Lotus Eleven : un bricolage fauché devenu auto de légende
LES VOITURES LES PLUS RAPIDES DU MONDE - C'est au fond d'un petit atelier, avec quelques bénévoles, que Colin Chapman a mis eu point la Eleven, qu'il ne faut pas appeler 11. L'auto, qui ne dépassait pas 450 kg, atteignait 180 km / h malgré son tout petit moteur.
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Dans son atelier de Hethel, au fin fond de l’Angleterre, Colin Chapman fulmine. Il n’en est pas à ses débuts, il a déjà créé pas mal d’autos, et même une F1, dès 1955, mais il n’est pas encore le grand sachem du sport auto, et son célèbre « light is right » n’est pas encore sur les lèvres de tous les aficionados.
Il a déjà créé Lotus, du surnom qu’il donne à sa femme et il a quelques autos à son catalogue. Mais il sent que ceux que l’on n’appelle pas encore les gentlemen drivers souhaitent autre chose. En cette année 1956, la course auto est tendance et, surtout, de purs amateurs s’y intéressent. Chapman est persuadé qu’il y a une demande pour une auto qui offre la possibilité à son propriétaire de rouler sur la route en semaine et sur les circuits le week-end. Une sorte d’hybride qui n’existe pas et qu’il inventerait bien.
Une auto conçue par des bénévoles
Mais il est fauché comme les blés qui entourent son atelier d’Hethel. Pour autant, Chapman n’en démord pas. Comment faire ? Il emploie une petite poignée de salariés qui sont déjà bien occupés à assembler les Mark 8, 9 et 10. Et impossible de leur proposer des heures supp. car les caisses sont vides. Mais si Chapman est sans le sou, il n’est pas sans ressources ni bagout.
Alors, il va enrôler des bénévoles et va les faire rêver. À eux de créer une voiture de course en partant de rien. Ou presque. Car pour éviter une explosion de son budget qui se monte d’ailleurs à zéro livres, Chapman fait son marché, à crédit, dans les pièces anglaises existantes. Pour le reste, c'est lui qui décide, dessine et fait usiner.

Pour le moteur, le boss opte pour un tout petit Coventry-Climax de 1 100 cm3 qui développe entre 75 et 85 ch. C’est peu, mais largement suffisant pour le sorcier du poids. Car le châssis qu’il a conçu utilise un cadre tubulaire en acier sur lequel il greffe des panneaux en alu. Le résultat est juste stupéfiant : l’ensemble ne dépasse pas 31 kg.
Mécaniquement, tout est au point, avec, selon les versions, des suspensions indépendantes ou non. Reste à recouvrir tout cela d’une carrosserie. Toujours aussi fauché, Chapman ne saurait se payer les services d’un designer. Alors il s’est souvenu de l’existence d’un vieux copain. Franck Costin ne dessine pas de voitures : il est chef aérodynamicien du constructeur d’avions De Havilland, un job pas si éloigné que cela. C’est lui qui va concevoir l’étrange forme de la voiture, entre la fusée et le cigare.
450 kg seulement
La carrosserie entièrement en alu est posée sur la plateforme et la voiture complète est pesée : elle ne dépasse pas 450 kg. Chapman a gagné son pari : le rapport / poids puissance de son engin est exceptionnel et lui permet d’atteindre 180 km / h.
Mais comment l’appeler ? Après la Mark 10, la nouvelle auto devrait logiquement s’appeler 11. Problème : Chapman a peur que les clients confondent ce nombre avec le chiffre 2 en version romaine. Elle s’appellera donc Eleven en toutes lettres et en abandonnant au passage la terminologie « Mark ».
Évidemment, le petit monde du sport auto est subjugué. Car non seulement la Eleven est légère, simple et rapide, mais en plus elle est fiable. Du coup, les commandes arrivent à Hethel et Lotus est obligé de sous traiter la fabrication, et même de livrer, parfois, la voiture en kit. Elle se vendra à 270 exemplaires en deux ans, un record pour la jeune maison Lotus et gagnera sa catégorie au Mans dans une version boostée. Surtout, elle fera entrer Colin Chapman dans le cercle restreint de la course auto et l’on connaît la suite. Une suite qui a un nom : légende.
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