Maserati Ghibli II (1992-1997) : un nom et un moteur magiques, dès 15 000 €
Dernière évolution de la Biturbo à deux portes, la Ghibli II en corrige la plupart des défauts tout en portant la puissance à des niveaux impressionnants. Peu connue, elle se déniche à des tarifs très intéressants, mais attention, il faut l’acheter avec mille précautions.
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Maserati Ghibli II est-elle collectionnable ?
La Ghibli II est la dernière Maserati équipée d’un V6 100 % maison. Ce bloc disponible en deux cylindrées sur ce modèle procure un agrément et des performances exceptionnels. Par ailleurs, la carrosserie, bourrée de caractère, a été restylée par un grand nom du design : Marcello Gandini. Enfin c’est à la fois une auto rarissime au pedigree prestigieux, aux prestations hors du commun et au prix à peu près abordable. Plus exclusif à ce tarif, ça n’existe pas !
On a beaucoup glosé au sujet d’Alejandro de Tomaso, pilote de course argentin devenu homme d’affaires. Installé en Italie, il crée une marque qui porte son nom dans les années 60, puis rachète Maserati en 1976, pour la relancer. L’Argentin perçoit qu’un modèle à gros volume sera providentiel pour la firme au trident. De plus, la crise du pétrole a durement impacté le marché des grandes GT, aussi décide-t-il de descendre en gamme et concurrencer une petite berline bien motorisée qui connaît un grand succès : la BMW Série 3. Mais cela demande de gros investissements, aussi, très malin, parvient-il à convaincre le gouvernement italien de lui financer l’usine qui fabriquera en série sa future sportive compacte.
Les études de celle-ci débutent en 1977, et, rapidement, de Tomaso décide de la doter d’un V6 à 90°, comme sur la berlinette Merak, mais en plus simple. Pour une puissance digne de Maserati, on a une idée encore avant-gardiste à l’époque : lui greffer un turbo. Cet organe pose cependant des problèmes, notamment une arrivée brutale de la puissance quand il se met en route, surtout quand sa pression de suralimentation est élevée, due à son inertie. Qu’à cela ne tienne, au lieu d’installer un gros turbo, on en mettra deux petits, plus réactifs donc garants d’une bonne progressivité du moteur. Personne n’avait alors osé ceci sur une voiture de série !
Côté carrosserie, c’est le designer de de Tomaso, Pierangelo Andreani, qui est à la manœuvre. Il s’inspire de la grande berline Maserati, la Quattroporte, qu’il réduit et affine. Pour le châssis, on a lorgné du côté de Munich puisqu’on retient à l’avant des jambes McPherson, qui dégagent beaucoup de place en largeur sous le capot, et des bras obliques indépendants à l’arrière, un ensemble rappelant furieusement la Série 3. L’auto demande beaucoup de travail de mise au point, mais de Tomaso est pressé, les finances de ses marques étant dans le rouge. Finalement, la voiture est présentée le 14 décembre 1981 : c’est la Biturbo. Discrète, elle cache un V6 2,0 l de 180 ch, aussi puissant que le flat-six 3,0 l d’une Porsche 911 SC !
L’habitacle de la Maserati se distingue par son luxe exubérant, et comme le prix d’achat est raisonnable, l’auto connaît un grand succès initial : les ventes de Maserati sont multipliées par près de 10 ! Mais, rapidement, sa mise au point hâtive se manifeste : comportement routier incertain, fiabilité douteuse…
Aussi, pour éviter la déroute, la Biturbo va devoir évoluer presque en permanence et se décliner en un nombre de versions tel qu’il faudrait plusieurs ouvrages pour les décrire. Berline à deux et quatre portes, coupé, cabriolet, spider, cylindrée portée à 2,5 l puis 2,8 l, restylages… Cahin-caha, la Maserati parvient à une jolie maturité tant par sa fiabilité que ses qualités routières, qui s’incarne en 1992 dans la Ghibli II. Celle-ci récupère le 2,0 l de 306 ch équipant la barquette de course Barchetta. 153 ch/l, c’est une puissance spécifique extraordinaire ! Côté châssis, l’empattement du modèle originel est conservé, mais la coque est renforcée et montée sur des trains roulants affûtés. Le tout s’habille d’une carrosserie au style très particulier, dérivant de celui de la Shamal, une sorte de Biturbo raccourcie, mue par un V8 et redessinée par Marcello Gandini en 1989.
