Ce jour là, rien ne sera habituel. Se rendre à la journée de présentation de la 4Stroke Rumen ne peut pas être comparé à un essai traditionnel. L'auto, déjà, ne ressemble à rien d'existant. Ensuite, elle est unique et n'est qu'un prototype pas tout à fait abouti. Mais surtout Roumen Antonov qui la couve du regard n'est pas n'importe qui. Bulgare exilé en France depuis plus de 15 ans, cet homme là est un ingénieur touche à tout qui ne vit pas que de rêve puisque sa société d'étude et d'ingénierie en transmission brevette à tour de bras des systèmes imaginés par lui et ses équipes. Le retentissement de son procès à Toyota concernant le mode de transmission adopté sur la Prius 1 et le consensus qui lui accorde la paternité de ce dernier place le bonhomme au sommet de l'échelle des gens respectables. Tout du moins sur mon échelle personnelle. Le quotidien de Roumen Antonov, c'est négocier et signer des contrats avec les constructeurs chinois, présenter un système de compresseur au SEMA Show, imaginer de nouveaux systèmes mais malgré cela, l'homme qui a dépassé la soixantaine conserve encore une petite part d'enfance dans un coin de sa tête. Le tour de force, c'est qu'il parvient également à faire une place dans son agenda pour laisser s'exprimer ses rêves d'enfant.
De cette éternelle adolescence naît donc 4Stroke Design. Dans la Bulgarie dévastée d'après Guerre, Roumen qui dessine des autos depuis l'âge de 3 ans n'a que des engins des années 30 à se mettre sous la rétine. Il développe alors un amour pour la période glorieuse du « Streamline », âge d'or de la carrosserie française où des Figoni & Falaschi, des Saoutchik, des Pourtout, des Bugatti, des Andreau, des Paulin vont concevoir des autos que les artistes du verbe décrivent comme « sculptées par les alizés ».
La Rumen est la transcription formelle d'une passion qui est née voici plus de 50 ans.
Depuis quasiment toujours, Roumen travaille à ses heures perdues sur le dessin de « son auto ». La maquette qu'il réalisera va déclencher des réactions si positives qu'il se met en tête de présenter un modèle grandeur nature au Mondial de Paris 2002. Juste pour voir. La suite n'est que répétition. Son premier prototype de Rumen à moteur avant Honda provoque les mêmes réactions d'empathie immédiate que la maquette. Il faut donc franchir un pas de plus et Francfort 2005 est le cadre de la présentation du deuxième prototype nettement plus abouti et abritant une mécanique Smart positionnée cette fois ci à l'arrière. Si cela fonctionne une nouvelle fois, Roumen Antonov est prêt à signer les contrats de fourniture et de sous-traitance pour lancer la production. Banco, Francfort lui réserve un bel accueil mais c'est Smart au fond du trou qui va faire capoter la suite.
La remise en route du projet est un coup de chance qui prend la forme d'un trio: Citroën C1, Peugeot 107, Toyota Aygo. Le moteur d'origine japonaise qui équipe les 3 petites citadines est un 3 cylindres moderne de 68 cv dont la compacité n'a rien à envier à celui de feue la Smart Fortwo. En Mai 2006, Roumen reprend l'étude de fond en comble pour adapter cette mécanique à sa Rumen et dans un temps record, dont il est assez fier, il est prêt pour le Mondial de Paris 2006 qui se tient en Septembre. Rebelote, l'accueil est favorable et nous voici donc aujourd'hui sur le circuit de Mortefontaine pour prendre le volant du seul prototype existant.
A discuter avec les gars qui ont œuvré sur la Rumen, on comprend que cette journée est assez cruciale pour Roumen Antonov. Présenter un prototype n'est pas innocent. Il est à la croisée des chemins et il doit prendre la décision de lancer la production ou de stopper là l'aventure. On sent chez lui ce désir irrationnel de vouloir faire naître ce bébé dont la gestation touche à sa fin. Il y a de l'amour dans sa voix. Dans ses gestes aussi, notamment lorsqu'il s'écarte des personnes présentes pour aller discrètement s'installer à bord de sa Rumen et effectuer des « runs » histoire de mesurer empiriquement les accélérations de l'engin. Votre serviteur, seul observateur de ce moment, prend alors la mesure du lien qui unit le père à sa création.
Mais le business n'a que faire de sentiments et il faudra décider en fonction d'éléments concrets. La relative modestie de Roumen Antonov concernant la production envisagée est un signe rassurant de pragmatisme. Le but est de construire 20 exemplaires d'ici à la fin de l'année et 80 en 2008. 100 voitures au total. C'est le maximum qu'il estime pouvoir produire avec une structure réduite et avec lequel la rentabilité serait assurée. Plus d'exemplaires, cela obligerait à investir, à grossir et forcément à diminuer les chances de réussite.
Il pense détenir au moins 50 demandes à travers le monde. Objectivement, entre des promesses et des commandes réelles on doit pouvoir diviser le chiffre par 2. Il refuse toutefois d'enregistrer des bons de commandes tant que les contrats avec les fournisseurs ne seront pas dûment signés. Lucidité ou hésitation ? Les 2 certainement. Les hostilités devraient débuter en Avril/Mai.
A suivre ici.
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