Paris a-t-il besoin d’un maire ?
« Paris libéré », c’était il y a longtemps. Aujourd’hui, la capitale est enfermée dans la glu de son trafic et l’embolie de ses transports, envahie par les touristes et désertée par sa population. Y a-t-il un truc qui cloche ?
Petit préambule : ceci n’est pas un billet à charge contre Anne Hidalgo, la maire de Paris qui ne fait qu’appliquer la politique pour laquelle elle a été élue, elle et ses alliés verts et insoumis, en 2014 puis en 2020.
La question que je pose ici, c’est : faut-il qu’il y ait un(e) maire de Paris ? La capitale s’en est bien passée entre 1871 et l’élection de Jacques Chirac en 1977, quand elle était administrée par l’État via un préfet. Était-ce si aberrant pour la capitale d’un pays historiquement hyper centralisé ?
Depuis, donc presque un demi-siècle, ce sont les deux millions d’habitants de l’intra-muros qui décident de la gestion et de l’évolution d’une ville d’où sont gouvernés, politiquement et économiquement, les 65 autres millions de Français. Une ville où ces Français sont censés pouvoir se rendre pour tourisme, affaires ou y faire leurs études mais où ils ne viennent plus.
La France s’agrandit, Paris rétrécit
Car les habitants de Paris votent en fonction de leurs seuls intérêts. Et c’est bien normal, j’agis de même dans ma ville de banlieue, mais à une différence près, ce qui s’y décide n’a pas d’impact en dehors de ma commune.
C’est différent à Paris. Pour faire court et avant de s’intéresser au sujet qui nous concerne ici, voici une ville qui, depuis qu’elle a un maire, a perdu quasiment 10 % de ses habitants (184 000 précisément, plus que la population de Grenoble) quand dans le même temps le nombre de français s’accroissait de 13 millions.
Voici une ville où, en 21 ans de mandats socialistes, les loyers et les prix de l’immobilier ont été multipliés par presque quatre, repoussant de plus en plus loin en banlieue tous ceux qui ne gagnent pas au minimum un triple SMIC.
Pas la faute des Parisiens ? Un peu tout de même : la moindre friche qui pourrait permettre d’édifier des logements sociaux est investie et défendue façon ZAD par des riverains au nom de l’écologie. Quant à construire plus haut pour loger le peuple, l’électeur -et donc l’élu- ne veut pas.
Trafic réduit, mais pas la pollution
Quoi de neuf à Paris depuis qu’elle a un(e) maire ? Rien hormis quelques grands projets architecturaux, presque tous décidés par l’un ou l’autre des présidents de la République : musées d’Orsay et du quai Branly, Opéra Bastille, Grande bibliothèque...
Ah si, il y a eu la révolution anti-voiture.
Je n’en conteste pas le principe ; j’ai connu le Paris des années 80-90 submergé par l’automobile, atrocement pollué et ce n’était pas le bon temps, même si je pouvais garer ma voiture en un seul tour de pâté de maisons ou ma moto sur le trottoir d’en face.
Pourtant, il y a un truc qui cloche : je lis qu’entre 2002 – année de l’élection de Bertrand Delanoë et des premières mesures - et 2022, le trafic automobile a diminué de moitié : de quasiment 1 200 voitures par kilomètre et par heure à 600 en 2022. Le trafic a certes été divisé par deux, mais pas le nombre de véhicules : c’est le ralentissement de leur circulation qui explique cette diminution et en fait les bouchons n’ont fait qu’augmenter pour atteindre ces temps-ci un niveau apocalyptique.
De ce fait, la pollution n’a, elle, pas été réduite de moitié pendant ces 20 ans. Certains polluants comme le CO ont presque disparu, mais c’est grâce au renouvellement du parc automobile, d’autres stagnent ou ont augmenté.