Ghibli, ce nom parle aux passionnés, car c’est celui d’une grande GT de Maserati, rivale de la Ferrari Daytona. Magnifiquement dessinée par Giorgetto Giugiaro, elle est connue des cinéphiles pour ses belles apparitions dans le film La Piscine, avec Alain Delon, Romy Schneider, Maurice Ronet, Jane Birkin…
Évidemment, la Ghibli II n’a strictement rien de commun avec elle, mais elle ne démérite pas. Elle dispose en effet d’une boîte à six rapports Getrag, d’un amortissement piloté Koni et d’un différentiel à glissement limité Ranger. Seulement, elle est extrêmement chère : 397 310 F en 1993, soit près de 87 000 € actuels. Et, accessoirement, 100 000 F de plus que pour une BMW M3 ! Les acheteurs ne se pressent donc pas, malgré l’apparition en 1993 d’une version 2,8 l moins puissante mais plus forte en couple, disponible soit avec une boîte cinq, soit une transmission automatique à quatre vitesses.
En 1994, la Ghibli II évolue, adoptant un nouvel allumage pour satisfaire aux normes antipollution, un ABS, un train arrière amélioré et un capot aux grilles d’aération modifiées. Les jantes de 16 adoptent un dessin évoquant celui de la Merak des années 70.
En 1995, une autre mise à jour intervient. Ferrari a repris en main Maserati et corrige ses modèles, ce qui se traduit sur la Ghibli II par un train arrière renouvelé, monté sur un berceau désormais tubulaire et doté du différentiel de la Ferrari 456. Les jantes passent de 16 à 17 pouces pour accueillir des disques de frein agrandis, alors que les moteurs voient leur fiabilité améliorée. Extérieurement, les quatre sorties d’échappement sont remplacées par deux plus grandes, et les phares adoptent un fond noir. Renommée GT, cette Ghibli II se décline en version sportive Cup, servant à homologuer en course l’Open Cup. Forte de 330 ch, elle bénéficie d’une suspension durcie, des jantes Speedline démontables ainsi que, dans l’habitacle, d’un volant Momo et de parements en carbone.
Puis, en 1996, Maserati fournit son moteur au bateau Primatist, qui bat le record de vitesse sur le lac de Lugano (216,703 km/h). En son honneur, une série limitée Ghibli Primatist est développée, qui se signale par sa présentation Bleu Outremer et son intérieur lui aussi tout bleu…
Enfin, en 1997, la Ghibli prend sa retraite, produite en tout à 2 371 unités. Une auto très exclusive !
Combien ça coûte ?
Une Ghibli en bon état se déniche dès 15 000 €. Ce sera une 2,8 l automatique, alors qu’en manuelle, elle réclamera 2 000 € de plus, en 2,8 l ou en 2,0 l.
Les versions améliorées de 1994 demandent une rallonge de 3 000 €, alors que les GT sont plutôt à 25 000 € minimum, et les Cup à 35 000 €. Quant à la Primatist, vu le nombre infime produit, il est difficile d’en établir la valeur. Disons autour de 30 000 €, car hormis sa décoration (discutable), elle n’a pour elle que sa rareté.
Quelle version choisir ?
D’abord, celle qui aura été le mieux entretenue ! Ensuite, les GT, largement améliorées, semblent préférables, devant les restylées de 1994 et les originelles. Ensuite, entre 2,0 l et 2,8 l, ce sera selon votre préférence. Les sportifs choisiront la 2,0 l, les amateurs de conduite plus souple la 2,8 l.
Les versions collector
Toutes, à partir du moment où elles sont en parfait état. Évidemment, la Cup, par sa puissance, aura la préférence des collectionneurs, tout comme l’introuvable Primatist, en raison de sa présentation étrange.
