En effet, nous avons l’honneur d’accueillir l’extrait d’une biographie consacrée à Louis de Funès, signée Sophie Adriansen, qui vient tout juste de sortir ! Cet extrait évoque quelques-unes des voitures de Louis de Funès à l'écran mais aussi à la ville. Le livre de Sophie Adriansen, intitulé Louis de Funès, Regardez-moi là, vous ! vient de paraître aux éditions Premium. Il paraît alors que le 27 janvier prochain sera commémorée le trentième anniversaire de la mort de l’acteur français, plus mythique que jamais. Je vous laisse maintenant apprécier cet extrait et la plume de Sophie Adriasen, que nous remercions chaleureusement.
« Si on connaît par cœur certaines répliques du Corniaud, on sait moins que son scénario est basé sur une histoire vraie. Gérard Oury et Marcel Jullian, son coscénariste, se sont en effet inspirés des déboires de Jacques Angelvin, animateur de l’émission de télévision Télé-Paris, arrêté à New York pour trafic d’héroïne après que la Buick de son ami François Saglia a été saisie : cinquante-deux kilos d’héroïne étaient cachés à l’intérieur du véhicule. Intimement persuadé de l’innocence d’Angelvin, Oury va imaginer que celui-ci aurait pu se laisser duper par son « ami »… Les traits sont grossis, et voici le naïf Maréchal et le perfide Saroyan ! L’intrigue sera d’ailleurs récompensée par le prix du meilleur scénario au Festival de Moscou de 1965.
Pour les amateurs d’effets spéciaux, le film est une aubaine. Il regorge de détails intéressants. Ainsi la scène - culte - de l’accident entre les voitures de Maréchal/Bourvil et de Saroyan/de Funès qui ouvre le film, tournée en décembre rue de la Montagne Sainte-Geneviève et place du Panthéon à Paris (C’est l’une des premières scènes du film, mais la dernière tournée par Gérard Oury), est basée sur une 2 CV équipée de quelque deux cent cinquante boulons électriques. Sa dislocation, sous l’impulsion de Bourvil tirant à deux reprises sur le volant, est spectaculaire. Et la remarque de Bourvil, « Elle va marcher beaucoup moins bien, forcément ! » l’est tout autant : c’est de l’improvisation, et du grand art, puisque cela fait rire de Funès, surpris. Heureusement, celui-ci a la présence d'esprit de baisser la tête. Son sourire passe inaperçu ; c’est dans la boîte !
Le tournage donnera lieu à d’autres improvisations remarquables, comme la scène de la douane de Menton. Et le film coûtera 530 millions de francs au lieu des 350 budgétés initialement.
Car un incident se produit dès le début du tournage en Italie. Le fils d’un assistant réalisateur, parti un soir faire une virée dans Rome avec la Jaguar de Saroyan, percute un poids lourd. Le jeune homme n’a qu’une jambe fracturée mais la voiture, elle, est hors d’usage. Or le véhicule est unique : il est truffé d’équipements réalisés sur mesure pour les besoins du film, et même sa couleur verte a été spécialement étudiée pour bien passer à l’écran. Oury fulmine. Il faut trois semaines pour recevoir un modèle de remplacement. Le réalisateur les occupe en tournant plusieurs scènes avec Bourvil et la Cadillac blanche… qui a failli être elle aussi inutilisable : une bitte d’amarrage a arrêté de justesse dans sa course le véhicule piloté par Bourvil. Le scénario le prévoyait ainsi, sauf que c’est pour de vrai que la Cadillac a manqué de se retrouver au fond du port de Naples !
Plus loin dans le film, l’attitude de Saroyan se tassant dans sa voiture à la pompe à essence pour ne pas être vu de Maréchal est prémonitoire : avec le retentissement que connaît Le Corniaud, Louis de Funès ne peut s’arrêter à la station service sans se voir contraint de signer autographe sur autographe. Et il n’aime guère cela, bien qu’il s’exécute chaque fois, ne voulant dire non à ses admirateurs.Il laisse donc Jeanne conduire pour mieux passer inaperçu… sans grand succès toutefois.
Afin de calmer de Funès, Oury a écrit pour lui de nouvelles scènes sans Bourvil. Deux ont trait aux voitures : celle du garage, où Saroyan joue les mécaniciens sur un air de Rossini, et celle où il participe un peu malgré lui à une campagne de prévention routière en Italie. Arrêté par une équipe de télévision, il se voit contraint de répondre aux questions d’une jolie journaliste - tout en se plaignant que la Cadillac qui le précède l’empêche d’avancer. Au volant de celle-ci, une Michèle Morgan dont Louis de Funès feint d’avoir oublié le nom, et à qui l’acteur demande un autographe… indéchiffrable. Cette rencontre d’anthologie entre de Funès et la compagne de son metteur en scène a hélas été coupée au montage.
La réussite du Corniaud retentit jusqu’à Hollywood. Le magazine Time voit en de Funès et Bourvil les Laurel et Hardy français. Des producteurs américains proposent à Oury et Dorfmann d’acheter les droits afin de tourner une version US de l’épopée de Saroyan et Maréchal. Mais s’ils ont le chéquier facile, les représentants d’Hollywood n’ont même pas pris le temps de visionner la version originale du Corniaud. Pour les Français, c’est rédhibitoire. Le Corniaud restera sans suite, ni remake.
Louis de Funès n’en a cependant pas terminé avec les voitures, qui tiennent une place importante dans nombre de ses films. La caméra suit ainsi une automobile dans les génériques de début du Grand Restaurant et d’Oscar. Une Impala décapotable, miraculeusement arrêtée dans sa chute par un pin parasol, au bord des falaises de Cassis (les plus hautes d’Europe), est au cœur de l’action de Sur un arbre perché. À son bord, Louis et Olivier de Funès ainsi qu’une charmante passagère, Géraldine Chaplin, la fille de l’idole éternelle de Louis. Ont précédé Monsieur Taxi, Taxi, roulotte et corrida dans lequel de Funès est chauffeur de taxi, La Belle Américaine, Nous irons à Deauville (par la nationale 13) et bien d’autres encore. Et quand il ne conduit pas, de Funès se fait conduire !
Pour subvenir aux besoins de son foyer, Louis de Funès a tourné dans quelques rares publicités. Et les voitures ne sont jamais loin. En 1955, une réclame pour l’apéritif Martini l’a fait pompiste maladroit en salopette, se retrouvant à trinquer avec un couple d’automobilistes à la station essence. On l’a aussi vu en pêcheur dans une publicité pour la Coccinelle de Volkswagen.
Louis de Funès a fait l’acquisition de sa première voiture – une 4 CV – en 1952 grâce à l’argent gagné en jouant sur scène Ah ! les belles bacchantes. Après le succès de Comme un cheveu sur la soupe (1957), il s’est offert une Citroën DS mauve. Bien plus tard, il s’offrira… les services d’un chauffeur.
Dans la vie, il ressemble davantage à Ludovic Lambersac, son personnage de Nous irons à Deauville, déclarant à Lucien Moreau/Michel Serrault : « J’ai mon permis depuis vingt-cinq ans, monsieur. », qu’à Ludovic Cruchot, le Gendarme de Saint-Tropez, à qui un automobiliste assure qu’il va « lui faire repasser son code à coups de pied dans les fesses ». En 1966, Louis reçoit la palme de platine de la Prévention routière pour avoir parcouru un million de kilomètres sans accident. »
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