Un spectacle sauvage
On est loin de la circulation douce et apaisée que ne cesse d’invoquer la mairie tels des lendemains qui chantent. La réalité, c’est une foire d’empoigne où piétons, trottinettistes, cyclistes, scootéristes, motards, automobilistes, chauffeurs de bus et de camions se pressent et s’oppressent dans un espace sans cesse plus contraint et hostile.
Comment en est-on arrivé là ? De façon très simple : en réduisant la place de la voiture et de la moto, tant côté circulation que stationnement, mais sans offrir de solutions alternatives aux banlieusards qui n’ont pas toujours d’autre solution pour venir travailler.
Car les transports en commun franciliens sont saturés et le deux-roues à moteur, qui était la variable d’ajustement - et en fait les roues de secours - du trafic parisien depuis 20 ans est désormais lui aussi combattu à coups de rétrécissements de chaussée, d’interdictions de béquiller et de stationnement payant.
Quant au vélo dans lequel furent placés tous les d’espoirs de la municipalité, il stagne après son boom d’après Covid. C’est que les pistes cyclables ne font pas envie… En plus des dangers de leur conception parfois imbécile, elles sont devenues une autre jungle, moins bruyante mais plus effrayante encore que celle des motorisés d’à-côté. Une caricature du trafic parisien, avec en plus les différences de vitesse entre vélos musculaires et électriques, et en moins les clignotants et le Code de la route.
Un spectacle sauvage mais assez bref, une grosse heure le matin, deux petites le soir, et seulement quand la météo n’est pas trop moche ; le reste du temps, les pistes offrent le spectacle désolant de leur vacuité à côté de bouchons monstres.
Le vacarme des valises à roulettes
Je ne vous parle pas ici de qualité de la vie, mais d’efficience économique. Car cette embolie tue peu à peu la capitale française qui mérite de plus en plus son surnom de ville-musée.
En dehors du tourisme et du commerce, l’activité économique périclite : les artisans de banlieue ne veulent plus passer le périphérique, au contraire des PME qui s’évadent car on ne peut plus travailler à Paris faute de pouvoir s’y déplacer, faire venir des clients, voire tout simplement des salariés.
Quant au tourisme, il est devenu à la fois la plaie et le pansement.
La plaie par la multiplication des meublés type airbnb qui font de certains quartiers des résidences hôtelières désertées de leurs habitants et d’autres, de véritables centres commerciaux ou acheter un steak et des patates relève de l’impossible.
Ceux qui persistent à y vivre doivent en prime supporter une nuisance sonore jamais dénoncée alors qu’elle vaut bien celle des scooters : l’insupportable vacarme des dizaines de milliers de valises à roulettes qui résonnent dans les rues et les courettes de tôt le matin à tard le soir. J’ai un copain qui a quitté son Montmartre natal rien que pour ne plus les entendre.
Le pansement car désormais, le tourisme représente directement 20 % du PIB et 15 % des emplois d’une ville qui ne vivrait plus sans eux.
La capitale n’attire plus les Français
Je vous parle de touristes étrangers car les Français des régions n’y viennent plus que par obligation pas par plaisir, beaucoup de professionnels en témoignent. D’abord, parce qu’on ne peut plus y venir qu’en train et y circuler qu’en métro et que ça ne fait pas rêver. Ensuite parce qu’y dormir et y manger est devenu un luxe. Enfin parce que « leur » capitale, sale, enlaidie de palissades et de tags ne les fait plus rêver.
Il en résulte que jamais dans l’histoire du pays, on n’a vu une telle coupure entre Paris et la France, jamais les Parisiens, par leurs us et coutumes, leurs opinions et leurs revenus n’ont autant différé des habitants de ce que l’on nomme désormais les « territoires ».
Ceci est le bilan de 46 années d’administration de Paris par les seuls parisiens. Je me demande s’il n’est pas temps de redonner les clefs de l’Hôtel de ville à l’État… ou de faire élire son (ou sa) maire par l’ensemble des Français.
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