Que surveiller ?
Qu’on se le dise, la Ghibli est une auto plutôt fiable, capable de passer les 200 000 km sans gros ennuis, mais au prix d’un entretien scrupuleux. Donc cher ! La courroie de distribution ainsi que les capteurs de PMH sont à surveiller de près, ainsi que les soufflets de direction. Ceux-ci ne sont plus disponibles, ainsi, s’ils fuient, il faudra changer la crémaillère.
Ensuite, ces autos sont anciennes, donc peuvent souffrir de la corrosion (surtout celles en provenance d’Allemagne), mais sans que ce soit dramatique, alors que le revêtement en cuir du tableau de bord peut se décoller. Enfin, on veillera à ne pas claquer le capot trop fort, sous peine de casser le verre des phares !
Au volant
C’est d’une rarissime Cup que j’ai pu prendre les commandes. En parfait état, elle totalise près de 190 000 km et n’a jamais été restaurée : la qualité de ces autos est souvent bien meilleure qu’on le dit ! Vu tout ce qu’on a écrit sur cette voiture, je l’aborde avec une certaine méfiance. Mais d’emblée, je constate que la position de conduite est impeccable, et le siège confortable.
Le moteur ? Malgré sa puissance spécifique incroyable pour 1996, il dévoile une souplesse, une douceur et une progressivité qui le rendent très plaisant en ville, adjectif qui vaut aussi pour la boîte six, très maniable. Sur route, ces qualités demeurent mais dès 3 000 tr/mn, les turbos soufflent à plein. Et, là, on est catapulté sans violence aucune mais avec un punch exceptionnel vers un nirvana préjudiciable au permis de conduire. Ça marche franchement fort, presque rageusement jusqu’à près de 7 000 tr/mn, le tout dans une sonorité raffinée et feutrée : quelle mécanique d’anthologie !
Le châssis ? Il conjugue équilibre et précision, d’autant que la direction, d’une bonne consistance, se montre communicative. Évidemment, je n’ai pas poussé l’auto dans ses retranchements, où, paraît-il, elle peut se montrer délicate, mais en conduite rapide, elle rassure plutôt. De surcroît, elle freine très correctement et garantit un confort étonnant. Une bien belle surprise que cette GT capable d’emmener quatre personnes et leurs bagages en vacances, dans un cockpit très raffiné. La consommation moyenne en conduite légale n’est même pas décourageante, à 11 l/100 km (mais vite plus du double quand on roule un peu fort…).
L’alternative newtimer*
Maserati 3200 GT (1998-2001)
Dessinée par Giugiaro, la 3200 GT est la dernière Maserati à utiliser un moteur issu du bloc de la Biturbo. En réalité, son V8 dérive de celui de la Shamal, un 3,2 l développant 370 ch. Belle, fonctionnelle, performante et raisonnablement hors de prix (537 000 F, soit 106 000 € actuels), elle rencontre un joli succès, s’écoulant à 1 000 unités en une année.
Disponible avec deux boîtes, une manuelle à six rapports, et une automatique qui en compte deux de moins, elle se décline en une série limitée Assetto Corsa en 2001, qui annonce la fin de sa production. En effet, elle évolue nettement en adoptant un V8 atmo fourni par Ferrari en fin de cette année-là, devenant 4200 GT et perdant ses feux arrière en forme de boomerang.
Au total, la 3200 GT aura été produite à 4 795 unités, dont 2 689 en transmission mécanique.
Maserati Ghibli II (1992) la fiche technique
- Moteur : V6, 1 996 cm3
- Alimentation : injection, deux turbos
- Suspension : jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV), bras obliques, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 6 manuelle, propulsion
- Puissance : 306 ch à 6 250 tr/mn
- Couple : 373 Nm à 4 250 tr/mn
- Poids : 1 365 kg
- Vitesse maxi : 265 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 5,7 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Maserati Ghibli, rendez-vous sur le site de La Centrale.
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques.
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