"René, de la route à la piste..." Un roman motard à déguster en ligne !
René est un motard de soixante berges qui n'a pas vu les années passer. Au jour d'aujourd'hui il va se remettre en cause et affronter la new génération...
Voici un roman motard à lire en ligne. Pour que dalle en plus !
Humour et mauvaise foi de rigueur, je suis bien certain que pas mal vont se retrouver au fil des chapitres...
Bonne lecture !
René, de la route à la piste...
Par Jean-Paul DAUTRICOURT
Episode 1 : Le Gatouillable sort de sa léthargie...
René Gédeufoitrentans sort du garage sa vénérable YAMAZUKI 1000 XYZ qui affiche fièrement ses deux décennies, non par son état général car René est plutôt du genre méticuleumaniaque, mais à cause d'une plastique qui commence à sentir la relégation au musée du coin.
Une petite confidence, à ne surtout pas divulguer car René est devenu un poil grincheux avec les années et n'aime pas tout ce qui est susceptible de rappeler son âge canonique : en loucedé, il la nomme affectueusement « Mémère »...
Donc, not' bon René sort Mé..., pardon, je voulais dire sa bécane du garage et glisse la clé dans le contacteur : y'a un peu d'jeu mais avec l'habitude... et en plus la moto démarre très facilement, à défaut de tourner régulièrement sur ses quatre pattes, rapport aux boisseaux d'carbus qui commencent à s'user eux aussi... Mais enfin, elle tourne rond et elle est pas bridée, elle au moins, avec ses 125 véritables canassons piaffants perpétuellement d'impatience d'en remontrer à cette jeunesse devenant de plus en plus effrontée !!!
Pendant que Mé..., pardon, la moto chauffe tranquillos, René enfile son vieux barbour, un Belstaff, graissé à l'huile de chaîne comme au bon vieux temps : il ne veut surtout pas entendre parler de ces espèces de tenues bariolées qu'on vend maintenant dans ces grandes surfaces qu'on nomme magasins moto (ha ! le temps des p'tits bouclards qui sentaient bon l'huile de ricin...) : ch'suis motard, pas un clown employé chez Pinder, martèle-t'il à qui veut l'entendre (pas grand monde en fait...).
Il se coiffe ensuite de son GPA SJ (pour Sans Jugulaire : une trouvaille qui a révolutionné le casque... il y a 25 ans de cela, environ...) qu'il ne troquerait jamais contre une de ces casseroles modernes et pis qu'en plus il est peint aux couleurs du grand Mike, un p'tit jeune devenu son idole mais trop tôt disparu...
C'est pas tout ça mais faut rouler... , après bien sûr dix minutes d'étirements en bonne et due forme pour détendre un organisme demandant lui aussi à chauffer avant de démarrer (à cet âge-là, faut pas risquer le serrage...).
Quelques vingt minutes plus tard, la... moto étant bien chaude comme on peut le constater à la fluidité de l'huile noire répandue au sol, René, dans son style académique (très droit et rien qui dépasse) décolle doucement : enfin lui décolle, mais l'embrayage, lui, colle un pneu et la moto cale. Pas grave, y'a personne dans la rue, l'honneur est sauf !
Nous sommes à l'abord de l'hiver comme en atteste la flamboyance affichée par la forêt toute proche, ainsi que l'odeur d'humus se dégageant des bas côtés de la petite route départementale empruntée par René : ça va beau faire xx années qu'il pratique la moto, une joie indescriptible le submerge à chaque fois en cette saison car s'il aime ce contact quasi charnel avec la nature qui s'endort, il sait aussi que les d'jeuns ont rangé leurs trucs en plastique à deux roues : ben ouais, ça fait le cacou et dès que la température descend en dessous de dix degrés ben, y'a plus personne. Ha!, d'mon temps...
