En partenariat avec Futura Sciences, le rédacteur Boris Rouah de Tech&Co a réalisé un dossier complet et très intéressant sur la voiture du futur qui sera susceptible de respecter l'environnement. Comme le dit justement Boris, pour beaucoup d'automobilistes la voiture est devenue essentielle mais elle est également devenue un sujet de controverse. D'où les nombreuses interrogations actuelles : à quoi ressemblera la voiture de demain... ? La voiture de demain ne sera pas un bolide surpuissant se déplaçant à des vitesses vertigineuses mais elle alliera probablement confort, sécurité, écologie et conduite assistée. En France, le parc automobile représente plus de 36 millions de véhicules. Les Français et la voiture, une histoire d'amour qui durera toujours ! L'engagement des constructeurs automobiles dans le développement durable est tout aussi important à l'image des grands projets engagés par BMW qui lance la première voiture de série fonctionnant à l'hydrogène (la BMW Hydrogène 7). Voici le dossier de Boris Rouah et de Futura Sciences qui fait rimer voiture avec nature et futur :
1) Les nouveaux matériaux : plein pot sur les matériaux légers
Diminuer le poids des véhicules est devenu l'un des objectifs majeurs des constructeurs automobiles en vue de réduire la consommation en carburant. De nombreux matériaux légers tels que l'aluminium, le magnésium et certains plastiques sont de plus en plus souvent utilisés au côté de l'acier. Certains leaders de l'industrie de l'acier, comme Arcelor, ont mis au point des matériaux spéciaux permettant un allègement de 20 à 40% des aciers produits aujourd'hui. Notamment grâce à la métallurgie des poudres. Cette technique consiste à agglomérer des pièces par compression et à les fritter à haute température à partir de poudres métalliques pulvérisées. Son intérêt par rapport aux autres techniques de fonderie réside dans la simplicité de fabrication sans perte de matière, dans la possibilité de fabriquer des pièces poreuses et dans la capacité de réaliser des alliages semi-métalliques très difficiles à obtenir en métallurgie classique. Dans le domaine des alliages d'aluminium, Alcan nous prépare des matériaux susceptibles d'apporter des allègements plus importants que les aciers spéciaux tout en restant compétitifs. Aujourd'hui, ils sont en effet nettement trop chers et compliqués à travailler. Ils ne concernent donc pour l'instant que des voitures haut de gamme. Outre ces matériaux, de nombreuses recherches sont en cours sur le magnésium, 36% de fois plus léger que l'acier, et le polycarbonate dont l'objectif est de réduire le poids des surfaces vitrées de moitié (pare-brise, vitres). La fabrication de matériaux composite offre la possibilité de répondre à ces besoins de matériaux légers. Notamment à l'aide du moulage par transfert de résine qui consiste à injecter à basse pression une résine thermodurcissable à travers un renfort fibreux retenu dans un moule rigide et fermé.
Entretien avec le Dr. Carl Blais, Université Laval -Département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux, membre du réseau Auto21. Auto21 regroupe 230 chercheurs canadiens de 37 universités et 110 partenaires industriels et du gouvernement. Un budget annuel de 12 millions de dollars, (provenant du gouvernement fédéral et de l'industrie), finance des projets de recherche répartis dans les six thèmes autour de l'automobile.
- Quels sont les matériaux que l'on est susceptible de voir bientôt dans la composition de nos voitures ?
Carl Blais : Il ne fait aucun doute que la prochaine vague de matériaux à percer à grande échelle le marché automobile sera celle des matériaux composites (matrices organiques + renforts fibreux de type verre, carbone, aramide) et carbone/carbone. L'approche vise principalement à tirer profit des propriétés spécifiques (résistance/densité) de ces matériaux pour réduire le poids des véhicules et ainsi les rendre plus performant au niveau de la consommation d'essence. Parmi les principales parties d'un véhicule qui sont visées par un tel remplacement on retrouve: le châssis, le plancher, les freins et les pare-chocs. Il va sans dire que ces démarches s'appliquent aussi bien aux véhicules de randonnée qu'à ceux dédiés au transport en commun.
- L'utilisation de matériaux légers est-elle une nécessité aujourd'hui ?
