Moustache J.all : les concepts de SUV et trail peuvent-ils s’appliquer au vélo ?
Moustache a proposé quelque chose d’unique en matière de vélo récemment, avec un cadre ouvert dont le moteur est situé sur le bras oscillant. Résultat, un gabarit énorme, un style baroudeur, un poids élevé, une position de conduite très haute et un tarif salé. Tous les ingrédients du SUV et du trail sont réunis et on se demande donc si ce concept fait sens sur un vélo.
En septembre dernier, le constructeur de vélos électriques Moustache a dévoilé un modèle apportant deux innovations majeures pour la marque : la première vient de la fabrication en France du cadre réalisé en 2 parties et la seconde, un style tout suspendu dont le moteur est positionné dans le bras oscillant. Pour cela, nous avons souhaité vérifier si le modèle J. all qui symbolise le concept de SUV/trail appliqué au vélo offrait quelque chose de plus. Résultat : oui du confort, mais aussi beaucoup de poids.
Un vélo surdimensionné
Le Moustache J.all pèse 33 kg en incluant les garde-boue métalliques, le porte-bagages et les pneus énormes Schwalbe Johnny Watts de 27,5 pouces de diamètre pour une largeur de 6,6 cm, la fourche de VTT Suntour XCR 34 offrant 120 mm de débattement et une suspension centrale Magic Grp maison de 115 mm de débattement ajustable selon le poids.
La transmission pèse également son poids, entre le moteur Bosch Performance Line de 75 Nm de couple et la solution par courroie Enviolo.
Évidemment, la batterie de 625 Wh ajoute 3,6 kg à un poids déjà conséquent.
La selle trône bien haut. Pour monter dessus sans brevet d’escalade, Moustache a pensé à ajouter une tige de selle télescopique. Et il faudra bien prendre soin de la baisser AVANT de descendre du vélo. Sinon vous allez lutter pour monter dessus.
Bon point, le porte-bagages est situé sur la partie suspendue et permet à votre mini-passager ou vos courses de bénéficier de l’amortissement maison toujours aussi remarquable. De quoi préserver vos œufs.
Moustache J.all : comme un trail utilisé uniquement sur route
Voilà pour la liste. Dans le monde réel, ces propositions oscillent entre idée judicieuse et contrainte inutile. Dans cette version « All », le J embarque par exemple des pneus Johnny Watts. Leur particularité réside dans une structure hybride : les côtés sont armés de crampons comme les pneus d’un VTT, assez épais d’ailleurs, plutôt adaptés aux sols meubles humides. Mais la bande de roulement est fine pour faciliter le roulage du vélo. D’ailleurs, un lecteur avait commenté (oui nous vous lisons J) qu’à la moindre sortie, un silex entaillerait la gomme en 2.
Oui évidemment et c’est tout le souci. Essayé sur sol boueux, le pneu adhère mal voire pas du tout à la boue. Sur sol lisse, un pneu pourrait offrir un meilleur roulement avec un Super Moto X qui équipe le Moustache J.on justement. Idem pour le gonflage : il faut augmenter la pression à 3,2 bars pour réduire la largeur du pneu à la seule bande de roulement et augmenter l’efficience. Mais lors d’un tour en forêt sur sol de terre humide, même en diminuant la pression à 2 bars afin que toute la largeur du pneu soit en contact avec le sol, l’adhérence était moins bonne que sur le VTT Sunn Flash S2 chaussé en Python (qui sont loin d’être bons) offrant un meilleur grip.
La suspension avant Suntour XCR34 offre un bon débattement et s’avère bien calibrée pour gérer les efforts d’un aussi gros vélo. Elle est totalement en accord avec la Magic Grip centrale maison et couvrira aussi bien les séances en forêt que les sessions en ville. Mais dans ce dernier cas, on aura tendance à la verrouiller pour optimiser un peu l’effort. Car ce côté tout suspendu est aussi confortable que gourmand en énergie.
Comme vous le savez, les VAE ont une assistance qui se coupe après 25 km/h. Cet arrêt se ressent beaucoup et ce, malgré la douceur de la transition des moteurs Bosch. Emmener les 33 kg au-delà demande un effort considérable pour un résultat inutile.