René sait que la route lui appartient et aujourd'hui il a décidé d'une grande sortie vers l'océan. Pour ce faire, le niveau d'huile de la Vénérable, ainsi que le graissage de la chaîne et de l'axe de bras oscillant (on sait jamais...), ont été effectués. René a même monté ses manchons sur le guidon pour ne pas engourdir ses vieux membres passablement fatigués par toutes ces années à parcourir les routes de France et de Navarre. En plus, ça lui rappelle les Eleph', comme dans le temps où il souffrait pas encore des articulations, même que si il le pouvait encore, il tracerait grand Nord... . Le temps passe, René, et il ne t'attend pas...
Il en était à ressasser tout ça quand il fut réveillé en sursaut par un fracas épouvantable !
Alors que lui même enroulait une petite courbe dans son style inimitable, une espèce de jeune effronté venait de lui faire un extérieur en bonne et due forme, le genou au sol comme à la télé (des fous !..), dans un irrespect le plus total... En plus, ce jeune tr.. du c... ne l'a même pas salué !!!
Trop c'est trop ! René rempile la quatre et fait rugir M..., pardon, sa moto, laquelle se demande ce qui se passe pour la sortir ainsi de sa léthargie, et GAZZZZZZZZZZZ , va voir c'qu'y va voir c'blanbec !!!
René est sûr de ses K81, qui ont fait le bonheur des participants de la coupe KAWA dans les années 70 (demande à Sarron ce qu'il en pense ...) et le voila au derche du petit c.. .
Ce dernier a relâché son effort et semble attendre le Vénérable qui lui, maintenant, lui colle aux basques comme un morpion sur...
J'te tiens, s'pèce de rigolo, et c'est pas en faisant le singe comme tu fais que tu vas êt' capable de larguer un monument comme moi !, se dit René en se raidissant le plus possible car, pour aller vite, il ne faut surtout pas bouger de la moto, rien ne doit dépasser : faut un style le plus pur possible pour pas désunir la moto, comme Mike à l'époque...
Pendant ce temps, Ziva Jmélesgazs, sur sa HONDAWA 600 ABCRRZW RRRR REPLICA, rigole doucement en pensant: enfin un que j'va êt' capab' de laisser sur place...
Le drame de Ziva, c'est qu'il a eu beau faire des stages avec Sarron, Bonhuil et consorts, ben..., il est vraiment pas doué pour la moto mais comme ça fait branché, il est bien obligé de rouler un peu pour justifier quelques kilomètres au compteur : pour ce faire, il roule de préférence l'hiver, pour pas risquer l'adversité.
Donc, René, droit comme un I, en aspi, colle aux basques de Ziva qui déhanche à tout va dans un style pour le moins... mouvant ! Les deux rivalisent, se dépassant aux faveurs des fautes de pilotage de l'autre (fréquentes...) : un coup à toi, un coup à moi, avec, pour l'instant, une grande égalité au niveau de l'efficacité.
Soudain, sortant de nulle part, un bruit d'abeille se fait entendre derrière eux et un magnifique boulet bleu cubant au moins 50 CC les double dans un style impeccable au détour d'un délicat pif paf un peu glissant : ils le savent très bien de qui il s'agit en le reconnaissant, affublé de cuir bleu et jaune fluo, se regardent, et s'arrêtent... C'est le fils du patron du bouclard du coin, celui que René n'aime pas car il déteste les vendeurs de tapis. Celui que Ziva n'aime pas non plus, car à chaque fois qu'il rentre dans le magasin pour commander une pièce, l'autre il rigole tout le temps de son niveau de pilotage.
Pendant ce temps, le jeune Valentini ROSSO poursuit son entraînement sans se soucier des deux chicanes qu'il vient de doubler: sans doute ne les a-t'il même pas vues... René et Ziva, réconciliés par cet affront commun, décident d'aller prendre le verre de l'amitié au bistrot du coin : là au moins, y'a pas de motard susceptible d'écouter le récit de leurs exploits qu'il ne manqueront pas de raconter au patron qui est là pour écouter sans broncher sa clientèle, commerce oblige...