Carl Blais : Les questions environnementales et sociales mettent de plus en plus de pression sur les fabricants d'automobile afin qu'ils réduisent les émissions de gaz à effet de serre, minimisation du smog urbain, etc. À ce titre, le poids des véhicules est l'une des principales caractéristiques affectant la quantité d'émissions. Dès lors, il est impératif de se tourner vers le poids des matériaux utilisés afin d'améliorer cette caractéristique des véhicules. De façon pratique, les matériaux composites permettent typiquement de conserver les propriétés mécaniques de l'acier tout en diminuant de 25% le poids d'un assemblage.
- Vous travaillez plus précisément sur la métallurgie de poudres ?
Carl Blais : Oui. Car les pièces en acier fabriquées grâce à des procédés de métallurgie des poudres « M/P » sont de plus en plus nombreuses, à cause des coûts de production réduits permis par cette technologie. Mais son utilisation a tendance à se limiter aux éléments non structuraux du moteur. Pour étendre la gamme de pièces pouvant bénéficier de cette technologie, les chercheurs étudient des façons d'accroître les propriétés mécaniques statiques et dynamiques des éléments ferreux M/P fabriqués par pressage axial et frittage au four. Les chercheurs concentrent leurs efforts sur la mise au point de nouveaux alliages ferreux M/P (des poudres M/P faiblement alliées) pour améliorer les propriétés mécaniques, particulièrement la résistance à la fatigue. Cela inclut des nouveaux aciers M/P atomisés à l'eau, combinés avec des éléments d'alliage ajoutés, afin d'optimiser la formulation chimique ultime pour améliorer les propriétés mécaniques, tout en minimisant la diminution de compressibilité découlant de la présence de ces éléments d'alliage. Dans des laboratoires et des installations industrielles, des échantillons normaux de poudres et de pièces M/P basées sur les nouvelles formulations ainsi perfectionnées seront fabriqués, pour s'assurer que les poudres choisies conviennent à des opérations de compression et de manutention industrielle. Le projet étudie aussi les composantes M/P à base d'aluminium, car elles peuvent aider à réduire le poids des véhicules. Les matériaux conventionnels à base d'aluminium ne sont pas encore utilisés d'une manière généralisée dans la production de masse d'éléments structuraux pour les moteurs, pour lesquels un contrôle dimensionnel serré est obligatoire. On peut toutefois éviter ce scénario en faisant appel aux capacités de forgeage qu'offre la métallurgie des poudres d'aluminium. La croissance des technologies basées sur la M/P a été retardée par le fait qu'à l'heure actuelle, on ne peut obtenir commercialement que deux alliages d'aluminium M/P pour le pressage et le frittage. La gamme correspondante de propriétés physiques et mécaniques est limitée et, par conséquent, les utilisations possibles sont peu nombreuses. Les chercheurs affiliés au projet ont l'intention de surmonter cet obstacle et de mettre au point de nouveaux alliages d'aluminium M/P basés sur les systèmes Al-Si, Al-Cu et Al-Fe. On va explorer d'autres alternatives pour développer des matériaux à la fois innovateurs et technologiquement évolués. Les alliages qui auront fait leurs preuves en laboratoire serviront à la fabrication de prototypes et seront soumis à des évaluations sur un banc d'essai spécial.
- Pourquoi l'acier est-il encore le matériau le plus utilisé par l'industrie automobile ?
Carl Blais : Les coûts. En effet, la disponibilité des aciers par rapport aux matériaux composites est d'environ 500 pour 1. De plus, la connaissance du matériau, le savoir faire qui lui est associé, la confiance des ingénieurs dans son utilisation sont autant de paramètres qui font nettement pencher la balance vers l'utilisation des aciers. Qui plus est, le monde de l'acier n'est pas assis les bras croisés à regarder le marché des matériaux composites lui ravir d'importantes parts de marché. En effet, les dernières années ont vu apparaître de nouveaux types d'acier tels les aciers micro-alliés, les aciers TRIP et TWIP qui présentent des propriétés mécaniques nettement améliorées. Ces derniers permettent ainsi de diminuer les poids des structures sans avoir à changer les chaînes de fabrication et de montage. En résumé, les aciers sont peu coûteux, sont facilement disponibles et leurs propriétés de même que leurs méthodes de mise en œuvre sont très bien connues.
