Prix des carburants en Angleterre : le royaume de Kafka
On se dit souvent que notre administration est lente et retorse. Mais en traversant le Channel, on s'aperçoit que nos amis britanniques ne sont pas épargnés. La preuve par cette aventure vécue par une enseigne de stations-service qui a eu le culot de vouloir baisser le prix de l'essence sur les autoroutes anglaises.
Les automobilistes britanniques sont comme nous. Hormis le fait qu’ils roulent, bien entendu, du mauvais côté de la route, ils recherchent, comme tous leurs congénères, l’essence la moins chère au moment de faire leur plein. Cette logique, Ken McMeiken, la connaît d’autant mieux qu’il est directeur général de Moto Hospitality, qui gère 70 stations d’autoroute et s’aperçoit que ses clients potentiels fuient ses stations pour aller se servir au supermarché le plus proche. D’où un logique manque à gagner.
Le plein sur autoroute au prix du plein au supermarché
Ni de une ni de deux, le garçon, arrivé à la direction opérationnelle de l’entreprise il y a trois ans, s’en est ouvert à son PDG. Chiffres à l’appui, il lui a expliqué qu’en baissant le prix du litre de 10 à 15 cts, les clients, telles des brebis égarées, allaient revenir et que Moto allait largement récupérer sa mise. Banco lui dit le boss, en fixant tout de même une condition préalable : la mise en place d’une signalisation, avant chaque station, sur le bord des autoroutes.
Car il est vrai que si les prix baissent mais que personne n’est au courant, l’effort est inutile. Le PDG souhaite aussi que les panneaux en question affichent les prix des stations des supermarchés à proximité des autoroutes, histoire de leur expliquer que ce n’est plus la peine de sortir du motorway pour faire un plein pas cher. Une bonne idée en soi.
Alors Ken a pris sa plus belle plume pour demander une autorisation d’affichage à l’organisme compétant, à savoir le ministère des transports, comme il l’explique à nos confrères britanniques d’Auto Express. Quelques mois plus tard, la réponse tombe, et elle n’est ni favorable, ni défavorable : Moto peut tester son dispositif, pendant un an, à un point précis, sur la motorway M5 à Frankley North, près de Bristol. Soit, le DG de Moto, bonne pâte, pense que s’il faut en passer par là, et attendre encore un an pour poser des panneaux près des 70 stations-service qu’il gère, le jeu en vaut toujours la chandelle.
Une année se passe et le bilan de l’affaire est on ne peut plus favorable. Le panneau numérique à affichage variable de Bristol donne toute satisfaction, aux clients, au gestionnaire de stations-service qui voit ses pompes tourner à plein régime et même au secrétaire d’État chargé des transports qui félicite personnellement Ken McMeiken. Ce dernier se dit alors qu’il est au bout de ses démarches administratives, qui remontent déjà à un an et demi, et qu’il va pouvoir équiper les abords de ses 70 stations dans la foulée.
Un an de test pour l'installation de chaque panneau
Mais il n’est pas au bout de ses peines. S’il peut installer son panneau numérique sur la M5, à l’endroit précis du test, ainsi qu’un second sur la M4 à Leigh Delamere, dont les conditions sont similaires, les autres devront attendre. Attendre quoi ? Une autorisation, qu’il pourra éventuellement obtenir, à la condition de tester, pendant un an, chaque panneau, un par un.
Évidemment, Ken a tenté d’accélérer les procédures. Il a fait le siège des ministères et de la direction des routes pour obtenir gain de cause. Il a toujours été reçu très poliment et on lui a toujours répondu que l’on comprenait son problème. Mais ses affaires n’ont pas avancé d’un iota. Las, McMeiken a néanmoins baissé le prix de l’essence dans ses stations, en se fendant d’un peu de pub pour le faire savoir. Mais au bout de quelques mois, il a renoncé. Le trafic dans les stations avait bien augmenté un peu, mais, selon lui, pas suffisamment pour rentabiliser la baisse.
Alors, sur les autoroutes (gratuites) du Royaume d’Angleterre, l’essence est toujours aussi chère qu’avant. Récemment, la Competitions and Markets Authority, l’équivalent de notre DGCCRF, s’est penchée sur la question de ces prix élevés, et, en conclusion de son enquête, l’organisme reccomande une plus grande transparence des prix. Le rapport a été très officiellement remis au gouvernement britannique, qui s’est empressé de l’approuver très officiellement et dans son intégralité. « Words, words, words » disait Hamlet, le personnage d’un autre britannique : William Shakespeare.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération