PV pour non désignation : la justice va-t-elle vite rectifier le tir ?
Ça y est ! Le contentieux généré par les nouvelles contraventions pour "non désignation de conducteur" (NDC), quand les véhicules de société se font flasher par les radars, et que beaucoup considèrent comme totalement illégales, arrive devant les tribunaux. Pas dit toutefois que les juges se précipitent à rendre leurs décisions. Affaires à suivre sur Caradisiac !
C'est un contentieux fortement attendu qui débarque devant les tribunaux : celui qui porte sur les nouveaux PV pour non désignation de conducteur (NDC). Car, comme le dénonce l'avocate Caroline Tichit depuis leur apparition en avril dernier, "ces nouveaux avis de contravention n'ont tout simplement aucune existence juridique. Complètement infondés, ils ne sont absolument pas prévus par les textes. En clair, ils sont totalement illégaux !"
Comment le Centre de Rennes a-t-il pu en arriver là ? "Ah, mais c'est considéré comme un vrai succès en interne !", nous lâche un interlocuteur bien informé au ministère de l'Intérieur. "Les entreprises n'ont pu que prendre le pli et se mettre à la désignation systématique. Les conducteurs concernés ne peuvent plus échapper au retrait de points, comme cela se passait trop souvent avant, et pour nous, c'est évident que cela va rejaillir sur leur comportement : ils vont redoubler de vigilance, lever le pied, et ça ne peut être que bénéfique pour la Sécurité routière"… Ah, nul doute, vu comme cela, la recette ne manque certainement pas d'efficacité !
Mais aller réclamer 450 euros – "au taux minoré", soit pour un paiement dans les 30 jours au maximum, sinon l'amende passe à 675 euros, et même à 1 875 euros en cas de paiement hors délais – de manière ainsi complètement indue, juste parce que cela devrait faire son effet, c'est un peu limite pour justifier un tel procédé dans notre État supposé de droit.
Plus de 500 000 PV pour NDC en moins d'un an !
Pour autant, les pouvoirs publics n'y sont pas allés de main morte : selon nos informations, en huit mois, plus d'un demi-million de prunes pour NDC auraient été ainsi dressées par le Centre automatisé de constatation des infractions routières de Rennes (Cacir), dont la mission ne concerne normalement que les infractions "relevées au moyen des systèmes de contrôle automatique", autrement dit des radars, et aucunement les autres fautes de conduite ou ce qui peut en découler comme ces "non désignations de conducteur".
Or, la plupart de ces contraventions pour NDC - des PV susceptibles ainsi d'être jugés totalement illégaux ! - auraient été payées, sans sourciller, dans les plus brefs délais. Seul un faible pourcentage aurait été contesté. Mais pour finir, si l'État était contraint de rendre toute cette manne que l'on peut évaluer, au bas mot, à 225 millions d'euros ? Les avocats Frank Samson et Adrien Weil, spécialistes aussi en droit des infractions routières, ont en tout cas décidé de s'y atteler. Ils lancent une plate-forme sur Internet pour regrouper le plus d'entreprises prêtes à réclamer que les sommes payées à tort leur soient remboursées. Le slogan est simple : " Erreur de l’administration ! Demandons le remboursement intégral des PV sociétés pour non désignation !"
Pour rappel, depuis le mois d'avril, Rennes envoie systématiquement des avis de contravention pour "non désignation d'un conducteur" (NDC) aux entreprises – ou supposées telles - dont les patrons ont réglé des amendes radar, soit des PV qui concernaient un excès de vitesse ou un feu rouge grillé constaté dans le cadre du contrôle automatisé. Pourquoi ? Parce qu'en procédant ainsi à leur règlement, l'administration considère apparemment que ces entreprises ont refusé de dénoncer le responsable de l'infraction. Et Rennes en a profité pour mettre en application le nouvel article L121-6 du Code de la Route entré en vigueur au 1er janvier dernier, tout en ayant la bonne idée de quintupler les montants des amendes prévues par ce texte : de 135 euros, au taux forfaitaire, on est passé à 675 euros… Comme ça, d'un claquement de doigt !
Une situation ubuesque
Selon ce nouvel article, quand un véhicule de société est flashé, le représentant légal de cette société doit "indiquer (...) dans un délai de quarante-cinq jours (…) l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre événement de force majeure"… Et "à moins qu'il ne sache vraiment pas qui conduisait, ou même surtout que ce ne soit pas lui-même qui conduisait", pourrait-on rajouter... Sauf que ça, apparemment, Rennes ne veut absolument pas l'entendre.
Le Centre envoie des amendes radars en indiquant des délais de paiement et en précisant bien qu'un retrait de point(s) est encouru, mais si leur destinataire est "un représentant légal" de telle ou telle entreprise, ce dernier est prié de comprendre qu'il ne faut surtout pas payer ! Quand bien même c'est lui le fautif et qu'il est prêt à reconnaître sa faute en payant l'amende… Non, ce qu'il doit faire, c'est dé-non-cer ! Un tiers ou lui-même, peu importe, du moment qu'il se limite à retourner à Rennes une identité précise avec un numéro de permis de conduire valide, afin que les agents surplace n'aient surtout pas à faire leur boulot, c'est-à-dire à mener des enquêtes… Tout doit être automatisé et c'est aux chefs d'entreprise, désormais, de faire le travail de police, et ce, même quand ils sont tous seuls dans leur boîte. Les professions libérales ou même les auto-entrepreneurs en savent quelque chose.
La situation est tellement ubuesque que le Défenseur des droits, vu " l’accroissement exponentiel des réclamations relatives aux conditions d’application du nouvel article L121-6" s'est décidé à alerter le gouvernement pour lui demander un peu plus de clarté. Si peu… Reste à voir comment les juges accueilleront ce nouveau contentieux. Selon les échos que nous avons eus, il n'est malheureusement pas dit qu'ils se précipitent à rendre leurs décisions ! Affaires en tout cas à suivre sur Caradisiac.
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