Episode 2 : Rencontre avec la nouvelle monture...
Aujourd'hui, René Gédeufoitrentans est plus fébrile que d'habitude en quittant la couette toute chaude de son lit douillet, car il ne s'agit pas d'une journée ordinaire...
Vous savez quoi ? Une nouveauté arrive ce jour chez le concessionnaire (vous savez ?, le marchand de tapis...) !
Quelle moto allez vous me dire ? Ben oui, faut que je vous explique : la brave YAMASUKI 1000 XYZ commence à avoir l'âge (vénérable...) de son proprio, et ses accélérations deviennent aussi hésitantes que sa tenue de route et la certitude de René devant la gent féminine.
Notre bon protagoniste a donc fait un saut chez ROSSO, le fameux concessionnaire multimarque qu'a un magasin qui ressemble plus au supermarché du coin qu'à un bouclard comme dans le temps (tout fout l'camp ma brave dame !) : c'est pas qu'il en avait spécialement envie mais là, au moins, force est d'admettre que le choix est multiple pour quelqu'un qui, un beau matin, s'est décidé à troquer une fidélité de presque 25 ans contre quelque chose de, disons... plus actuel.
Faut dire aussi qu'il n'a toujours pas digéré l'affront reçu l'autre jour par le jeune Valentini, le fils du patron... Bien entendu, si sa moto avait encore eu sa jeunesse d'antan, jamais ce jeune tr.. du c.. ne l'aurait passé comme ça ! Pensez donc : avec une telle expérience de la moto...
Il avait été reçu par un jeune vendeur BCBG, sourire ultra brite et costard cravate (dans un bouclard moto !, on aura tout vu !!!) qui lui demanda, avec une extrême politesse, ce qu'il désirait :
« Ben..., j'va t'dire mon p'tit gars, tu permets que j'te tutoie ?, c'est une tradition dans le monde moto et faut pas perdre les traditions. J'te disais quoi déjà ?..., ha ouais : j'viens pour changer d'brêle car la mienne commence à défraîchir un poil, et vu c'que j'roule, y'm'faut un truc, disons..., plus récent. T'as ça dans ton bouclard ??? »
« Oui, m'sieur !, et je pense avoir ce qu'il vous faut : à un monsieur comme vous (le jeune l'avait repéré depuis pas mal de temps cet oiseau là...), il faut une moto sur mesure, du cousu main ! Venez par ici, on vient juste de recevoir la dernière KAWASUKI 1300 RRR 6 cylindres avec freins carbone, triple injection et suspensions pilotées : le top du top pour pilote d'exception !!! Je dois vous avouer que si j'avais votre expérience de la moto, je n'hésiterais pas...
En plus, c'est une sport GT qui a fait l'objet d'un soin particulier en matière de confort et d'ergonomie, et quand on voyage, il n'y a rien de plus important, pas vrai ? Je dois vous dire aussi qu'un effort particulier a été fait sur la réduction du poids suspendu et que cette merveille est capable de rivaliser avec n'importe quelle hypersport dans le sinueux.
Bien entendu, elle n'est pas donnée, mais c'est la rançon de l'exception et je pense que, passionné comme vous l'êtes, ce n'est pas une chose bassement matérielle qui va freiner votre entrée dans un univers qui va révolutionner votre vision de la moto ???.
