Quand « Pepe » embarqua le président Lula dans sa Coccinelle
« Pepe », l’ex-président uruguayen, est une figure charismatique de la scène politique mondiale. Il est connu pour son train de vie modeste et sa fidèle Coccinelle, partenaire de route de son mandat et témoin l’an dernier d’une rencontre informelle mais orchestrée avec Lula, le président brésilien.
Guérillero au sein du mouvement d’extrême gauche des Tupamaros, José Mujica a lutté dès les années 60 contre la junte militaire au pouvoir en Uruguay. Son combat politique arme à la main lui a valu d’être maintes fois arrêté, torturé et menacé d’exécution.
Une fois la démocratie restaurée, en 1985, celui que tous les Uruguayens surnomment affectueusement « Pepe » (diminutif de José) a fondé le Mouvement de Participation Populaire. C'était avant de devenir député, sénateur, ministre de l’Agriculture puis Président de la République, de 2010 à 2015.
Train de vie modeste
L’ascension politique de Mujica contraste avec presque tous les autres destins présidentiels. Lui qui côtoya en tête à tête Obama, Merkel ou Poutine a en effet toujours été indifférent au protocole. Il a toujours gardé la tête froide, continuant à vivre de façon ordinaire, voire austère, en dépit de ses fonctions, reversant même jusqu’à 90 % de son salaire à des associations caritatives.
Né dans une famille de paysans originaires d’Italie et du Pays-Basque, l’ancien chef d’Etat a de fait toujours cultivé son amour pour la terre et pour les choses simples. Voilà ainsi des décennies qu’aux côtés de Lucia, son épouse, il vit le plus modestement du monde, dans sa ferme située à Ricon del Cerro, en périphérie de Montévideo.
C’est justement ici, dans son fief, qu’il gare et garde précieusement sa voiture fétiche. Il s’agit d’une Coccinelle bleu ciel de 1987 (avec moteur à l’arrière et coffre sous le capot avant) produite au Mexique. Cette Volkswagen à la bouille sympathique l’accompagne dans tous ses déplacements depuis 37 ans.
« Pepe » préside en Cox
Cette « Cox » à deux portes immatriculée SAO 1653, qu’un cheikh arabe avait proposé (en vain) de racheter pour 1 million de dollars en 2014, a notamment assisté l’ancien chef de l’état dans la plupart de ses sorties officielles en Uruguay.
Devenue presque aussi populaire que son propriétaire, et ce d’autant plus que ce modèle allemand (le plus produit de tous les temps) est très apprécié en Amérique latine, la Coccinelle 1.6 litre essence à boîte 4 de « Pepe » déplacait irrisitiblement la foule à chacune de ses apparitions.
Au passage toutefois, elle contraignait le chauffeur à rouler au pas et les gardes du corps qui l’escortaient à pied à courber l’échine, serrant de leur mieux la carrosserie de ce véhicule présidentiel insolite et sans le moindre blindage, une main posée en protection sur le capot plongeant.
Lula en « guest »
L’an dernier, la citadine vintage de Mujica, que ce dernier ne s’interdit pas de passer à l’électrique par l’intermédiaire du rétrofit, a refait parler d’elle lors d’une rencontre « au sommet » assez improbable.
Ce 25 janvier 2023, l’ancien président uruguayen recevait en effet dans sa ferme une visite singulière, celle de Luiz Inacio Lula da Silva, dit Lula, le président brésilien. Revenu aux affaires à l'âge de 78 ans, l'ancien ouvrier métallurgiste de chez Volkswagen avait été réélu quelques semaines auparavant à la tête de son pays.
Lors de cette rencontre entre amis et passionnés d’automobile, « Pepe » ne résista pas longtemps au plaisir d’embarquer son ex-homologue à bord de sa Coccinelle. Il faut dire qu’en bon collectionneur, il ne se lasse jamais d'exposer sa voiture. Carrosserie, assise, ciel de toit, éclairage ou mécanique, il ne laisse rien au hasard et veille au quotidien sur le bon état général de sa «Fusca», comme on dit ici.
Depuis la grange où elle stationne, à côté de son tracteur et d’un tuyau d’arrosage, Mujica a alors mis le moteur en route, fier comme un gamin de faire entendre à Lula la mécanique d’horloge de sa protégée. Puis les deux hommes sont partis pour une escapade médiatique de quelques minutes sur les chemins alentours, le conducteur démontrant à son passager les qualités toujours intactes de sa « Cox ».
« Hasta la muerte ! »
Dans l’habitacle spartiate, les deux hommes sont apparus complices comme deux camarades de lutte devenus des papys presque ordinaires mais plus forcément si anti-capitalistes que cela... Cette virée uruguayenne officiellement informelle a eu du reste l'effet d'un coup de com gratuit pour Lula, alors même que le président entendait entamer son nouveau mandat en faisant de Volkswagen le fer de lance de la réindustrialisation automobile brésilienne.
Quant à Mujica, aux dernières nouvelles, il reste plus que jamais attaché à sa légendaire auto. Celui qui célèbrera ses 89 ans demain et se bat depuis plusieurs semaines contre un cancer précise d’ailleurs que sa Coccinelle l’accompagnera jusqu’à la mort, « Hasta la muerte ! », comme aurait pu lancer en son temps Che Guevara, l’icône de sa jeunesse, né dans l’Argentine voisine.
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