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Renault-Nissan : jour J pour une alliance a minima

Dans Economie / Politique / Industrie

Michel Holtz

C’est ce matin qu'on été dévoilés officiellement les nouveaux accords liant Renault et Nissan pour quinze ans. On en connaît désormais les détails et notamment la participation abaissée de Renault dans le capital de son partenaire japonais. Une nouvelle alliance ou une mésalliance ? Si le partenariat capitalistique est revu à la baisse, les échanges industriels continuent.

Renault-Nissan : jour J pour une alliance a minima

Le 17 janvier 2018 semble si loin. Ce jour-là, Carlos Ghosn annonce, un brin fiérot, que l’Alliance Renault-Nissan est le premier constructeur mondial, Avec 10,5 millions de voitures vendues en 2017, il a fait mieux que Toyota et Volkswagen. Cinq ans et quinze jours plus tard, l’ambiance était moins festive ce matin dans l’hôtel londonien ou la nouvelle Alliance entre les deux constructeurs (en y ajoutant Mitsubishi) a été dévoilée. Certes, Jean-Dominique Senard, président de Renault et Makoto Uchida, patron de Nissan affichent tous deux le même sourire de vainqueurs. Car en politique comme en économie, il n’y a jamais de défaite, du moins en apparence. Mais dans la réalité, les Japonais ont gagné. Même si le losange évite le pire : un divorce pur et simple. Comme l’explique au Monde un administrateur qui souhaite garder l’anonymat, si les fiançailles ne mènent pas au mariage, « il reste peut-être un Pacs »

Une Alliance minuscule, plutôt que majuscule

Un Pacs, et un contrat, dans lequel Nissan a obtenu gain de cause : la fin de la mainmise de Renault sur son capital. Elle était de 43% pendant 24 ans ? Elle sera dorénavant de 15 % seulement, comme Nissan, dans une parfaite égalité minimaliste de part et d’autre. En revanche, les deux entreprises conservent des projets en commun, en Inde, en Amérique du Sud et au Mexique. Quant à la future Nissan Micra électrique, elle sera fabriquée en France, dès 2026, sur les mêmes chaînes que la R5, avec 80% de pièces communes. Nissan va également s'engager à hauteur de 15 % dans Ampère, la future filiale de Renault qui doit regrouper ses activités électriques et Mitsubishi a annoncé qu'elle s'engagera aussi dans la nouvelle structure. Nissan est également invité à utiliser les futures batteries et le software propre à  Renault. Mais on est loin, de l’alliance majuscule qui a perduré pendant 24 ans, avec son fmaboyant PDG commun.

Pourtant, Jean-Dominique Senard et Luca De Meo sont parvenu à sauver les meubles, et à éviter le pire au cours de tractations qui se sont étalées sur 10 mois. Mais si le constructeur français n’était pas en position de force dans cette négociation, Nissan de son côté n’était pas beaucoup plus en forme. Le Japonais, qui doit publier ses chiffres dans un mois, s’attend à une baisse de ses ventes de 7,5 % pour l’exercice de 2022, et à un effritement de son résultat en conséquence. Quant à Renault, il a enregistré, une chute de ses ventes de 15 % au cours de l’année passée.

Sauver l'Alliance, ou ce qu'il en reste

C’est donc à une tractation entre deux entités blessées à laquelle se sont livrés Renault et Nissan, tentant chacun de se tirer d’un embrouillamini dans lequel l’ère Ghosn les avait entraînés, avec notamment des brevets industriels que chaque entreprise utilisait à sa guise, sans même que l’on sache à qui ils appartiennent. Mais dans un divorce, chacun reprend ses billes en fonction du contrat de mariage, et chacun tente d’obtenir la garde des enfants. En l'occurrence, chacun a retrouvé la propriété de ses propres brevets.

La scission de Renault en deux entités, Horse et Ampère, le thermique et l’électrique, a été elle aussi abordée dans cette redistribution des cartes. Et les brevets Nissan ne pourront pas être employés par la future entreprise Ampère, notamment ceux qui concernent la conduite autonome. Un renoncement de plus de la part de Renault pour sauver non pas l’Alliance, mais ce qu’il en reste. 

Emmanuel Macron a donné quelques garanties au premier ministre Japonais : non, il n'y aura plus de tentative de putsch français sur Nissan.
Emmanuel Macron a donné quelques garanties au premier ministre Japonais : non, il n'y aura plus de tentative de putsch français sur Nissan.

Le losange aura donc fait beaucoup de concessions dans ce dossier. Mais l’État français actionnaire aussi. Huit ans après la manœuvre conjointe d’Emmanuel Macron, alors locataire de Bercy et de Carlos Ghosn, qui ont tenté de prendre le pouvoir chez Nissan et rêvé d’un Renault majoritaire dans l’Alliance, les Japonais n’ont toujours pas digéré la tentative de pursch. Pour rassurer le staff de Nissan, il a fallu que le premier ministre nippon, Fumio Kishida s’entretienne de l’affaire avec le président français, lors de sa visite à Paris le 9 janvier dernier. Emmanuel Macron l’a rassuré et, le temps que les dernières tractations s’opèrent en coulisse, l’accord final a, enfin, été révélé ce matin, à Londres, un terrain neutre pour les deux parties.

On le voit, et malgré le fait que les deux protagonistes prétendent le contraire, l’Alliance sort affaiblie de ce nouvel épisode. Elle reste certes un peu plus importante que celle d’autres marques qui travaillent ensemble, à l’instar de Suzuki et Toyota, mais elle est désormais moindre que celle qui rassemble le même Toyota et Subaru. Même si, dans ce dernier cas, le premier constructeur mondial reste le patron. L'on peut même estimer que la future alliance dans la nouvelle entité thermique Horse, qui verra Renault s'acoquiner au Chinois Geely et le pétrolier Aramco, soit plus importante, tant industriellement que capitalistiquement.

En tout cas, il n’est plus question de parler de maison commune dans ce divorce qui ne dit pas son nom. En aurait-il pu être autrement ? En refaisant l’histoire, pourquoi pas. Mais chez Renault, à force d’accumuler les difficultés, on finit par être philosophe. Et comme l’évoque un cadre de la maison dans les colonnes des Échos, « pour nous, le risque est nul. La situation ne peut pas être pire qu'aujourd'hui ».

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