Visite de la matrice
Après cette intro, vous allez probablement me dire que McLaren existe depuis bien plus longtemps que l’avènement de la MP4-12C l’an dernier. Vous avez raison mais le McLaren d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le McLaren d’antan. La mythique F1 vient d’une époque où la division Automotive créée pour l’occasion faisait partie intégrante de l’équipe McLaren qui courait en F1. D’ailleurs, la mythique F1 à V12 BMW est l’œuvre de Gordon Murray, un ingénieur issu de la compétition pour qui les compromis n’étaient pas vraiment dans le cahier des charges. Pour faire court, la F1 est plus une œuvre d’art qu’une automobile de production, contrairement à la MP4-12C, vraie première création du McLaren Automotive, une société devenue indépendante de McLaren Racing en 2009. Oui, nous oublions volontairement, comme nos hôtes d’ailleurs, la Mercedes McLaren SLR totalement absente des lieux où nous nous trouvons aujourd’hui et qu’il nous est malheureusement impossible de photographier ou filmer ! Paranoïa quand tu nous tiens … nous ferons donc avec les images officielles.
Notre Virée débute par la visite des fameux MTC et MPC : McLaren Technical Center et McLaren Production Center. Le premier fait cause commune avec le fabuleux bâtiment qui abrite McLaren Racing et la production des Formule 1. Le site appelé à ses débuts Parangon a été imaginé par l’architecte Norman Forster, il se distingue par sa forme en haricot et son lac attenant, les 2 formant un cercle parfait mais également le symbole du Ying - Yang. Trois autres lacs dispersés sur le site de 50 hectares alimentent le système de climatisation écologique qui permet de refroidir efficacement ce bâtiment de 20.000m2 qui contient également une véritable soufflerie pouvant accueillir des modèles au 3/5eme.
Les cerveaux sont regroupés à l’étage, les ateliers de fabrication F1 au dessous, on trouve un restaurant de 700 sièges (1000 personnes travaillent ici !) et une superbe collection des monoplaces et des voitures de la marque exposées dans les larges couloirs du bâtiment. La McLaren F1 LM Prototype orange que convoite Lewis Hamilton est là (Ron Dennis l’a promise à son pilote lorsqu’il aura remporté trois titres chez McLaren) comme les F1 et les barquettes couronnées ou encore la première Austin 7 de Bruce Mclaren. Le couloir central est bordé de 2 rangées de vitrines pas encore pleines dans lesquelles absolument tous les trophées glanés par McLaren sont exposés. C’est d’ailleurs cette tradition qui a causé une petite crispation entre McLaren et Lewis Hamilton qui souhaite garder ses coupes chez lui. La propreté clinique du lieu est identique à ce que propose l’équipe de F1 et il se dégage de cet endroit un calme qui confine à la sérénité, celle de ceux qui savent qu’ils sont en train d’écrire une page de la grande histoire de l’automobile contemporaine après avoir marqué la Formule 1 de ces dernières décennies.
Car à 18m du MTC (c’est la longueur du couloir qui les relie), le tout nouveau MPC inauguré en septembre dernier abrite la première création du département Automotive créé et dirigé par Ron Dennis en personne. Si la SLR était construite au sein du MTC, c’est parce que la production totale ne devait pas excéder les 2000 exemplaires. Les ambitions de McLaren sont tout autres pour la MP4-12C désormais produite en version coupé et en spider. Actuellement, ce sont 8 véhicules par jour qui sortent des chaînes (le maximum sera de 20/jour) où quasiment toutes les opérations sont réalisées à la main. Le savoir-faire de l’artisan est présent jusque dans les cabines de peinture et c’est finalement le contrôle qualité de l’assemblage qui utilise une machine de mesure automatisée. La MP4-12C est la première pierre d’une gamme qui sera rapidement suivie de 2 autres modèles, McLaren souhaitant très rapidement vendre plusieurs milliers de voitures par an. La compétition avec Ferrari sort des circuits pour se poursuivre sur les routes, voilà pourquoi nous sommes maintenant sur le circuit de Goodwood afin de prendre part au programme Pure McLaren Driving Experience qui cherche à convaincre définitivement les acheteurs potentiels de signer leur bon de commande (McLaren a déjà vendu environ 1300 voitures, le délai de livraison est de 6 mois). Si cela signifie que nous allons prendre le volant du coupé version 2011/2012 (600 ch et 600 Nm de couple) sur la route et sur la piste, cela signifie aussi que le timing sera serré et le temps derrière le volant compté. Nous nous excusons d’ailleurs de la qualité sonore de notre reportage vidéo réalisé dans un laps de temps si court que c’est tout simplement un miracle qu’il existe.
