Weegee et sa voiture : la photomobile du photojournaliste
A l’occasion de l’expo qui lui est consacrée à Paris, retour sur un drôle de zig. Car Weegee était à la fois paparazzi et artiste. Pour lui, sa voiture était un prolongement de lui-même et de son œuvre photographique.
Il est admiré de tous. Des paparazzis qu’il a inspirés, des photojournalistes qui l’ont salué, et des artistes qui l’ont reconnu. Pourtant, Weegee, Usher Fellig de son vrai nom, se prétendait juste photographe. Ou plutôt, il se voulait témoin du sordide, celui du New York des années 30 et 40. Durant ces décennies-là, il a écumé les rues de la grosse pomme pour en immortaliser le pire. Les macs, les prostituées, les délabrés, les accidentés et les gangsters arrêtés. Ses images, il les vendait ensuite à la presse américaine qui en raffolait.
Mais comment Weegee parvenait-il à être présent au bon moment pour capturer ces instants ? Grâce à sa voiture, et au poste radio qui captait la fréquence de la police à une époque ou ce type de procédé n’était pas interdit, car on n’avait même pas pensé à l’interdire.
Il choisit une Chevy en raison de la taille de son coffre
Cette voiture ainsi équipée était un coupé Chevrolet de 1938. Pourquoi un tel équipage ? Il l’explique dans son autobiographie Weegee by Weegee parue en 1961. « La Chevy était un modèle à deux places seulement, mais elle avait un coffre immense ». Une malle magique. « J’y gardais toutes mes affaires, un appareil photo de secours, des réserves d’ampoules de flash, des pellicules d’avance, des bottes de pêcheur, des boîtes de cigare et du salami. »
Dans sa drôle de Chevy, chaque nuit à partir de minuit, il sillonnait les rues de New York, « la radio de la police en intraveineuse". Puis, ses instantanés dans la boîte, il allait les développer dans le coffre de sa voiture qui disposait aussi d’une machine à écrire pour légender les tirages. À l’aube, il faisait la tournée des rédactions pour leur vendre sa moisson nocturne.
Weegee était donc juste un besogneux de plus, un type présent au bon moment ? Sauf que ses images n’illustrent pas simplement un fait divers, une fête décadente ou un accident tragique, elles racontent leur époque, et la résument, en une seule photo. Et le monde de l’art allait rapidement s’en rendre compte. Dès 1943, celui qui a inspiré les paparazzis sera exposé au Moma, le musée d’art moderne de sa ville préférée.
Petit à petit, le petit émigré d’Ukraine va alors partir vers d’autres horizons, vers des images de vraies stars, à la vie plus heureuse que celle des bas-fonds. Mais il ne peut s’empêcher de déformer les photos de Marylin Monroe ou de John Fitzgerald Kennedy. On ne se refait pas et la noirceur comme la dérision et la critique de la société reviennent toujours au galop. La Chevy quant à elle, restera au garage. Quant à Weegee, il nous a quittés en 1968. La fondation Henri Cartier Bresson à Paris, lui rend hommage jusqu’au 19 mai prochain
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