Puces électroniques européennes ? Un fol et vain espoir
Face à la pénurie de semi-conducteurs, les équipementiers réagissent et comptent bien fabriquer des puces en Europe. L’inflation du prix des voitures lié au manque de ces chips devrait donc cesser. Sauf que non, car ces petites pièces made in chez nous seront beaucoup plus chères que leurs sœurs asiatiques. De plus, elles seront moins performantes.
Deux ans que ça dure. Deux ans que le prix des voitures neuves explose. Une inflation liée au manque de matières premières certes, mais aussi au manque de semi-conducteurs, ces pièces de plus en plus essentielles dans les voitures modernes. Car, si une auto thermique classique d’aujourd’hui n’en utilise qu’une centaine, une hybride en ingurgite 400. Dans le cas d’une voiture électrique, c’est bien pire, elle a besoin de pas moins de 700 chips pour fonctionner.
Pour les PC, c’est la même histoire. Et depuis le début de la crise sanitaire et l’explosion du télétravail, les ventes d’ordinateurs personnels ont passé la surmultipliée. Résultat des courses : les fabricants de semi-conducteurs, très majoritairement Coréens, Chinois et Taïwanais sont submergés par la demande et les délais de livraison se sont allongés comme jamais. En plus, ils privilégient leurs marchés locaux.
Le réveil européen
Bien sûr, l’Europe et les États-Unis fabriquent aussi des puces, mais pas de quoi éviter l’effondrement de la production automobile, et donc des ventes. Car sur le vieux continent, seule 20 % de la demande est assurée localement. L’Occident, trop longtemps attiré par les sirènes orientales et leurs prix bas n’a rien vu venir et n’a jamais développé cette industrie. Jusqu’à la crise.
Mais Bruxelles a fini par se réveiller en ouvrant son porte-monnaie. 30 milliards sont posés sur la table. Un tour de magie beaucoup plus efficace que des promesses et qui a le pouvoir d’attirer les industriels. C’est le chips act dont l’objectif est clair : d’ici 8 ans, l’Europe doit produire non pas 20 % de la demande locale, mais 20 % de la demande mondiale grâce à ces aides massives. Et les équipementiers volontaires ne manquent pas. Intel, STMicroelectronics et l’Américain. GlobalFoundries ont répondu présent.
Non seulement, les trois géants vont puiser dans les aides européennes, mais ils rajoutent au pot. Intel s’offre, pour plus de 10 milliards, une usine de puces en Allemagne et un centre de R&D sur le plateau de Saclay en région parisienne. Plus prudents, ST Microeelctronics et GlobalFoundries se sont acoquinés pour faire usine commune. Elle est en chantier du côté de Grenoble, en profitant, au passage, outre des aides européennes, de subventions françaises.
Ces unités de production devraient donc être opérationnelles entre 2024 et 2026 et il en sera enfin terminé de la pénurie actuelle. Plus que quatre ans maximum avant de sortir du marasme des ventes de voitures neuves (en baisse de 7,8 % en France en 2022) lié aux prix stratosphériques des autos et aux délais à rallonge. Mais si tout était aussi simple, l’économie française, et européenne, serait rayonnante comme au temps des trente glorieuses. Car les industriels qui se lancent dans l’aventure des puces ont déjà prévenu leurs futurs clients et les investisseurs publics. Non seulement, les puces électroniques européennes seront beaucoup plus chères que les Asiatiques (une hausse de l’ordre de 30 à 40 %), mais en plus, ces chips de chez nous seront moins performantes, le retard technologique de l’Occident ayant fait son œuvre. Intel va jusqu'à avouer que ces futures puces comportent 12 nanomètres quand ces concurrents extrèmes orientaux se contente de trois nanos surpuissants.
Les puces européennes, une chimère financière ?
Acheter des puces plus chères, moins bonnes, mais disponibles et européennes. Voilà donc le dilemme auquel vont être confrontés les constructeurs européens. Et on a une petite idée sur la manière dont ils vont le résoudre, puisque leur patriotisme économique s’arrête généralement au seuil de leur bilan comptable et à la porte de l’efficacité de leurs autos.
D’autant que les fabricants de puces asiatiques accélèrent eux aussi, en développant de nouveaux modèles encore plus redoutables et en investissant en masse pour en accélérer la production et fournir leur marchandise en temps et en heure au monde entier. Le TaiwanaisTSMC, leader mondial, débarque en Arizona pour les fabriquer dans une usine flambant neuve qui va lui coûter 40 milliards de dollars. Que restera-t-il des milliards d'euros investis dans les semi-conducteurs européens à ce moment-là ? On ose espérer que les industriels qui les fabriquent comblent leur retard et réussissent à en abaisser les coûts d’ici 4 ans. Un fol espoir.
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