Quand le Covid prend le volant…
Le Covid peut s’attaquer au cerveau, la médecine est formelle. Une chose est certaine, il nous rend un peu maboules, sinon individuellement, du moins collectivement.
Quand on ne peut plus voyager, on tourne en rond. Je lis dans le Monde qu’en Asie et en Australie, des compagnies aériennes organisent des vols qui atterrissent là d’où ils ont décollé. En clair, qui ne vont nulle part, font juste une boucle de quelques heures et reviennent à leur point de départ. Ainsi il n’a fallu que dix minutes à l’australienne Qantas pour écouler sur son site 134 billets de 500 à 2 300 euros pour un vol de 7 heures au-dessus de merveilles de l’océan Pacifique.
C’est qu’il y a beaucoup de gens en mal d’avion, à qui manque le parfum du kérosène et l’odeur fade du plateau-repas.
Sur le point de ricaner, je réalise que partir pour n’aller nulle part, je l’ai fait pendant le confinement, en parfaite infraction des règles.
Marre de tourner à pied dans le quartier, j’ai été, un clair matin d’avril, saisi d’une envie irrépressible d’un tour à moto. Au risque d’encombrer un service d’urgence déjà débordé par le virus, je sais, j’y ai pensé en enfilant mes bottes.
La semaine suivante, je récidivais, cette fois en voiture, histoire de recharger la batterie et dégripper les injecteurs. Un peu comme Qantas dérouille ses réacteurs.
Pourtant, je mets un point d’honneur à ne jamais rouler pour rouler, ce qui fait de moi un taxi moto gratuit ou un coursier toujours partant ainsi qu’un fils attentionné qui ne rechigne jamais à faire trois cents kilomètres pour apporter des chocolats, manger un poulet et faire une partie de Scrabble.
Au fond, j’ai beau me moquer de tous ces motards - et automobilistes - qui font des « road-trips » en boucle ou brûlent de l’essence en rond et en file indienne, je n’en diffère que par les prétextes que je me donne, aussi pieux, faux cul et bien intentionnés soient-ils.
Des masques sous la visière ?
Le Covid a dû légèrement perturber l’entendement du fonctionnaire qui a décidé d’associer les conducteurs de deux-roues à moteur au port obligatoire du masque dans la rue.
Au moins aurait-il dû essayer pour constater que :
1/Les élastiques cassent souvent à l’enfilage d’un casque intégral, ou après quand il faut remonter le tissu sur le nez.
2 S’ils ne cassent pas, ils meurtrissent les oreilles
3/Si le machin tient en place, de la buée se forme inévitablement sur l’écran et brouille la vue, même par 25°C, température constatée la semaine suivant l’ordonnance. Évidemment, c’est bien pire par 10 °C ou avec des lunettes.
4/Sur une moto ou un scooter, la distanciation sociale est assurée par définition et 99 % des conducteurs ont déjà un écran en polycarbonate devant la bouche. Si danger de contamination il y a, la mesure devrait également s’appliquer aux automobilistes qui circulent vitres ouvertes ou en cabriolet.
Logiquement, les Motards en colère ont rapidement fait annuler l’ordonnance, une grande victoire selon eux. Pendant ce temps, à la mairie de Paris, on discute des modalités de leur stationnement… payant.
Nationaliser les autoroutes et privatiser des nationales ?
Le souci avec le Covid, c’est que les gens ne se voient plus et ne se parlent plus. Une visio-conférence ne vaudra jamais une bonne explication autour d’une table, même avec des masques.
C’est ainsi qu’aurait pu être évité le dernier couac sur les autoroutes. Un matin, pas bien réveillé en épluchant mes newsletters, je découvre le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur « le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutière ». En gros, on y explique qu’Eiffage, Vinci et Abertis se gavent sur le dos des conducteurs et de l’État, qu’ils vont rentabiliser leur investissement bien plus tôt que prévu - d’ici 2022 pour l’essentiel - puis engraisser éhontément leurs actionnaires. Bref, qu’il est temps de leur serrer un peu le kiki, leur faire cracher quelques investissements et modérer leurs tarifs. Et enfin, à l’avenir, de ne plus accorder pareille rente de situation.
Entre les lignes, il apparaît que la privatisation des autoroutes n’a pas été une si bonne affaire et sans doute même une grosse bévue.
Vingt minutes plus tard, je lis qu’un décret jusque-là passé inaperçu – et pour cause, publié le 14 août - autorise désormais la concession de certaines routes nationales aux mêmes entreprises !
Forcément, l’évidente contradiction m’incite à reprendre un café. Puis provoque une brève et furieuse polémique entre opposition et gouvernement.
De contradiction, en fait, il n’y en a aucune : les nationales en question, à 2 ou 4 voies, sont celles directement raccordées à une autoroute et qui n’ont généralement pas d’autre fonction que de la desservir. Ce que précise justement le décret du 14 août. Il s’agit en fait de transférer, de l’État aux sociétés d’autoroutes, l’entretien de ces portions qui leur sont dédiées, bref de les faire cracher au bassinet, comme le recommande le rapport du Sénat.
Sans augmentation des péages ? On aimerait que les sénateurs soient plus explicites à ce sujet.
Traquer la vieille bagnole
La peur (du Covid) n’éloigne pas le danger (de la pollution). Puisqu’on ne peut pas empêcher les gens de se promener avec des mouchoirs sales plein les poches, il est au moins urgent de les dissuader d’entrer dans Paris (Grenoble, Toulouse, Strasbourg et autres Zones à faibles émissions…) avec bien pire : une Citroën Xsara ou une Peugeot 306 !
Et pour cela, tous les moyens seront bons. Barbara Pompili, la ministre de la transition écologique a promis que « la voiture qui ne doit pas entrer (dans la ZFE) sera flashée, un peu comme avec un radar de contrôle de vitesse, et elle recevra une amende. »
La voiture recevra une amende ? Admettons…
Alors que les théâtres, les cinémas, les salles de spectacle, les hôtels parisiens (grenoblois, toulousains, strasbourgeois….) sont à deux doigts de la faillite, que des commerces baissent le rideau en pagaille, que le chômage menace d’exploser, que l’épidémie menace de saturer à nouveau les hôpitaux et de mettre à bas l’économie, un membre du gouvernement juge prioritaire de farcir nos métropoles de caméras ultra-sophistiquées, capables de scanner les plaques de nos voitures et d’en déduire la norme euro, tout cela pour éviter que quelques rares vieilles bagnoles viennent mêler leurs gaz impurs à ceux de nos si propres SUV.
Combien faudra-t-il de centaines ou de milliers ces caméras pour fliquer tous les accès à toutes les ZFE ? Pour quel coût ? Qui payera ? Avec quel argent ? Et tout ce binz, pour quelle diminution réelle de la pollution ?
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération