Voici 50 ans, la Porsche 911 Turbo révolutionnait le monde des sportives
Présentée publiquement en octobre 1974, la 911 Turbo, ou 930, introduisait la suralimentation dans l’univers des GT. Avec elle, Porsche entrait dans une nouvelle dimension, devenant rival des Ferrari et Lamborghini à moteur V12 avec de très bons arguments. Nous avons aussi pu conduire un exemplaire de 1975. Attention, voiture de fou !
Cela a lieu voici presque exactement 50 ans. Le 3 octobre 1974, Porsche révèle au Salon de Paris sa 911 Turbo. Si la Citroën CX, présentée en même temps, accapare l’attention, la sportive allemande ne passe pas inaperçue ne serait-ce que par sa ligne hypertrophiée. Elle récupère en effet les ailes larges du concept Turbo RSR révélé un an auparavant, et se pare d’un spectaculaire aileron arrière. Quel look !
Sous le capot arrière, c’est la stupéfaction. Le fameux flat-six refroidi par air, qui s’en tenait à 2,0 l et 130 ch dans la 901 initiale de 1963, passe ici à 3,0 l pour… 260 ch. En un peu plus de dix ans, le moteur a doublé sa puissance, et encore, on ne parle que de sa version de série. Sachant que la 911 Turbo, dénommée 930 en interne, ne pèse que 1 140 kg, on devine ses performances fumantes ! Si la vitesse maxi de 260 km/h, exceptionnelle alors, n’effraie pas les supercars italiennes, les Ferrari 365 GT4 BB et Lamborghini Countach, annoncées à près de 300 km/h, les accélérations de la Porsche peuvent lui donner des sueurs froides : 0 à 100 km/h en 5,5 s, 1 000 m DA en 24,7 s. Même aujourd’hui, ça marche très fort.
Le turbo, Porsche ne l’a pas inventé ni même été le premier à le commercialiser en série. Ce privilège revient à l’Oldsmobile 215 Jetfire en 1962, très rapidement suivie de la Chevrolet Corvair Turbo, dotée d’un flat-six refroidi par air… Ou l'inverse. En Europe, la BMW 2002 Turbo a damé le pion à Porsche, mais l’impact de cette dernière est incomparable. Par son look (voies élargies de 7 cm à l’avant et 11 cm à l’arrière) qui lui confèrent une allure incroyable. Et, évidemment, ses performances. Le comportement routier n’est pas oublié : toute la suspension est revue, bénéficiant d’éléments en aluminium à l’arrière, les disques sont ventilés et perforés, les amortisseurs Bilstein sont spécifiques, les jantes de 15 s’élargissent…
La 911 Turbo n’est pourtant pas paramétrée comme une sportive pure et dure. Au contraire, il s’agit d’une GT au long cours, voulue chic, confortable, bien équipée (vitres électriques) et facile au quotidien. En effet, elle conserve toute la praticité de la 911, compacte, relativement logeable et dotée d’une bonne visibilité. Tout le contraire des supercars italiennes. Initialement pensée comme une série limitée, la 930 se voit pérennisée en raison de son énorme succès. Et ce, malgré la crise pétrolière ! Facturée 163 000 F en 1975, lors de sa commercialisation (soit 131 000 € actuels selon l’Insee), elle reste bien moins chère que la Ferrari BB (210 000 F), voire la Lamborghini Countach (215 000 F).
Toutefois, la Porsche se contente d’une boîte 4 renforcée (l’unité à 5 rapports de la 911 Carrera ne passe pas le couple) et se passe de différentiel à glissement limité. N’empêche ! C’est elle qui donne ses lettres de noblesse au turbo et qui renforce l’image de Porsche. Par la suite, la 930 va relativement peu évoluer. Elle passe à 3,3 l et 300 ch pour 1978 mais attend 1987 pour se décliner en cabriolet et en Targa. Pour 1989, elle gagne une boîte 5 de type G50, juste avant sa disparition. Elle aura été produite à plus de 21 000 unités.
Depuis, Porsche a fait ses choux gras de l’appellation Turbo, allant jusqu’à la décorréler de la technologie qu’elle désigne. Ne retenant que ce qu’elle connote (puissance hors normes, image d’exception), le constructeur l’applique sans vergogne sur ses modèles électriques, les Taycan et Macan… Paradoxalement, plus aucune marque ne dénomme « Turbo » ses modèles, alors que presque tous bénéficient de cette soufflante miraculeuse.
J’ai eu l’occasion de conduire une Porsche 911 Turbo du Musée Porsche. Un exemplaire de 1975 initialement immatriculé en France ! Je ne suis pas spécialement fan de la 911 (oui, je sais…) mais je craque complètement devant l’allure de cette 930 verte immaculée ! A l’intérieur, je trouve assez facilement mes marques, la position de conduite bien étudiée se doublant d’une visibilité parfaite.
On est plutôt bien installé dans le siège intégral. Surprise, au démarrage, le moteur reste plutôt silencieux. Je m’élance, la direction se révèle un peu ferme mais précise et la commande de boîte… floue. Si le flat-six est souple, il n’a initialement, croyez-le ou non, aucune vigueur ! Sur route, à 90 km/h en 4e, on accélère et il ne se passe rien. On se fait déposer par la première Clio venue…
En réalité, le turbo ne commence à se manifester que vers 3 750 tr/min, et souffle à plein à 4 000 tr/min. Là, c’est la folie. Vous rappelez le Faucon Millénium quand il passe en hyper-espace dans Star Wars ? Eh bien, il se passe la même chose sur route ! La Porsche administre un sacré coup de pied aux fesses et vous colle au siège de façon surréaliste, cependant que la route se met à défiler à une vitesse inquiétante. Boudiou ! Le fabuleux moteur se révèle alors, et ne cesse sa fabuleuse démonstration de force qu’à 6 800 tr/min. Incroyable, inouï, les superlatifs manquent pour décrire ce qu’il se passe. J’ai conduit bien des sportives d’exception, mais peu m’ont prodigué de telles sensations.
Dr Jekyll et Mr. Hyde ? C’est un cliché, mais cela va bien à la 930. Le comportement routier suit tout à fait, grâce à une direction précise, un amortissement impeccable et des trains roulants rigoureux. Cependant, il faut se méfier de la Porsche. Déjà, son moteur ne cesse pas totalement de pousser quand on relâche l’accélérateur. Inquiétant. Ensuite, en virage, l’arrivée de la puissance peut rendre l'auto délicate. Si on n’y prend garde, elle peut vous envoyer dans le décor pour peu que le turbo souffle fort quand on est en appui. En clair, on aborde les virages avec un peu de frein pour caler l’avant, on s’arrange pour conserver un certain régime afin d'avoir de la puissance en sortie tout en s’assurant que le moteur ait fini de pousser, mais surtout, on n’accélère que roues droites !
Et sur le mouillé… on roule sur des œufs : bien des propriétaires se sont retrouvés en tête à queue pour avoir accéléré même modérément en ligne droite en passant les 4 000 tr/min. En usage courant, et c’est paradoxal, une 911 SC se montrera plus rapide que la Turbo car elle réagit immédiatement. Elle sera plus progressive et prévisible aussi. Mais sur autobahn, la 930 constitue une sorte d’arme absolue des Seventies. Inoubliable !
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