Un choc n'est pas deux fois moins violent à 80 km/h qu'à 90 km/h
C’est un fait acquis : au 1er juillet de cette année, il faudra réduire de 10 km/h son allure sur les routes secondaires en France, si l’on ne tient pas à dépasser la vitesse maximale qui y sera autorisée. Concrètement, il faudra se caler à 80 km/h au lieu de 90. Sinon, ce sera l’excès de vitesse qu’une voiture radar privée, à la légalité qui pose question jusque dans les couloirs du ministère de l’Intérieur, pourra vous relever. Une baisse de rythme hautement impopulaire si l’on en juge par un récent sondage. Alors, pour changer l’opinion, on a décidé de la manipuler.
Une étude menée par l'assureur Axa en avril a révélé que 76 % des Français étaient opposés à la réduction de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires. Une réforme qui sera effective dès le 1er juillet prochain et que le gouvernement met à la hauteur des grands changements du Code de la Route faits dans le temps. Ainsi, l'obligation de porter la ceinture de sécurité, en 1973, la baisse du taux d'alcoolémie en 1983, ou encore la limitation de 50 km/h en ville, en 1990.
Un rappel qui est d’ailleurs le contenu d’un spot publicitaire qui fait partie d’une campagne de communication sur le sujet des 80 km/h. Car il s’agit de convaincre une opinion plus que dubitative. Dont acte, mais là où le bât blesse, c’est lorsque la communication devient manipulation et propagande. On connaît la recette de cette mauvaise potion : mélanger des ingrédients pour servir un argumentaire spécieux mais tellement savant et culpabilisant qu’il a le don de persuader.
C’est exactement le cas de ce message qui affirme qu'un choc serait deux fois moins violent à 80 km/h qu'à 90 km/h. Reprenez vos livres de physique et votre règle de calcul, et vous découvrirez que c’est faux : la violence d'un choc est directement liée à l'énergie cinétique à dissiper. Celle-ci est égale au produit de la masse du véhicule et du carré de sa vitesse, divisé par deux. C'est-à-dire que pour un véhicule d'une tonne, l'énergie cinétique à dissiper est de 312 kJ à 90 km/h, et de 246 kJ à 80 km/h. Soit une différence de 21 %, bien loin du chiffrage du simple au double annoncé par la Sécurité routière.
D’aucuns diront alors qu’il faut prendre la variable de véhicules conçus pour absorber l'énergie cinétique d'un choc à 60 km/h, ce qui nous ramènerait à la véracité du fameux message. Sauf que l’on n’en sait rien. Et pour cause : les constructeurs ne font pas de crash-test à plus de 64 km/h, étant donné les exigences réglementaires et celles d'Euro NCAP. Alors comment vraiment évaluer les dégâts physiques ? Quant aux motards et autres scootéristes, par définition dépourvus de carrosserie, ils ne semblent pas vraiment préoccuper les savants analystes de la Sécurité routière.
Il aurait été sans aucun doute plus malin de préciser qu’en roulant moins vite on réduit les distances de freinage ce qui multiplie les chances d’éviter un accident. Mais quand on affirme ; par ailleurs qu'une baisse de mortalité de 4 % se constate pour chaque km/h de baisse de vitesse moyenne, on ne peut pas vraiment entendre raison. On rappellera que ce dernier constat est basé sur une étude suédoise de la fin des années 1960. Beaucoup de choses ont évolué depuis. Sauf certaines mentalités.
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