24h du Mans 2023 : le centenaire, et la victoire de Ferrari, vécus du côté du public
La victoire de la Scuderia est historique dans une édition qui l'est tout autant. Nous l'avons suivie en compagnie de quelques-uns des 300 000 spectateurs du circuit de la Sarthe : ceux qui ont pris un ticket minimaliste pour y accéder. cantonnés derrière les grilles, sans accès ni aux tribunes ou aux terrasses VIP. Pour autant, ils sont repartis heureux après leur week-end manceau.
Il y a ceux qui ont applaudi la victoire de la Ferrari N°51 depuis les terrasses, une coupette de champagne à la main. Il y a ceux des tribunes aussi, assis sur leur chaise avec vue. Et puis il y a tous ceux qui se sont installés ou ils ont pu, derrière les grilles, aux virages Dunlop, à Arnage ou Mulsanne. Comme Florent, ses copains et son père aussi. Ils entr'aperçoivent les voitures au passage des premiers virages après la ligne droite des stands. S'ils sont ici, c'est pour le spectacle. Celui de l'automobile, bien sûr, mais aussi pour la grande fête, les animations, les concerts, et la légende du Mans.
Moins cher qu’un « festoche »
Déçus ? Pas le moins du monde. Pour eux c’est une première. « C’est moins cher qu’un festoche, en plus ». Ce sont les festivals de musique que Florent évoque. Des évènements, qui, à l’instar du Hellfest, coûtent 99 euros le week-end. Eux n’en ont payé que 41 pour assister aux 24h, grâce au tarif étudiant. Plus loin, Thomas, Nathanaël et leurs deux amis ont payé 75 euros chacun, grâce au greenpass. « Un tarif réservé au covoiturage et aux voitures électriques ». Ils ont tous entre 20 et 30 ans, sont étudiants ou entament leur premier job. Et pas question de prendre une place en tribune, « C’est 240 balles quand même », ou mieux encore, en « hospitality », avec les fameuses coupes en terrasse qui peuvent culminer à 2 370 euros, « on dirait les tarifs des JO 2024 » s’amuse Florian avide de comparaisons.
Mais parmi, les quelque 300 000 spectateurs de ce centenaire, dont un tiers n’a pas accès aux tribunes ou aux espaces VIP, il n’y a pas que des jeunes. Jean-Michel a 72 ans, et ne raterait pour rien au monde les 24h, auxquels il assiste depuis 25 ans « alors, le centenaire vous pensez bien que je ne risquais pas de passer à côté». Lui aussi se retrouve derrière les grilles près de la passerelle Dunlop. Mais en vieux briscard de la boucle, il est organisé. «chaise pliante, sac à dos, mini-glacière et cap de pluie ». Il est équipé pour parer les grains annoncés, et qui ne vont pas tarder à tomber sur la Sarthe ce samedi, en chamboulant la course à coups de tours enchaînés au ralenti derrière le safety car.
Arriver tôt et ne plus bouger
Jean-Michel est bien placé avec une vue plongeante sur les premiers virages et les stands. Mais il a son secret : «il faut arriver dès 8 heures du matin le samedi et ne plus bouger ». Autour de lui, d’autres habitués en font autant. En attendant la parade et le warm-up, ils jouent aux cartes, et quand l’un ou l’autre souhaite se rendre aux toilettes ou acheter un sandwich, ils s’organisent en relais, comme les pilotes de course.
Mais l’heure du départ approche. Sur la grille, Carlos Tavares, de retour au Mans avec les Peugeot 9x8, et Luca de Meo avec ses Alpine glissent quelques mots au micro. Leurs speechs, retransmis sur les écrans géants autour du circuit, ne provoquent pas la moindre réaction des spectateurs, malgré les applaudissements demandés par le speaker. Mais soudain, alors que les deux boss de l'auto française quittent la grille de départ, le commentateur sort un téléphone de sa poche. Un cameraman le filme. Henri Pescarolo, absent de la fête pour des raisons de santé apparaît en facetime. L’image, brouillée, est également retransmise sur tous les écrans géants. Les centaines de milliers de spectateurs font une ovation à « Pesca ».
Le pilote dont le nom est intimement associé au Mans, l’homme aux quatre victoires et aux 33 participations est longuement applaudi. Ici on préfère les héros aux économistes, même si les premiers peuvent difficilement réaliser leurs exploits sans les seconds.
Mais il est 16h ce samedi. La patrouille de France a survolé le circuit et rentre à la base. Le basketteur Lebron James a donné le départ et s’en va très vite rejoindre son jet. Les autos s’élancent. Pendant une heure et demie, les tours s’enchaînent, sous une chaleur écrasante. « fait lourd, ça va péter, c’est sûr » averti ce spectateur – météorologue amateur sur son pliant. "Je comprends pas qu’ils ne passent pas en pneus pluie ».
Vingt minutes plus tard, c’est le déluge. Une dizaine de voitures tentent des figures de patinage artistique en pneus slick et le duo drapeau – safety car entre en piste. Mais la pluie et les voitures au ralenti ne parviennent pas à faire renoncer les spectateurs jusque tard dans la soirée, pourtant perturbée par plusieurs tours à petite allure.
Pourtant, il manque quelque chose dans la nuit sarthoise. Les Anglais y sont moins nombreux que lors des éditions précédentes. Dans les rangs, et sur les pliants, on accuse le Brexit, la crise et les conséquences de la guerre en Ukraine. Mais quelques sujets britanniques ont néanmoins franchi le Channel pour faire perdurer la tradition. On les retrouve en tribune, couverte s’il vous plaît, à 240 euros, et sur les parkings de Beauséjour, ou de l’hippodrome, à 79 euros la place.
Sur ces parkings, ils perpétuent une autre tradition mancelle : le camping sommaire mêlé aux voitures de luxe. C’est ainsi que les Aston Martin, Porsche ou Lotus, cotoient les tentes Quechua, ou dorment leurs propriétaires pour des nuits forcément courtes. Jimmy, lui, ne s’en plaint pas. En revanche, il a un gros grief : « il y a une marque danoise qui a un quasi monopole sur la bière. C’est insupportable ». Mais il va finir par en trouver une, bien française qui a ses faveurs et il peut s’en retourner suivre les dernières heures de la course, plutôt haletante.
Ferrari, retour gagnant
Une course qui s'est jouée moins de deux heures avant sa fin avec un écart qui, après avoir frôlé les 14 secondes, s'est allongé à 1,30 minutes à la fin de 24h de duel. Une paille 341 tours de piste. Une victoire dont Jean-Michel a été une victime collatéral. Ses copains, un peu plus jeunes que lui, le raillent en lui demandant de raconter la dernière victoire de la Scuderia ... il y a 50 ans. "J'y étais même pas". Mais il leur jure de revenir pour celle de l'année prochaine. Avec son pliant, évidemment.
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