Sans compter que vous avez le chance d'avoir le niveau pour apprécier à sa juste mesure une telle merveille technologique !, ha, si j'avais une telle expérience que vous, je vous jure qu'elle serait déjà dans mon garage !!! »
A genou qu'il est le René... : pas par cet assemblage de plastique qu'il a devant les yeux, mais les flatteries du vendeur ont frappé son ego en plein cœur et c'est, en bombant le torse, qu'il cria :
« Vendu !, t'as raison mon gars, faut vivre avec son temps et c'est vrai qu'à mon âge, on est mûr pour se faire plaisir avec un truc pareil... Tu me la reprends combien la mienne ? Viens voir, elle est dehors. »
Le jeune vendeur, s'il est un fameux commercial, ne possède pas une culture motocycliste étalée au delà de sa propre existence, mais, sachant qu'il n'aura ainsi pas à lâcher trop de lest sur sa marge en faisant mine de reprendre « bien au dessus de sa valeur », un truc qu'il n'aura même pas à s'occuper à vendre. De plus, en insistant un peu, l'équipement ça marge pas mal aussi, et ça compensera la reprise.
Donc, il fait mine de s'extasier sur ce truc qu'il ne connaît même pas et propose royalement une offre « que René trouvera même pas ailleurs » en continuant les flatteries qui semblent combler le « pigeon ».
René est donc sorti du magasin avec un bon de commande en bonne et due forme comprenant la moto, un cuir complet, un nouveau casque et... un compte en banque passablement réduit. Mais qu'importe, avec ça, il va retrouver de sa superbe et montrer à la face du monde motard qui il est encore vraiment !!!
René, aujourd'hui, enfourche pour la dernière fois sa vieille compagne et fonce en direction du bouclard, le cœur trépidant. Quelques minutes plus tard, il entre dans le magasin pour prendre possession de son nouveau jouet...
Episode 3 : C'est pas gagné d'avance...
Donc, not' René préféré pousse la porte du bouclard mais marque une petite hésitation : tout cela n'est-il pas trop précipité ?, se demande-t'il brusquement, comme semblant se réveiller après un long sommeil.
Ce faisant, il se retourne sur sa (bientôt ex...) fidèle monture, et doit bien avouer, en la regardant, que le poids des ans se fait palpable malgré une plastique encore intacte. Et puis, cette tache d'huile déjà présente sur le bitume, là, juste sous ses roues...
René réfléchit : j'me d'mande si l'jeune avec la cravtouze n'a pas cherché à m'endormir en m'refourguant la KAWASUKI, se demande-t'il, inquiet. Il se retourne une fois encore pour une ultime comparaison : c'est vrai qu'il l'aime bien sa vieille machine, avec laquelle il a parcouru toutes les routes de notre doux pays et celles de contrées plus lointaines.
Au fil des années, une complicité certaine s'est installée au gré des galères traversées en commun : la pluie, le vent, la neige parfois, et autant d'autres d'éléments du même acabit qui scellent la moto à son pilote en une osmose difficile à briser, voire à remplacer...
Seulement voilà, l'autre jour, ce p'tit trou du c.. de fils de p.. d'enfoi.. de mer... (si y'en a trop, rayez les mots inutiles) de Valentini l'a laissé sur place sans aucun respect, mais surtout, sans que René n'y puisse quoi que ce soit. La faute à la moto bien entendu, surtout en se faisant larguer par un pisse feu !
Cet argument le rassure dans le fait qu'il a bien fait d'envisager le remplacement de sa fidèle, mais fatiguée compagne de route. De plus, il allait voir le jeune blanc bec...
René, regonflé, prend une grande respiration à pleins poumons (l'instant est lourd de conséquence...) et, d'un pas décidé, entre dans l'officine !
Le même vendeur est présent et, tiens !, au fond du magasin, le jeune Valentini qui passe sans le voir (p'tit c.., va !).
Le vendeur s'avance sur René, un sourire de circonstance jusqu'aux oreilles, et lui dit simplement :
« Elle se fait préparer à l'atelier, les mécanos finissent de la briquer, si vous le voulez bien, pendant ce temps on va régler les modalités de reprises et finir de rédiger les papiers. »
René se laisse entraîner et signe machinalement, sans les lire, les documents présentés.
« Elle est prête !, vient annoncer un petit gars en blouse bleue maculée de graisse, elle est où la reprise que je la descende en bas ??? »
Maintenant, les dés sont jetés, et René, avec un poil de regret, donne les clés de sa moto qu'il tenait à la main pour la dernière fois.
