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Chronique du déconfiné 5 – Cette année, on ne s’envole pas vers Detroit

Dans Salons / Salon de Détroit

Michel Holtz

Le salon américain devait se dérouler cette semaine. Covid oblige, la manifestation est annulée. Alors le confiné se souvient des anciennes éditions, celles de la gloire de Detroit, et celles de son déclin.

Chronique du déconfiné 5 – Cette année, on ne s’envole pas vers Detroit

À quoi bon attendre le déconfinement quasi-total annoncé, ou du moins attendu, le 22 juin prochain ? Quelles que soient les annonces qu’Édouard Philippe nous livrera, à son habitude, quelques jours auparavant, ce sera trop tard, car on n’ira pas. Le Corona est passé par là, le salon de Detroit 2020 ne s’ouvrira pas, même si on s’y voyait déjà, qu’on devrait y être cette semaine pour vous parler des nouveautés américaines.

Le North American International Auto Show était synonyme d'hiver

Bien sûr, la crise sanitaire sévit aussi au nord des États-Unis et l’édition 2020, qui devait s’ouvrir le 7 juin et s’achever le 20, a été annulée et reportée à l’an prochain. Mais on sentait bien que le cœur n’y était plus, depuis ce changement de saison incongru. Car le NAIAS (North American International Auto Show) était synonyme d’hiver. Le caler à la fin du printemps était déjà un renoncement. Detroit constituait le rite de la presse auto du début d’année, une prolongation des fêtes, un moment où l’on préparait son bagage après la galette des rois, ou l’on embrassait sa famille plus solennellement qu’à l’habitude, car l’on savait déjà que la date du retour restait incertaine.

Eh bien, avant de revenir de la lointaine Amérique, l'inconnu était de mise quant à l'horaire de vol. C'est qu'au mois de janvier dans le Michigan, il ne fait pas froid au sens européen du terme. On sait bien ce que - 20° affiché au thermomètre signifie par ici, mais il manque un ingrédient indispensable et absent de nos contrées qui aggrave un tantinet la situation : le blizzard. Quand il souffle dans les larges avenues de Detroit, même les pick-up les désertent. Et comme il n’épargne pas le Wayne County Airport, l’atterrissage y est aléatoire.

Le rituel du départ comprenait, à la manière des séjours all inclusive, un retard au décollage et un passage forcé par Chicago ou New-York. Sans compter un clouage au sol au retour, correspondant à un séjour plus ou moins prolongé à Detroit, dans un hôtel logiquement baptisé Henry Ford ou Cadillac. On en profitait pour visiter les immeubles en ruine eux aussi abandonnés, non pas à cause de la bise glacée, mais des crises successives qui, des années quatre-vingt à 2008 ont terrassé Detroit de moins en moins Motor Town.

À Detroit, même les PDG européens se prêtaient au jeu, comme Dieter Zetsche, président de Mercedes, en compagnie d'Arnold Schwartzenegger.
À Detroit, même les PDG européens se prêtaient au jeu, comme Dieter Zetsche, président de Mercedes, en compagnie d'Arnold Schwartzenegger.

Mais Detroit, c’était aussi le Cobo Center, le lieu du Salon, beaucoup moins vaste que ceux de Paris ou Francfort, avec des stands beaucoup moins gigantesques aussi. Les abonnés du NAIAS se souviennent aussi de sees shows de présentation des nouveaux modèles. Aux conférences cravatées et compassées d’ici se substituaient les déguisements de cow-boys ou de pilotes (selon qu’ils lançaient un coupé sportif ou un pick-up bourru) qu’arboraient les P.-D.G. de ce que l’on nommait les big three, General Motors, Ford et Chrysler étant durant des décennies les trois socles de l’automobile, et donc de l’économie, américaine.

Le Nevada a détrôné le Michigan

Aujourd’hui les three sont beaucoup moins big et l’économie US s’est tournée vers les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Ils sont cinq et Wall Street n’a d’yeux que pour eux. Seule dans son coin, Detroit s’est engourdi dans le blizzard comme une vieille dame que ses petits-enfants ne viennent plus voir le dimanche.

Elle a pourtant tout tenté la mamie du Michigan pour garder la dragée haute. À chaque crise, la ville s'était néanmoins relevée. Mais pas son industrie auto, ni sa vitrine. À bout de souffle, à cours de visiteurs et d’exposants, elle a fini par se laisser souffler sa place par une jeunette, une pimpante du Nevada. Impossible de lutter contre les palmiers et la vie tout en néon de Las Vegas. Et surtout la vieille Detroit ne pouvait rien contre la geekisation de l’auto, elle qui avait connu les tout débuts, en 1907. Elle qui a vu apparaître les Ford T un an plus tard. La voilà qui devait se refaire une beauté à coups d’intelligence artificielle et d’autos qui roulent toutes seules.

Elle a raté le coche et sa rivale ne s’est pas encombrée de politesses pour récupérer les constructeurs déçus de son manque de modernité et alléchés par les big five de la Silicon valley qui pèsent désormais beaucoup plus lourds qu'eux et font également faire le pèlerinage de Vegas.

Les crises se sont succédé, laissant Detroit dévastée, mais à chaque fois ressuscitée. Jusqu'à présent du moins. Quant à l'avenir, il est plus qu'incertain.
Les crises se sont succédé, laissant Detroit dévastée, mais à chaque fois ressuscitée. Jusqu'à présent du moins. Quant à l'avenir, il est plus qu'incertain.

Le salon de Detroit est en janvier ? Le CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas aussi. +20 ° dans le Nevada, - 20 ° dans le Michigan. Choisis ton camp. Et les exposants, comme les journalistes, ont choisi. Dans un dernier espoir, mamie a tenté le tout pour le tout : changer de saison, caler le salon au mois de juin. À la période où, de Detroit au sud de l’État, au lac Supérieur, tout au nord du nord du Michigan, les plaines ne sont plus des steppes blanchies par le blizzard, mais des prés d’un vert laitue. Le Covid aura eu raison de cette tentative de rajeunissement.

Bien sûr, l’an prochain, le NAIAS ouvrira encore ses portes, du 11 au 26 juin 2021. Les constructeurs s’y rendront-ils ? Ceux de Detroit jouent à domicile et présenteront les nouveautés qu’ils n’auront pas dévoilées aux salons de New York, Los Angeles ou Las Vegas. Detroit est désormais un salon régional. Irons-nous malgré tout ? Les journalistes auto américains viennent-ils visiter le salon de Lyon ? Telle est la question.

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