Examen du nouveau-né
Si, esthétiquement la McLaren MP4-12C est beaucoup plus subtile et détaillée que lorsqu’on la voit en photo, elle n’en reste pas moins très discrète face à ses rivales, italiennes notamment. Il faut à ce propos voir la MP4-12C et la F1 côte à côte pour se rendre compte de la parenté stylistique entre les 2. C’est aussi à ce moment que l’on se rappelle que la F1 était également une auto très discrète. Le capot moteur travaillé attire l’œil comme les échappements hauts alors que les ailettes arrière et avant quasiment invisibles en photo rendent vraiment bien sous la lumière naturelle. Le gabarit semble gérable pour le commun des mortels (1.90m de large et 4.51m de long) et finalement c’est l’accès à bord qui va le plus déranger. Pour être précis, une fois la porte en élytre ouverte, l’accès est aisé, c’est ensuite que cela se gâte. Pour trouver une position correcte au volant, il vous faut alors avancer votre siège et il vous est alors impossible de sortir rapidement de l’auto sauf à reculer à nouveau le baquet. Autant dire que lorsque votre auto est équipée des sièges électriques ça prend un peu de temps !
Mais soyons honnêtes, lorsque vous êtes à bord, vous n’avez pas vraiment envie de descendre. L’habitacle épuré à l’extrême est cohérent avec tout le reste et vous donne l’agréable sensation de ne pas avoir besoin de détenir un bac+6 pour utiliser cette machine. La console centrale propose 6 boutons : celui de démarrage, le mode ESP Winter pour les jours de neige, le bouton du Launch Control et le bien nommé bouton Active qui … active les 2 dernières molettes de réglage Manual et Aero qui nous intéressent le plus. La MP4-12C permet en effet de régler indifféremment le couple moteur-boîte et le couple ESP-suspensions selon 3 modes Normal, Sport et Track. La direction plutôt précise dévoile la grande spécificité de cette auto, à savoir ses barres anti-roulis actives.
Ce système qui relie hydrauliquement chaque suspension combat à merveille le roulis sans dégrader le confort. En gros, vous pouvez attaquer les courbes au plus profond des cordes, l’auto vire à plat sur le goudron alors que ses roues intérieures gardent du débattement pour avaler les touffes et trous nombreux sur les routes très étroites d’Angleterre. C’est également très efficace sur les vibreurs qui, de fait, ne déstabilisent plus l’auto. Mais une conséquence probable de ce système est que, sur routes dégradées, on sent parfois le volant qui tire du côté opposé au dénivelé. Notez que jamais cela devient vraiment dérangeant, c'est surprenant la première fois. Sur ce bref essai routier, on se dit que les ingénieurs anglais ont vraiment cherché à adapter l’auto aux routes du pays qui malheureusement ne permettent vraiment pas de pousser la mécanique. C’est la raison pour laquelle, nous aurons droit à quelques tours du rapide circuit de Goodwood.