Le vendeur l'amène au sous-sol où sont alignés une douzaine de ponts élévateurs, avec autant d'employés affairés à des machines diverses : quelle usine !, pense t'il, d'mon temps c'était pas comme ça...
Puis, d'un coup, il l'aperçoit : elle rutile la KAWASUKI 1300 6 cylindres avec, derrière, sa plaque en WW.
Le mécano, à ses côtés, procède aux ultimes vérifications en actionnant les diverses commandes qui illuminent un tableau de bord entièrement digital ressemblant plus à un arbre de noël, qu'au bon vieux compteur compte-tours analogique de sa maintenant précédente monture.
Faut faire le tour du nouveau propriétaire et l'employé à la clé de douze s'évertue à expliquer à René le nébuleux fonctionnement de tout ce bric à brac électronique : ce dernier répond affirmativement à chaque regard interrogateur (faut pas passer pour un c..) mais, en fait, commence à se demander si cette moto est bien pour lui, lui qui ne sait même pas régler l'heure de sa montre à quartz...
Bah, on verra bien à l'usage, se rassure-t'il.
Le moment de grimper en selle est arrivé (il reviendra plus tard, en boitaroues, chercher l'équipement refourgué) et, c'est en tremblant un pneu qu'il se hisse pour la première fois sur le dos de sa nouvelle monture.
Il tourne la clé, BZZZZZZ, BZZZZZZ fait le tableau de bord en affichant une multitude de couleurs. Un coup de pouce, léger, sur le démarreur, et la moto s'éveille : bizarre !, ça ne vibre pas et on entend presque pas le moulin : on dirait une bagnole, se dit René en débrayant et passant la première.
Il lâche l'embrayage doucement et sort la « bête « de l'atelier, en répondant aux salutations du vendeur et du mécano : la moto décolle lentement pour prendre la direction de la maison, mais avec un petit détour toute fois, pour la prendre un peu en main.
D'abord, cette position : René a mal aux poignets ! Pas grave, faut s'habituer au début avait dit le mécano car, maintenant, elles sont toutes comme ça et ça permet de mieux viser les points de corde... . Mouais !, se dit René, pas très convaincu... .
Par contre, p'tain la légèreté ! : c'est presque trop et il doit faire gaffe de pas trop la balancer sur l'angle car elle plonge sans aucun effort, pas comme la vieille en tout cas.
Mais avant de balancer en courbe, René a dû toucher aux freins carbone : crébondieu !, j'rentre dans un mur ou quoi ??????????? C'est vrai qu'habitué à un freinage datant de 25 ans, un double 6 pistons mordant des disques de 320 en carbone, ça déménage quelque peu !!! Va falloir faire gaffe mais au moins, y peut v'nir le jeune trou du c.. avec sa brêle d'adolescent !
Le moteur ensuite... : Haaaaaaa, ce moteur !!!!!!!!!!!!!!: ça arrache dès les bas régimes comme l'ancienne le faisait en haut !!! Pourtant, pas plus de 6000 pour le rodage, avait dit le mécano :
René obéit mais, en regardant le compteur se dit : « pas possible ! , y raconte des conneries ce truc !, j'roule quand même pas à c'te vitesse là ????????? ». Il est vrai que ce moulin délivre un couple énorme et monte en régime sans aucune vibration, alors que l'autre, elle commençait à s'prendre sérieusement pour une Harley...
Finalement le progrès a du bon se dit René en se félicitant de son achat, malgré le fait que l'électronique lui fasse un peu peur et surtout, l'oblige à remettre en question des habitudes bien ancrées depuis quelques décennies (a cet âge-là, ça compte les habitudes...).