2) L'environnement
Devant la flambée du prix du pétrole et les problèmes de réchauffement de la planète liés à l'émission de CO2, les constructeurs automobiles doivent aujourd'hui réfléchir à des carburants alternatifs. L'hybridation, qui consiste à combiner deux énergies pour assurer la propulsion du véhicule, semble être à moyen et à long terme la technologie la plus aboutie pour faire des économies de carburants. Mais la véritable technologie d'avenir réside dans la pile à combustible dont le fonctionnement se fait par l'empilement de cellules (hydrogène et oxygène en eau) produisant de l'électricité. Dans le cadre de son programme "Project Driveway", General Motors a par ailleurs décidé d'accélérer le rythme de développement de voitures de piles à combustible et annoncé la construction de 100 automobiles qui seront testées courant 2007. Un nouveau système vient aussi d'être imaginé par une compagnie israélienne (Engineuity) et qui permet de produire un flux continu d'hydrogène et de vapeur sous pression à l'intérieur d'une voiture, à partir de métaux légers tels que le magnésium ou l'aluminium. Un premier prototype devrait voir le jour d'ici trois ans.
Interview de Patrick Corroller, chef du département technologie des transports à l'ADEME (Agence de Maîtrise de l'Energie)
- Quelle est la part de responsabilité des transports automobiles pour les émissions de polluants et de gaz à effet de serre ?
Patrick Corroler : Elle est importante. Le secteur des transports est fortement responsable de l'accroissement de la consommation d'énergie en France, des émissions de polluants et de gaz à effet de serre. La part du secteur est aujourd'hui de 29 %, contre seulement 13% en 1960 et l'on observe un quasi doublement de sa consommation depuis 1973. En ce qui concerne les émissions de polluants la contribution des transports est forte. Pratiquement 37% des rejets de monoxyde de carbone et 54% des émissions d'oxydes d'azote. On peut d'ailleurs souligner que pour son fonctionnement, le secteur des transports est dépendant à 96% des produits pétroliers. Ce qui constitue un facteur important de vulnérabilité et explique la forte contribution du secteur aux émissions de polluants issus de la combustion de produits pétroliers. Mais ceci est également vrai pour les émissions de gaz à effet de serre. Le secteur des transports est le premier émetteur de gaz carbonique. Là encore, la route est le principal mode incriminé. Des progrès techniques, conjugués à une réglementation de plus en plus restrictive ont pourtant permis de rendre les véhicules moins consommateurs et moins polluants. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut apprendre à transporter mieux et transporter moins. Conduire en engageant rapidement le rapport de vitesses le plus élevé possible.
- Les évolutions techniques et l'arrivée des nouveaux carburants peuvent-ils résoudre ce phénomène ?
Patrick Corroler : La venue de tous ces nouveaux carburants est sans aucun doute la solution pour enrayer ce phénomène. Certains pays l'ont compris depuis longtemps à l'image du Brésil qui roule à l'éthanol depuis des années. D'autres formes de carburants comme l'hydrogène et la pile à combustion semblent aussi être une bonne alternative même si certains obstacles techniques rendent pour l'instant son utilisation difficile. Quoiqu'il en soit, les questions de l'effet de serre et de la disponibilité des ressources pétrolière demeurent incontournables, et imposent de réfléchir à des sources d'énergie complémentaires à l'essence et au gazole pour les voitures. Mais ce changement va se faire progressivement. Les constructeurs vont continuer à réduire la consommation des véhicules thermiques, en jouant sur tous les leviers technologiques, notamment la carte de l'hybridation. Tout cela en poursuivant une recherche active sur les solutions de rupture, comme la pile à combustible. Quant aux carburants fossiles, ils évolueront et laisseront davantage de place aux biocarburants et carburants de synthèse issus de la biomasse. L'Europe aussi est consciente de la nécessité de contenir l'effet de serre. C'est pourquoi elle a fixé une échéance en demandant aux Etats membres que, en 2020, 20% des carburants consommés dans les transports terrestres soient des carburants de substitution.
- Un changement passe-t-il d'abord par une prise de conscience des conducteurs et de leur comportement sur la route ?
Patrick Corroler : C'est essentiel. Le gouvernement en a d'ailleurs pris conscience puisque les principes de l'écoconduite vont être généralisés dans la formation des conducteurs. De nombreux pays européens comme l'Allemagne le Portugal ou l'Espagne ont déjà mis en place cette formation. Les règles d'or de ce programme sont simples. Conduire en engageant rapidement le rapport de vitesses le plus élevé possible. Maintenir une vitesse constante en utilisant le rapport de vitesses le plus élevé. Adopter une conduite fluide, éviter les freinages et les changements de rapports inutiles. Après une évaluation des conducteurs, on a par ailleurs observé une diminution de la consommation d'énergie d'environ 15%.
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