Avant l'Arc de Triomphe, Christo a emballé une auto
Il est assez rare qu'un artiste décédé suscite la polémique. Pourtant, l'empereur des emballeurs, celui qui a mis l'art monumental à la portée tous, soulève un tollé avec son œuvre posthume à l'Arc de triomphe de Paris. Mais avant de s'attaquer à la Place de l'Étoile et au Pont Neuf, l'artiste, ou plutôt le couple d'artistes à l'origine de ces projets, avait emballé une voiture et même une moto.
il faut avoir une certaine notoriété pour se voir confier d'énormes chantiers. Il en va de l'art comme du BTP. C'est ainsi que Christo et Jeanne-Claude, le couple d'artistes plus connu sous le nom générique de Christo, ne s'est pas toujours attaqué à des monuments gigantesques comme le Reischstag de Berlin, le Pont Neuf de Paris, ou, plus récemment et selon la volonté de Christo Javacheff décédé l'an passé, l'Arc de Triomphe.
La redécouverte d'un monument et d'un objet par son emballement
On ne prête qu'aux riches, et avant de se voir confier des emballages démesurés, les deux artistes se sont attaqués à des objets beaucoup plus petits. En commençant par des tables, des bidons et des cartons. Puis, dès 1961, les deux emballeurs affichent leur ambition pour des objets plus grands, et plus mobiles. Ce sera d'abord une moto, puis, en 1963, une auto. Et pas n'importe laquelle : une Coccinelle Volkswagen choisie car identifiable de tous, même lorsque ses détails sont gommés par l'emballage de tissu tenu par des cordes en chanvre.
Cette œuvre, comme tous les emballages qui suivront ont un but : rendre à des objets, et des monuments ultra-connus, mais que l'on ne voit plus, parce qu'on les a trop vus, une seconde jeunesse, et permettre à chacun de les redécouvrir. C'était le cas de la Coccinelle dans les années soixante, produite à plus de 21 millions d'exemplaires et que l'on ne remarquait plus à force d'en croiser dans la rue. C'est le cas aujourd'hui avec l'Arc de Triomphe que des milliers de Parisiens voient chaque jour sans lever les yeux.
La controverse au cœur du projet
Grâce à l'emballement de Christo, les Parisiens, et tous les Français, regardent à nouveau le fameux Arc. Ils en distinguent les contours qu'ils connaissent si bien, même s'ils sont cachés sous 25 000 m2 de polypropylène. Certes, nombre d'entre eux s'énervent et s'étripent sur les réseaux sociaux. Au bistrot virtuel, on est choqué. Certains internautes s'indignent d'une poubelle géante, ou hurlent à l'attaque en règle contre l'histoire de France. Mais se souvenaient-ils encore de l'Arc de Triomphe il y a quelques semaines ? Lui portaient-ils attention avant cette intervention ?
Finalement, le projet posthume de Christo, qui nous a quitté en 2020 alors que son épouse est décédée en 2009, est parfaitement abouti et assumé, puisqu'il a touché au but : remettre le monument dans l'actualité et amener les gens à lui porter un regard différent. L'emballement, qui n'a pas coûté un sou au contribuable puisque les 14 millions d'euros de son coût sont financés par les ventes des collections Christo, n'est pas qu'un emballement de monument, c'est un emballement public, avec ses inévitables controverses. En d'autres temps, la Coccinelle n'a pas suscité le même tollé, parce qu'elle se contentait d'être exposée dans une galerie, visitée par les seuls convaincus de l'art moderne. Finalement, l'opération de l'Arc de Triomphe, en place jusqu'au 3 octobre, est une action artistique réellement démocratique.
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