Les étoiles filantes
L'histoire de Mercedes en Grand Prix n'en finit pas de bégayer... tous les quarante ans !!
Ainsi, le ler juillet 1954, soit 40 ans jour pour jour après le triplé victorieux réalisé au GP de l'A.C.F. 1914, les Mercedes effectuaient un retour gagnant en formule 1. Octobre 1994, quarante ans après son premier titre mondial de F1, le constructeur allemand, en signant un accord avec McLaren, la plus professionnelle des équipes de F1, révèle toutes ses ambitions. Au delà des simples coïncidences, une seule volonté: vaincre... L'occasion, aussi, de s'offrir une ballade avec les dernières Flèches d'Argent.
Après avoir pansé les plaies causées par les destructions massives de la seconde guerre mondiale, Mercedes reprend sa place de grand constructeur à l'occasion du Salon de Francfort 1951, en présentant deux nouveaux modèles, les berlines 220 et 300. Désireux de marquer avec éclat cette renaissance mais aussi de renouer avec passé prestigieux, le service compétition est alors timidement réactivé. Les anciennes monoplaces WI163, reines de la saison 1939 dénichées chez un...ferrailleur son, engagées dans deux courses de formule libre en Argentine en février 1951. Pilotées par Fangio, Kling et Herrmann Lang, le champion du monde "officieux" de 1939, les grosses 31 litres subissent la loi de la petite Ferrari 21litres de Gonzales. Ce simple trait d'union se révèle pourtant riche d'enseignements: aussi prestigieux soit-il le matériel d'avant guerre est périmé et il faut absolument faire du neuf. Le changement de règlement introduisant une cylindrée limitée à deux litres pour les saisons 1952-53, va donner le temps à l'état major de Mercedes de s'armer pour la nouvelle formule 1-215001 cm3* prévue pour 1954. En attendant, le jour "J", l'équipe va se roder dans les courses de sport avec la fameuse 300ISL, à portes papillon. Même en période d'échauffement, l'écurie allemande va afficher sa domination: doublé aux 24 heures du Mans, victoire à la Carrera Panaméricaine, au NUrburgring, au GP de Berne... L'organisation sans défaut mise sur pied par Alfred Neubauer en 1934 vient encore une fois de prouver sa redoutable efficacité. Volubile et volumineux, théâtral et autoritaire, celui que l'on surnomme le "Kaiser" ou "Don Alfredo" ou simplement "le gros" fait marcher pilotes, mécaniciens et même ingénieurs à la baguette.
L'inventeur des "Flèches d'Argent" (c'est Neubauer qui décida en 1937 de repeindre en gris métallisé les monoplaces pour économiser du poids) affirme haut et clair que ces succès ne sont qu'une simple préface. Bientôt, les Flèches d'Argent seront de retour pour écrire la suite de la légende.
Fiées pour vaincre
Pour Mercedes, le plus important n'est pas de participer mais bien de gagner !! Dans cette optique, le bureau d'études ne va reculer devant aucune solution coûteuse ou sophistiquée. Se voulant invincible, la 1196 est un véritable cocktail d'innovations: une carrosserie profilée spécialement étudiée en soufflerie, un moteur disposant de l'injection directe, une culasse à commande desmodromique, une boîte cinq vitesses, quatre roues indépendantes, des freins suspendus... Toutes ces solutions techniques ne sont évidemment pas inédites mais c'est la première fois qu'elles sont toutes réunis sur une seule et même formule 1. C'est le modèle le plus révolutionnaire de l'après guerre. Devant une telle débauche de moyens et un engagement aussi absolu de la part d'un grand constructeur, les maîtres italiens font immédiatement figure de géniaux petits artisans et les Britanniques de bricoleurs passionnés... Avant que le rouleau compresseur ne se mette en marche, c'est Rûdolf Uhlenhaut aussi bon ingénieur que brillant pilote qui est chargé d'accomplir la mise du point du premier prototype en compagnie des "anciens" Hermann Lang et Karl Kling. De son côté, Neubauer se charge de convaincre un Fangio, échaudé par le raté de 1951, de rejoindre l'équipe. Enfin, le ler juillet 1954, à Reims tout est en place pour le lever de rideau. Les trois WI196 impeccablement alignées devant les stands, sont véritablement assiégés par la foule des spécialistes ou des simples curieux. Superbement profilées dans leur robe argentée, elles semblent venir dune autre planète. Très modernes, elles se distinguent par leur ligne très basse, obtenue grâce à la position inclinée du moteur qui se loge ainsi sous un long capot plat. Le tunnel de transmission décalé vers la droite du pilote permet d'abaisser aussi la hauteur du poste de pilotage et d'autoriser une vitesse de pointe frisant les 270km/h. L'opposition prend soudain un sérieux coup de vieux : les Ferrari semblent massives, la Maserati desuette, tandis que les autres concurrents, faute de moyen, sont contraints de faire durer un matériel dépassé.
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