Présentation - Ineos Grenadier : plus qu'à dégoupiller
A un an de sa commercialisation en France, l'Ineos Grenadier s'est laissé approcher dans son espace naturel. L'occasion pour nous de converser avec le responsable France de la marque, et de voir les entrailles de la bête.
Avant toute chose, posons les bases. L'Ineos Grenadier, même s'il devrait être utilisé par certains soldats, armées ou "prestataires" privés de sécurité - les "contractors" - à travers le monde (Ineos confirme être ouvert avec les forces armées pour des contrats d'approvisionnement), il n'a en fait aucun lien avec les "grenadiers", cette classe spécifique de l'armée de terre. En fait, le choix du nom a une origine plus exotique : les hommes à l'origine du projet s'étaient en effet réunis dans un pub londonien dénommé, je vous le donne en mille... Grenadier. Un des lieux fétiches de Ratcliffe. Rien de plus simple !
Jim Ratcliffe, le puissant milliardaire à la tête de l'entreprise Ineos, est un passionné d'automobile. Il possède d'ailleurs le deuxième Defender de l'histoire produit par Land Rover, c'est dire si l'homme est personnellement impliqué dans l'affaire. A l'image d'un Elon Musk "geek riche de la Silicon Valley", Ratcliffe le roi du pétrole se fait donc un caprice de riche en lançant sa propre marque automobile, à son image.
Oubliez les kWh, le lithium-ion, les puissances de charge aux bornes, l'Ineos Grenadier prend tout ce qui se faisait de mieux dans "l'ancien monde" en matière de tout-terrain et d'aventure et tente de le porter à son paroxysme : un moteur à combustion, une boîte automatique et une transmission intégrale permanente musclée. Ratcliffe aime en fait tellement le Defender qu'il a voulu en fabriquer un, à son image, et surtout, loin de la nouvelle mouture signée Land Rover, qui semble tant décevoir les clients habituels. A ce sujet, la fédération française de 4x4 présente à Valloire nous a confié qu'une bonne partie des membres sont particulièrement déçus de l'orientation prise par Land Rover sur le Defender : "plus un SUV qu'autre chose", a-t-on pu entendre cela tout au long de la journée chez les puristes. Le Defender est donc mort, vive le Grenadier.
Parfait, sur le papier
Ineos étant parti d'une feuille totalement blanche, il fallait évidemment faire appel à des partenaires extérieurs pour le développement de ce Grenadier. La partie mécanique est à la charge de BMW qui fournit des B57 et B58. Le premier est un six cylindres en ligne diesel 3.0 et le second est un six cylindres essence biturbo. Les puissances exactes ne sont pas connues, mais ne vous attendez pas aux niveaux de ceux que l'on trouve chez BMW, puisque les cartographies ont été revues pour diminuer la puissance et augmenter le couple, notamment à bas régime. Le B58 devrait être légèrement sous les 300 ch et le B57 à un peu plus de 200 ch.
Côté transmission, c'est une ZF automatique à convertisseur et huit rapports qui est de la partie, avec, bien entendu, un radiateur de boîte, logé dans l'aile avant. Elle est associée à une boîte de transfert somme toute assez classique transmettant la puissance aux essieux qui, eux, sont fournis par le spécialiste italien Carraro.
D'un point de vue mécanique, Ineos a clairement vu grand pour l'ensemble des organes. Même si nous n'avons pas eu le détail des dimensions de ponts, ils sont généreusement taillés et connectés par des arbres de transmission particulièrement massifs. Tout ceci a une incidence sur le poids puisque le Grenadier devrait afficher un joli 2400 kg sur la balance à vide. En revanche, la maintenance ne devrait pas être aisée pour tout ce qui touche à la transmission, mais c'est le prix à payer pour crapahuter à la dure sans craindre la rupture d'arbre sur un passage ventral trop optimiste.
Notre prototype du jour ne disposait pas des ponts définitifs. Ils ne pouvaient donc pas être bloqués (seul le blocage central était fonctionnel), mais même sans verrouillage des trois points de distribution du couple, l'Ineos est presque désolant de facilité sur les passages techniques. Il reste à voir ce qu'il vaut en passage de gué et dans la boue épaisse, même si cela est aussi très dépendant des pneumatiques, gonflés à 1,5 bar lors de notre virée.
Le pilote du jour, un ancien du Camel Trophy, n'y était probablement pas non plus pour rien, mais nous avons été particulièrement étonné par le maintien de caisse et le bon confort du Grenadier en franchissement. Les autres véhicules du jour qui passaient sur la piste d'essai (en majorité des Toyota Land Cruiser hauts sur pattes, mais aussi des Nissan Patrol, Mitsubishi Pajero, Jeep Wrangler et même quelques Dacia Duster 4x4) secouaient leurs occupants comme des cocotiers. Pas nous, quelle sérénité ! Nous ne serions pas allés jusqu'à tenter de tenir un verre de Guinness rempli à ras bord sans en verser une goutte, mais les suspensions multibras (avec ressorts et amortisseurs séparés) se sont montrées très convaincantes.
