avais guère aimé à son lancement ne me plaît toujours pas, mais je lui reconnais désormais un caractère très Citroën. On est assis très haut dans la XM, même avec le siège électrique – et moelleux – réglé au plus bas, mais on s’y habitue. En revanche, le rétro droit à moitié caché par le montant de pare-brise… un détail idiot.
Je déverrouille le frein à main en tirant sur la poignée à gauche du volant, comme dans une Mercedes, et réveille le V6. La voiture monte, et on roule. Effectivement, la suspension a une capacité de filtrage excellente ! Très appréciable sur les routes actuelles, parsemées de dos-d'âne et souvent en mauvais état, elle n’est pourtant pas parfaite à basse vitesse. Le moteur très souple s’accompagne d’une boîte agréable à manier, ce qui rendrait la XM plaisante en ville, n’était son encombrement. Sur route, il l’emmène tout à fait dignement mais reste loin de l’allégresse d’un V6 Alfa. Au moins sonne-t-il plaisamment, et rien que pour ça, on le préférera à l’horrible 2,0 l.
Curieusement, le simple fait d’accélérer mollement ou de soulager l’accélérateur engendre un mouvement de tangage, mais hormis ce détail, la XM impressionne enfin par son effet tapis volant : elle filtre tout, alors que son roulis reste quasi inexistant. Pour sa part, la tenue de route est d’une sécurité totale, et ce, quel que soit l’état de la route. La direction a bien un rappel très fort auquel il faut s’habituer, mais quelle précision ! Certes, le châssis ne se révèle pas spécialement agile, mais ce n’est pas ce qu’on demande à cette formidable autoroutière, spacieuse et sereine. En sus, elle freine bien (attention à la grande réactivité de la pédale) et profite d’une belle praticité grâce à son hayon. La consommation ? Comptez 12 l/100 km en moyenne.
L’alternative youngtimer
Citroën CX (1974-1991)
Succédant à une DS mythique, et révolutionnaire à son lancement comme aucune auto ne l’avait été et ne le sera plus jamais, la CX a relativement peu impressionné lors de son apparition. Pourtant, avec sa caisse posée sur un cadre d’essieux, ses trains roulants peaufinés et sa suspension hydropneumatique, c’est la meilleure de sa catégorie en matière de rapport confort/tenue de route. De plus, elle a été sérieusement étudiée pour protéger ses passagers en cas d’accident. Manquant initialement de puissance, elle gagne un 2,4 l injection de 128 ch en 1977, qui passera à 2,5 l et 138 ch en 1983. Surtout, greffé d’un turbo dès 1984, il fait de la CX une des grandes routières les plus efficaces qui soient !
Restylée en 1985, après moult petites mises à niveau, la Citroën se bonifie encore et devient la berline turbo-diesel la plus rapide du monde en 1987, frôlant les 200 km/h.
Déclinée en break et en Prestige dès 1975, elle véhiculera largement le personnel politique français, et sera produite à près d’1,2 million d’exemplaires : plus jamais un haut de gamme français n’atteindra ce chiffre. À partir de 2 500 € en bon état.
Citroën XM V6 1991, la fiche technique
- Moteur : 6 cylindres en V, 2 975 cm3
- Alimentation : injection
- Suspension : triangles, hydropneumatique pilotée, barre antiroulis (AV) ; bras tirés, hydropneumatique pilotée, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle ou 4 automatique, traction
- Puissance : 170 ch à 5 600 tr/mn
- Couple : 230 Nm à 4 600 tr/mn
- Poids : 1 420 kg
- Vitesse maxi : 222 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 9,7 s (donnée constructrice)
> Pour trouver des annonces de Citroën XM, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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