Good car à Goodwood
On ne nous autorisera pas à passer le mode Track qui désactive l’ESP, ce qui va nous permettre de découvrir 2 choses. Première constatation, ou plutôt seconde, le mode Sport autorise un certain angle de dérive avant que l’ESP entre en action. Pour se rendre compte de cela, il faut évidemment que l’auto soit mobile, ce qu’elle est comme je le constate en bout de ligne droite sur une entrée de courbe rapide un peu trop appuyée en 4eme. La MP4-12C à la monocoque carbone et à la carrosserie en alu reste légère (moins de 1400 kg) et alors qu’on la disait collée au sol, on se rend compte que ça n’est pas exactement le cas. Cette McLaren motrice excellemment, son train avant est franchement directif, elle se cale en appui de façon assez rassurante et son V8 3.8l biturbo M838T extrêmement linéaire a beau prendre 8500 tr/mn à la façon d’une moto, il ne donne pas tout à fait les sensations en rapport avec les extraordinaires accélérations qu’il procure réellement (3.1s de 0 à 100 km/h et 8.8s de 0 à 200 km/h en pneus Corsa). Efficace, elle l’est donc, mais cette MP4-12C qui est une très grosse freineuse propose aussi une croupe vivante sur chaque phase de freinage. Même l’aéro-frein impressionnant qui barre totalement la vue dans le rétro intérieur ne suffit pas à la plaquer au sol et on est loin d’avoir entre les mains une auto sous l’emprise totale de l’aéro et du grip. Tant mieux, c’était une crainte. La sonorité (artificiellement gonflée dans l’habitacle en mode Track) n’a pas vraiment l’accent caractéristique des moteurs turbo mais cela ne suffit pas à dresser le poil. C’est assez sonore et rugueux à l’oreille, en fait, il manque la stridence frissonnante qui fait la saveur des moteurs italiens lorsqu’ils approchent de la zone rouge. Pourtant, l’allonge du M838T est vraiment impressionnante, probablement que l’apport d’un acousticien mélomane fera du bien dans le futur.
La boîte de vitesse double embrayage baptisée Pre-Cog réclame que l’on presse assez fort la palette derrière le volant pour engager le rapport si l’on n’a pas pris la peine de la présélectionner avant. Le temps de passage des rapports est parfaitement satisfaisant mais McLaren admet qu’il va faire évoluer sa boîte comme il l’a fait pour son moteur qui propose 625 ch sur les versions 2013 (l’upgrade est gratuit pour les anciens modèles). D’ailleurs, ce sont en fait tous les domaines qui vont évoluer en fonction des premiers retours clients. Ainsi le système d’ouverture des portes sensitif (il suffit d’effleurer une partie de la carrosserie pour ouvrir) aussi original soit-il a fait l’objet de retours client négatifs et sera complété par un bouton d’ouverture plus classique sur une télécommande, histoire d’éviter aux propriétaires de se salir les mains lorsque l’auto n’est pas aussi clean que l’usine McLaren !
Ouvrons les yeux
Après cette trop courte journée de découverte de l’univers McLaren et de leur MP4-12C, on conclut assez vite sur l’extraordinaire cohérence entre le produit et la société qui l’a conçue. Discrète mais raffinée, sans fioritures mais technologique, la McLaren MP4-12C très aboutie est extraordinairement efficace mais elle n’a pas encore le supplément d’âme que le poids de l'histoire donne à ses rivales. McLaren en est conscient et va faire évoluer sa voiture en fonction des remarques de ses clients. Ils l’ont d’ailleurs déjà fait puisque les exemplaires actuels ont déjà gagné en expressivité, ce qui n’empêche pas qu’elle dispose d’une belle marge de progression. Mais alors que le soleil couchant éclaire joliment le parc de McLaren MP4-12C désormais muet, l’esprit libéré commence à introduire de la perspective dans la réflexion. Là, devant nous, les 8 MP4-12C qui ont rythmé notre journée exhalent encore des volutes de chaleur de leur baie moteur. Elles sentent le circuit, cliquètent, retrouvent une température de repos. Devant ce tableau bien vivant, on commence à réaliser qu’on est aujourd’hui en face de la toute première auto d’un tout nouveau constructeur automobile et qu’il y a 3 ans de cela, rien, absolument rien n’existait. Ni les structures administratives, ni l’usine, ni le personnel, ni l’auto ! Prendre conscience de ça, c'est déjà saluer la prouesse de McLaren et de son emblématique patron. Un constructeur automobile est né sous nos yeux, on se rappellera que nous étions là, au tout début d’une histoire qui devrait durer.
Twitter : @PatPanick
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