Emporté par la curiosité, René décide de continuer à rouler et prend la direction du grand Ouest ! Bon sang, quelle protection ! : On sent pas l'vent mais bon dieu c'que les repose-pieds sont hauts et les demi-guidons bas !!!
Au bout d'une demi-heure, force lui est de s'arrêter car il ne sent plus ses avant-bras et quelques crampes se font sentir au niveau des articulations de ses vénérables papattes qui commencent, tout doucement, à préférer le confort d'une cheminée à feu de bois aux longues chevauchées sur deux roues.
Mais point de tout ça, se dit René, pour qui un motard, tant qu'il peut marcher, doit continuer à rouler...
Pour l'instant, ayant béquillé la belle (ça s'fait tout seul avec un truc moderne comme ça !), notre protagoniste s'évertue, au prix d'une danse indéfinie, à récupérer ses gestes fonctionnels en tentant de calmer les quelques douleurs évoluant simultanément en bas et en haut de sa vieille carcasse.
Cherchant à se rassurer, il se dit : « c'est vrai que l'inaction m'a un peu ramolli. Au moins maintenant, je vais être obligé de me bouger pour être à la hauteur d'une telle machine : ça va me faire du bien... ». La vie lui a fait comprendre depuis longtemps qu'il faut positiver chaque situation pour être capable de bien l'appréhender...
Il remonte ensuite sur la moto, la remet en route, rigole en voyant l'arbre de Noël s'illuminer, et décolle de nouveau.
Un gros voyant orange se met à clignoter au tableau de bord : c'est quoi ça ?, ha ouais, l'essence, z'auraient pu m'faire le plein au complet quand même !, bougonne René en empruntant la première à droite pour s'arrêter à la petite station chez laquelle on ne vient jamais par hasard, enfin si... quelquefois !, et stoppe de nouveau.
Il retire la clé et s'émerveille en constatant un bouchon d'essence monté sur charnière (depuis le temps qu'il râle pour un truc aussi simple à réaliser...).
Glou, glou, glou plus tard, le réservoir fait Beuuuurp ! : Il est plein.
René essaye alors de trouver le totaliseur journalier au milieu de toutes ces informations : conso réelle, litres restants, distance restante : c'est comme l'âge du capitaine : il s'en fout comme de sa première chemise... . Ha voilà, ça doit être ça...
Effectivement, c'est ça, mais pour le remettre à zéro... Il a tenté pourtant d'écouter les explications du mécano mais faut avouer que toute cette technologie n'est pas de son époque.
Le gars, à la pompe à côté de lui, le regarde en souriant : « Elle est neuve cette moto, en plus c'est le dernier modèle !, félicitations !!! Attendez, je vois que vous cherchez pour le totaliseur : je vais vous aider, je suis mécano de métier et motard aussi... »
Du « de quoi j'me mêle » qu'il allait balancer à cet inconnu, René se retourne avec un large sourire et lui répond : « Ben oui, j'me sens un peu dépassé, faut qu'je m'habitue, c'est comme tout. »
Ha ???, faut simplement appuyer là ??? , constate René, un peu vexé de passer pour un c.. devant cet aimable personnage.
Il règle ensuite la note et reprend sa route.
Une demi-heure plus tard, de nouvelles douleurs se font sentir et il décide de rebrousser chemin : « Décidément, savent plus faire des positions pour des gars comme nous : la faute à ces p'tits c.. qui veulent singer les pilotes. Bon, puisque c'est comme ça, hé bien, j'vais m'y habituer et leur montrer que l'René l'est pas encore fini... »
Sur ces bonnes paroles, René regagne expressément son logis douillet, gare la moto au sous sol, enfile ses charentaises et va s'installer dans son fauteuil préféré, MJ en main, pour profiter de la chaleur de la grande cheminée près de lui ou se consument deux énormes bûches.
Il adore de plus en plus cet espèce de « calme après la tempête» qui suit chaque roulage et lui permet d'en apprécier le contraste, des images de courbes plein la tête.
A SUIVRE...
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