Route de nuit - Nomadland ou le côté obscur du road trip américain
Le film de Chloé Zhao, sorti ce mercredi sur les écrans, évoque la vie des nouveaux nomades américains et offre une vision désenchantée du rêve US à travers la vie de ceux qui ont renoncé à tout, sauf à leur van. American way of life oblige.
En France, les laissés pour compte se retrouvent souvent à pied. Pas aux États-Unis, pas dans les immensités de l'Ouest américain, et pas dans le nouveau film de Chloé Zhao. Avec Nomadland, la réalisatrice chinoise, dont l'œuvre ausculte le côté obscur de l'Amérique depuis ses premiers films, suit son héroïne sur les routes de l'Ouest désolé, dans le Nevada des désœuvrés qui arpentent les plaines pelées et bouffées par le soleil à bord de vans hors d'âge et de camping-cars qui n'ont rien des énormes Winnebago rutilants des retraités en vacances. Cette héroïne, c'est Fern. La sexagénaire perd son mari, puis son boulot et décide de tailler la route à bord d'un utilitaire Ford hors d'âge sommairement aménagé. Elle n'est pas sans abri, comme elle dit, mais sans maison. Et pour elle, ce n'est pas du tout pareil.
Sur sa route elle va croiser une communauté de paumés comme elle. Car à l'instar de son film précédent, the rider, Chloé Zhao a entouré son actrice principale Frances Mc Dormand, de comédiens amateurs, de routards véritables qui ne jouent pas, et qui vivent devant la caméra leur vie de tous les jours, entre leur van et les vannes qu'ils se font entre eux. Car même si, à première vue, Nomadland est un film sombre sur la dépression américaine des années postcrise de 2008, le film dégage une étonnante vitalité.
De somptueux paysages vus d'une banquette miteuse
Les déclassés se récréent une communauté à eux, une vie à eux, faite de longs trips dans les paysages de l'ouest enneigés en hiver, ou étincelants de soleil en été. Au point ou le spectateur a parfois envie de partager la banquette miteuse de Fren, ou ses soirées dans les immensités, quand les vans se regroupent, tels des chariots de pionniers, autour du feu des palettes qui ont remplacé le bois mort des ancêtres. Dans leur monde, l'on ne se dit jamais adieu, car l'on se retrouve toujours, au coin d'une route ou d'un bivouac. Là ou Swankie, Linda et Fren, bien sûr, se réchauffent, ensemble, et font face à la brutalité du système américain.
Nomadland, c'est la toute petite histoire de ces toutes petites gens, mais c'est un très grand film, salué par un lion d'or à Venise et trois Oscars à Hollywood. Des statuettes pour souligner la maîtrise absolue d'une cinéaste et de sa comédienne principale. Il faut courir voir ce film pour mille bonnes raisons, ne serait-ce que pour découvrir les paysages de l'ouest américain et le regard que pose une grande cinéaste sur des gens misérables sans misérabilisme.
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