Voiture électrique : c’est parti, mais vers où ?
L'électrique est parti vers un futur meilleur, proclament ses artisans et partisans. Droit dans le mur, alertent des Cassandre. Plus la voiture électrique avance, moins je vois où elle va ; plus j’en apprends, plus j’ai des doutes.
Mettez-moi face à un des adorateurs de la voiture électrique et je lui démontre qu’elle n’est pas l’avenir de la mobilité et pourrait même devenir un nouveau scandale écologique. Qu’on me présente un de ses détracteurs et j’argumente sur ses innombrables vertus.
Je suis capable de m’engueuler avec l’un comme avec l’autre puis de prier pour qu’ils ne s’en parlent jamais.
Tout et son contraire et inversement, je ne sais plus que penser.
Pourtant, la documentation ne manque pas. Sur la réduction des émissions de C02, la pollution en ville, les capacités de production d’électricité, le recyclage des batteries, j’ai lu des méga-octets d’études bien documentées, toutes plus contradictoires les unes que les autres, qui font tanguer mon opinion comme un bateau ivre.
L’électrique émet moins de C02. Mais moins que quoi ?
Sur le C02, c’est à peu près clair : le bilan carbone d’une électrique est, d’après les études les plus récentes, meilleur que celui d’une thermique.
D’après l’ONG Transports & Environnement, même dans le pire des cas possibles, c’est-à-dire des batteries produites en Chine avec une énergie ultra-carbonée puis des recharges sur les centrales à charbon polonaises, la première émet, sur son cycle de vie, 22 % de C02 de moins que la seconde.
Dans le meilleur des cas - batterie made in Europe et recharge à base d’électricité nucléaire et renouvelable comme en France - le gain grimpe à 82 % selon T&E. Et même à 90 % selon l’Ademe.
Le fait est que plus une électrique parcourt de kilomètres, meilleur est son bilan C02, à l’exact inverse d’une thermique.
On peut légitimement se demander pour qui roulent l’ONG et l’agence gouvernementale française mais cette question nous emmènerait trop loin.
Je préfère en poser une autre : la voiture électrique émet moins de C02 certes, mais moins que quoi ? Que la pure thermique qui boit ses 7,5 l/100 km de super ou ses 6 l de gazole ?
Et si on la comparait plutôt aux récentes hybrides Renault Clio, Honda Jazz ou Toyota Yaris qui se contentent de 3 l/100 sur route et guère plus de 4,5 l en ville, soit déjà 30 à 40 % de C02 de moins qu’une pure thermique.
Ou encore à une voiture essence nourrie à l’éthanol ? L’Ademe assure qu’en carburant à l’E85, on émet 42 % de CO2 en moins qu’avec du E10.
Allons un cran plus loin : quel serait le gain en alimentant ces très sobres hybrides à l’E85 ? 65 %, répondent les mathématiques.
En clair, dans la plupart des pays qui n’ont pas notre électricité décarbonée grâce au nucléaire et aux barrages, une hybride carburant à l’éthanol aurait un bilan CO2 équivalent à celui d’une électrique, voire un peu meilleur.
Et en attendant qu’on le produise à partir de déchets, cet agro-carburant ne nous retirerait pas le pain de la bouche : en France, on lui consacre à peine 2 % des surfaces agricoles, contre 70 % pour la seule alimentation animale. La consommation de viande, notamment bovine, étant un des plus forts émetteurs de gaz à effets de serre (CO2 et méthane) à l’échelle mondiale, je vous laisse tirer vos conclusions.
L’électrique pollue moins en ville, mais est-ce ce qu’on lui demande ?
Un moteur électrique ça n’émet rien, on est d’accord. Pas même les redoutables poussières de frein, grâce à son freinage régénératif.
Certes, les diesels et essence ont énormément progressé, mais leur dépollution à froid reste imparfaite et la fiabilité dans le temps des systèmes pas du tout assurée.
La cause est entendue : la voiture électrique, c’est bon pour la santé. Sauf que sa raison d’être, sa mission n’est pas d’assainir l’air des villes. Pour cela, bannir le diesel et généraliser GNV, GPL et hybride suffirait largement, avec bien moins de tracas et d’investissements, sans mettre en péril notre économie et nos emplois.
Le job de la watture, ce qui justifie la révolution industrielle en cours et les gros sacrifices à venir, c’est de réduire les émissions mondiales de C02, point barre.