Pour les freins, le test est radical : la fameuse montée mentionnée plus haut sert également de descente. On y prend aisément 50 km/h (l’assistance se coupe mais vous pouvez toujours pédaler et utiliser les lois de la physique). À cette vitesse, 54 km/h pour être exact et en descente, avec un « cycliste » de 100 kg, il fallu 14 pas d’un mètre de longueur environ pour s’arrêter. On est dans une très bonne moyenne pour un tel poids.
Mais alors à quoi sert tout ça ? Au confort !
Le confort procuré par le Moustache J.all vous conduit dans un autre monde. Ce vélo est clairement le meilleur ami des fesses sensibles, des jeunes passagers sur sièges enfants et du transport de boîtes d’œufs. Si le tapis volant d’Aladdin était un vélo, ce serait ce J.all.
À ceci s’ajoute une position de conduite un poil dynamique qui appuie quelque peu sur les bras pour répondre aux besoins du hors-piste. Mais on se retrouve à la fois trop incliné pour rouler en douceur sur route et trop droit pour s’amuser en forêt. Il n’empêche qu’on chipote un peu et qu’enchaîner des sessions de plusieurs kilomètres avec a été un régal de confort.
Une consommation plus élevée que la moyenne
Trail, SUV et Moustache J.all : tous ces engins paient en consommation leur surpoids et tailles de pneu conséquentes. Le J.all en mode turbo se contente d’un modeste 43 km avec toujours un quintal sur la selle. La température était clémente et il faudra retirer facilement 5 km lorsque les températures seront sous les 10 °C.
Un lecteur souhaitait la consommation en Wh/km et la voici : 14,53 Wh/km en mode Turbo ou, en équivalent automobile : 1,453 kWh/100 km. Notez tout de même que le mode Auto qui est très bien fait et s’adapte parfaitement à l’effort du cycliste consomme moins et a permis à deux reprises de couvrir des distances de 57 km et 54 km. Soit une consommation de 10,96 Wh/km.
À titre indicatif, avec le même moteur, une version plus légère de chez Moustache consomme presque deux fois moins.
La recharge prend 4 heures pour un 0 % - 100 %. Notez que la puissance ne faiblit pas et ce, jusqu’à ce que la batterie soit à zéro.
Un système connecté efficace en mode smartphone
Moustache propose le système Bosch Smart System : une application disponible sur Android et iOS qui permet de configurer son vélo, d’enregistrer ses parcours, d’afficher un guidage GPS.
C’est fluide, stable, le contrôle via la télécommande du vélo apparaît immédiatement sur le smartphone car oui, notre utilisation s’est basée sur le support smartphone et donc l’application idoine.
C’est amusant car à l’instar de l’automobile, cette proposition de vélo connectée est totalement dispensable mais fonctionnelle.
Conclusion : la polyvalence coûte cher
La superbe finition, le design amusant, le confort exceptionnel et la fabrication locale ont un coût : un poids élevé et un prix qui, dans notre configuration coûte 6 449 euros. C’est beaucoup trop pour l’usage auquel il se destine.
C’est un chouette VAE facile à vivre, mais le prix le place à un niveau hors sol. Ajoutez que sa conception rend l’attache d’antivol compliquée, ce qui le cantonne à des endroits sécurisés.
Finalement, le vélo suit l’automobile et la moto : des engins démesurés, statutaires, agréables et confortables évidemment, mais qui retirent beaucoup de rationalité à l’achat pour en rajouter beaucoup sur le discours très marketing de la polyvalence. Une polyvalence qui est trop rarement exploitée et à laquelle la réponse n’est pas suffisante lorsqu’on se prend vraiment au jeu.
Moustache a produit un beau vélo et l’a produit, pour le cadre, en France. En proposant un concept novateur qui offre un confort jamais atteint sur vélo jusqu’à présent. Si vous optez pour le J.all vous ne serez pas déçu, mais il faut accepter de débourser le prix de deux bons vélos à assistance électrique ou celui d’une moto neuve. À un moment, on ne peut plus se permettre de comparer les usages. D’autant que ce J.all a, avant tout, une vocation utilitaire.
Ainsi, pour répondre à la problématique de départ, oui, le concept de SUV ou de trail s’applique très bien au vélo et s’accompagne de tout le côté statutaire et confortable, au détriment d’un tarif prohibitif et d’une polyvalence discutable qui font également défaut à l’automobile comme à la moto.
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