Il faut aussi souligner la douceur et le relatif silence du six cylindres diesel BMW qui particient à une étonnante ambiance presque "cosy" à bord. Il reste cependant encore beaucoup de travail à Ineos pour peauffiner la gestion de boîte qui était parfois dans les choux et donnait des à-coups (lorsque le Grenadier ne calait pas carrément à tres basse vitesse au lâché de gaz).
Le prototype 126 n'est qu'une petite étape sur la fin du développement du Grenadier qui ne sera pas commercialisé avant le mois de septembre 2022 en France. En tout cas, malgré les défauts et les soucis de mise au point, le 4x4 anglais s'est déjà montré très convaincant. L'engouement du public a par ailleurs été impressionnant durant notre demi journée à bord du Grenadier : il est reconnu, et déjà demandé.
La fonction avant le design
A l'intérieur, tout est fonctionnel. Les commutateurs sont nombreux, peut-être un peu trop d'ailleurs, avec une sensation de "fouilli" nous ramenant à une époque où nous avions un bouton pour une fonction.
Certains nous paraissent d'ailleurs un peu utiles : les commandes pour choisir les modes "passage de gué" ou "montagne" sembleraient presque superflus tant les capacités paraissent déjà hors normes avec la simple gestion des gammes longues/courtes et des blocages de différentiels.
L'impression à bord est globalement plutôt bonne en termes de construction. Les vis apparentes ne choquent pas sur un tel véhicule qui se doit d'être réparé et nettoyé facilement. D'ailleurs, l'ensemble du plancher de la version utilitaire (à fond totalement plat) est dans un matériaux synthétique lavable au jet, avec des buses d'évacuation sous le tapis.
Du côté de l'instrumentation, c'est carton plein avec un écran central qui affiche toutes les données importantes : température huile moteur et boite, ampérage et charge de la batterie, angle du véhicule en tout-terrain, pression sur la commande de freins en temps réel... Et si vous vous demandiez à quoi peut bien servir le minuscule écran faisant office d'instrumentation derrière le volant, sachez qu'il n'affichera en fait que les informations concernant les verrouillages de différentiel et activations de commandes en tout genre. La vitesse sera, elle, affichée sur l'écran central.
En dehors du sélecteur de vitesse très "BMW", le reste est brutal, carré, massif et prêt à endurer le pire. Ne cherchez pas de commande électrique pour les deux Velux au dessus de votre tête, ils s'ouvrent et se ferment à la main avec une bonne vieille charnière à verrouiller. Là encore, viril, mais fonctionnel et voué à être opérationnel en tout temps.
Le constat est le même pour la carrosserie avec des panneaux droits et une surface vitrée appréciable (même si la visibilité périphérique en tout-terrain n'est pas toujours parfaite). La plupart de mes confrères journalistes comparent déjà volontiers ce Grenadier avec le Defender, mais je lui trouve pour ma part des airs de Mercedes Classe G W463, à l'avant, surtout, à l'arrière un peu moins (les feux sont ronds sur le Grenadier).
Nous pouvons déjà parier là dessus : le Grenadier sera ainsi comparé à tous les 4x4 légendaires lors des essais à venir, l'année prochaine. Tellement, en fait, que nous pourrions presque prédire les titres de tous nos confrères. Mais les Britanniques doivent être fiers de ces corrélations flateuses, parce que le Grenadier a tenté de piocher ce qu'il y avait de meilleur dans chacun d'entre eux pour en faire un 4x4 ultime, et surtout unique.
En Europe en tout cas, en dehors du Jeep Wrangler qui revendique un esprit un peu différent, le Grenadier est seul, sans concurrent. Le responsable d'Ineos pour la France nous a confirmé que l'usine qui produira le Grenadier (en France, rappelons-le !) a une capacité de 30 000 unités par an.
Nous parions déjà que les chaînes fonctionneront à plein régime. Ineos prévoit trois versions de son Grenadier : un utilitaire sans places arrière, un "civil" qui sera impacté par le malus maximum, et un pick-up. Les prix ne sont toujours pas communiqués (nous devrions avoir un Grenadier version utilitaire, et donc sans malus, assez largement sous les 60 000 €), mais il trouvera quoi qu'il arrive son public : le Royaume-Uni serait son premier marché, mais les Américains, Australiens, Orientaux et probablement Russes tapent déjà du pied.
A la question "and then, what's next ?", les membres du staff d'Ineos ont répondu par un grand sourire évocateur, et une promesse : Ineos a une vision long termiste, le Grenadier n'est que le début de l'aventure. Sans Land Cruiser, Pajero, et autres Patrol à mettre en face du Grenadier, le franchisseur anglais raflera la mise sans efforts. L'aventure s'annonce donc plutôt bien.
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