Sécurité routière : la qualité du réseau en question (reportage vidéo)
C’est acquis, les comportements au volant sont les principaux responsables des accidents de la route. Pour autant, d’autres facteurs de risques doivent être pris en compte, et notamment l’état de la chaussée et de la signalisation. Deux organismes indépendants l’un de l’autre sonnent l'alarme sur ces sujets préoccupants, preuves à l’appui.
Dès le début des années 2000, le Projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport posait le problème en ces termes : si 95 % des accidents comportent des facteurs se rapportant à l'usager (vitesse inadaptée, présence d'alcool, défaut de sécurité individuelle, fatigue…), 47 % des accidents comportent des facteurs se rapportant à l'infrastructure. Ces données datent certes quelque peu, mais elles gardent une valeur alors que l’on constate une dégradation des statistiques de sécurité routière, avec des chiffres qui vont empirant depuis 2014 (après 12 années consécutives de baisse).
C’est dans ce contexte que deux organismes indépendants l’un de l’autre ont décidé de nous alerter sur l’état de plus en plus préoccupant de nos routes et celui des équipements de signalisation.
Le premier est l’association 40 millions d’automobilistes, qui a lancé l’opération " J’ai mal à ma route " afin de répertorier, témoignages à l’appui, les routes les plus dégradées de France. Plus de 31 000 signalements ont été réalisés par des automobilistes entre novembre 2015 et mars 2016, ce qui a permis de dresser pour chaque département un "top 3" des routes les plus dégradées, lequel sera adressé à la fois au Ministère des Transports et au Délégué interministériel à la Sécurité routière. L’organisme précise en effet que faute d’entretien, une route devient inutilisable au bout de 20 ans. " Le réseau routier assure aujourd’hui 87 % des trajets de transport de personnes et de marchandises ; les enjeux économiques, sociaux et sécuritaires liés à la qualité des infrastructures routières sont donc colossaux ", estime Daniel Quéro, président de l’association. "Pourtant, depuis une vingtaine d’années, les dotations de l’État destinées à l’entretien des routes sont nettement insuffisantes. En conséquence, les routes se détériorent, les conditions de sécurité des usagers se dégradent et ce, particulièrement sur le réseau secondaire (voies départementales), où l’on dénombre le plus d’accidents mortels."
Un constat un brin alarmiste, certes, dans un pays réputé pour offrir l’un des plus beaux réseaux routiers au monde (1,073 million de kilomètres en tout, dont 379 000 km de routes départementales), mais que partage le Syndicat des Equipements de la Route (SER) qui appelle de son côté les pouvoirs publics à engager une politique nationale de maintenance des équipements de la route : "à l'heure actuelle, une route sur deux en France ne dispose pas de marquage au sol, et 30 à 40 % des panneaux de signalisation ont dépassé leur durée de vie et présentent donc des performances très inférieures à la réglementation. La majorité des panneaux ont entre 15 et 25 ans, alors qu'ils sont conçus pour garantir une performance optimale pendant 7 à 12 ans."
Même dans Paris, certains panneaux sont dans un état déplorable.
On pourra bien sûr objecter que ces professionnels ne font ici que défendre leurs intérêts, mais si l'on prête plus attention à la signalisation, on se rend compte en effet que les très nombreux panneaux abîmés et marquages au sol quasi effacés compliquant parfois singulièrement la tâche des automobilistes et piétons.
Et le SER de regretter la disparition des enquêtes REAGIR qui, jusqu'au début des années 2000, permettaient de procéder à des radiographies complètes des lieux et circonstances des sinistres. Celles-ci ont été remplacées par les ECPA (Enquête comprendre pour agir) mais, déplore le syndicat, "faute de budget, les départements sont de moins en moins nombreux à déclencher ce type d'enquêtes, conduisant ainsi à un essoufflement de la connaissance de l'accidentalité locale." De plus, "les résultats de ces enquêtes ne sont pas consolidés et communiqués au niveau national : les résultats des ECPA sont portés à la connaissance du Préfet, qui décide in fine de la suite à leur donner. Ces données qualitatives sont toutefois rarement partagées avec le grand public, alors qu’elles pourraient être utiles pour mieux comprendre les causes des accidents de la circulation. "
Tout ceci s’opère au détriment d’une politique de sécurité routière dont les résultats ne constituent pas l’une des réussites du quinquennat qui s’achève. Pour mémoire, on déplore un nombre de victimes en hausse de 3,5 % en 2014, de 2,3 % en 2015 avec un total de 3 461 personnes décédées, et de 0,8 % sur les dix premiers mois de l’année 2016.
On ne se hasardera pas à établir une corrélation entre ces chiffres et un réseau moins entretenu, mais les pouvoirs publics semblent bien conscients des carences dénoncées. Au mois de février 2016, le Secrétariat d’État aux Transports annonçait ainsi un plan d’investissement de près de 300 m€, somme investie dans plus de 400 opérations de régénération des routes nationales. " C’est une hausse de 55 % en un an des moyens pour l’entretien de ces équipements, et un triplement depuis 2012. Le niveau d’investissement dans les routes sera cette année le plus élevé depuis 10 ans ", indiquaient alors les pouvoirs publics. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, surtout en matière de sécurité routière. Même si les résultats sont encore insuffisants.
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