Or, ce n’est pas dans Paris, Lille, Toulouse ou Grenoble que ça se passe. Les gros kilométrages ne sont pas effectués dans les zones urbaines polluées, mais en lointaine périphérie et plus encore en rase campagne. C’est loin des centres-villes, chez les ruraux et péri-urbains, ceux qui abattent 100 km et plus par jour, que l’électrification du parc aurait le plus fort impact sur les émissions de C02. Pas chez les citadins ou banlieusards à coup de 10 ou 15 km/jour, et le plus souvent 5 ou 10… Faire tourner une électrique en ville, c’est un pur gâchis environnemental.
Si l’on raisonne en coût de la tonne de C02 économisé, c’est encore plus net. Quand le villageois ou le banlieusard installe sa petite wall box à 900 € dans son garage sans rien demander à personne hormis un minuscule crédit d’impôt, l’Etat et les collectivités devront investir des milliards dans les villes pour le développement d’un réseau de recharge en voirie et le remodelage afférent des réseaux d’électricité urbains ? Car on ne pose pas une borne de 11 ou 22 kW en se repiquant sur un lampadaire. Et combien coûteront les innombrables prises 7 kW à installer dans les parkings des copropriétés ?
Un ami vient de s’en offrir une pour sa Zoé : entre le raccordement à son compteur, les démarches et l’achat, sa borne lui a coûté plus cher que le double vitrage de son salon… qui a été reporté à l’an prochain.
La comparaison n’est pas idiote. Ces milliards ne seraient-ils pas plus utilement consacrés à la rénovation énergétique de nos logements et bâtiments publics ?
Faudra-t-il construire plus de centrales électriques ?
On m’assure que non, et je veux bien le croire. Je lis même que grâce au réseau électrique intelligent, le fameux smart grid, les voitures électriques permettront de diminuer la production d’électricité. Par quel miracle ? En alimentant aux heures de pointe le réseau électrique, ce qui permettra d’éviter de démarrer des centrales à gaz ou à charbon, voire de les construire.
Car l’heure à laquelle on branche son auto est aussi celle à laquelle on allume les radiateurs, le four, la télévision… Le fameux pic de consommation vespéral qui dimensionne la capacité du réseau serait ainsi lissé par la charge résiduelle de nos autos. C’est qu’avec 400 km d’autonomie et bientôt plus, nous brancherons des batteries encore pleines à 50 ou 70 %.
Et la recharge ? Elle s’effectuera plus tard dans la nuit, quand la consommation s’effondre, en consommant une électricité devenue excédentaire – car on n’arrête pas les réacteurs nucléaires - et par conséquent bien moins chère.
Vous aurez noté l’emploi du futur. Cela fait une douzaine d’années que je l’emploie dans mes articles et hormis une expérimentation de Renault aux Pays-Bas ou une autre de Nissan au Japon, je ne vois toujours rien venir.
Surtout, si j’imagine bien comment deux ou trois millions de voitures électriques sauraient lisser pointes et creux de consommation, je ne vois pas comment en recharger 20 ou 30 millions sans un recours accru au nucléaire. Grâce aux énergies renouvelables ? La nuit, le vent tombe et le soleil est couché.
Recycler les batteries ne sera pas un problème. Si on les recycle…
Techniquement, recycler les batteries ne poserait aucune difficulté et les filières se préparent. Sans grande hâte car elles sont encore rares et avant d’être recyclées, une fois retirées des voitures quand elles n’offrent plus que 65 ou 70 % de capacité, soit après 8 à 12 ans, il ne sera pas encore temps de les broyer. Elles seront réemployées en packs pour stocker l’électricité non consommée des parcs solaires ou éoliens ou en remplacement des générateurs de secours des hôpitaux, centres informatiques, etc.
Ensuite seulement, donc dans de nombreuses années, elles seraient recyclées afin d’en récupérer le lithium et quelques métaux rares. Voilà pour la théorie. Aujourd’hui, le lithium extrait des salars de Bolivie ou des mines de Chine revient beaucoup moins cher que celui que l’on recyclerait des batteries. Et demain ? Puisque ce métal pas si rare se trouve un peu partout à la surface du globe et que l’on en découvre de nouveaux gisements chaque mois, y aura-t-il un intérêt économique à ce recyclage ? Les batteries de 2040 seront-elles encore à base de lithium ? Si la révolution hydrogène est au rendez-vous, nos voitures s’encombreront-elles encore de ces pesants accus ?
Si la réponse est non, il en ira de ces batteries comme de nos mégatonnes de déchets électroniques qui débordent des décharges spécialisées sans jamais être recyclés et finissent par polluer les sols et les nappes phréatiques.
Du lithium dans l’eau du robinet ?
Notez que ce produit a un effet apaisant sur les délires maniaques comme celui qui me guette à chaque fois que l’on me parle de voiture électrique.
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