Les USA et le diesel : je t’aime moi, non plus
Contrairement aux idées reçues, les Américains ne sont pas fondamentalement anti-diesels. Si le carburant lourd y est mal vu, c’est d’abord la faute à des problèmes techniques… et légaux.
On a beaucoup vilipendé Audi pour avoir engagé des voitures à moteur diesel aux 24 Heures du Mans. En réalité, la marque allemande cherchait à se servir de la course mancelle, très suivie aux USA, comme halo pour ses moteurs TDI. Le but ? Augmenter grâce à ces derniers ses parts de marché chez l’Oncle Sam, plutôt réceptif en temps de crise à tout ce qui permet d’économiser du carburant.
Surtout que le Groupe VW, propriétaire d’Audi, comptait bien dans son ensemble profiter des retombées positives des exploits sportifs de ses blocs mazoutés en course, tout en les parant de vertus écologiques. Ça a d’ailleurs très bien fonctionné, jusqu’à l’invraisemblable scandale du Dieselgate… Ce fut la deuxième grande rechute du diesel outre-Atlantique, du moins pour les voitures particulières, précédée par des débuts prometteurs.
Audi n’a d’ailleurs pas du tout la primeur du diesel suralimenté en course, Cummins ayant dès 1952 fait forte impression aux 500 miles d’Indianapolis avec la Diesel Special, dotée d’un turbo qui boostait la puissance du moteur à 430 ch. Elle a donc obtenu la pole position, mais a dû abandonner sur casse mécanique après 300 km environ.
Mais dirigeons-nous vers le début des années 70. Après le livre coup de poing de Ralph Nader, les restrictions en tous genres se mettent à pleuvoir sur l’automobile aux USA. Sécurité, dépollution, limitations de vitesse…
En 1973, la guerre du Kippour éclate, suivie d’une crise du pétrole, les pays Arabes ayant décidé de fermer le robinet. En découle une hausse du prix des carburants. Le contexte est donc idéal pour l’essor des moteurs diesels, plus économiques et suffisamment performants face à des blocs à essence totalement muselés… mais toujours gourmands.
Chez GM, plus précisément au sein de la division Oldsmobile, on s’attèle alors à la conception d’un moteur diesel. On a bien testé le 2,1 l d’Opel, autre marque de GM, mais il est trop peu puissant, alors que les mécaniques des petits camions sont trop grosses. Pour une cavalerie suffisante, on sélectionne un bloc de cylindrée adaptée, le V8 5,7 l maison. Et on s’attèle à l’adapter au carburant lourd.
On évalue des dizaines de culasses différentes, on modifie le bloc, l’arbre à cames, on adopte de nouveaux pistons, on renforce les bielles… Et au final, on obtient un moteur moins de 40 kg plus pesant que celui à essence, pas tellement moins performant et surtout beaucoup plus frugal.
Finalement, cette mécanique prometteuse est lancée fin 1977 dans les Oldsmobile Custom Cruiser Wagon, 88 et 98, ainsi que dans le pick-up Chevrolet C10. En 1978, elle se retrouve même dans la Cadillac Seville, qui devient, sur le papier une concurrente sérieuse à la Mercedes-Benz 300 SD turbo-diesel, elle aussi conçue pour les USA.
Croyez-le ou non, mais ces productions GM brûlant du gasoil sont très bien accueillies, par la presse et la clientèle. Près de 130 000 de ces modèles sont vendus dès 1978, et les premiers retours des acheteurs sont archi-positifs. En France, l’Oldsmobile 88 est importée, et devient temporairement la diesel la plus rapide du marché, frôlant les 160 km/h ! Puis, c’est autour de la Cadillac d’arriver chez nous, tandis que le V8 350 Diesel se glisse sous le capot du très luxueux coupé Toronado. Le gazole, roturier ? Pas pour les très pragmatiques Américains.
C’est justement ce pragmatisme qui causera la fin du moteur GM. Car il n’est pas fiable. C’est simple, tout pose problème : culasses, arbres à cames ovalisés, pompes à injection, car le constructeur n’a pas jugé bon de les doter de détecteurs d’eau, malgré la faible qualité du gasoil outre-Atlantique. Par ailleurs, le carburant s’infiltre dans l’huile, par la faute de segments trop faibles, ce qui fait couler pas mal de bielles, tandis que la chaîne de distribution s’allonge.
La clientèle réagit à l’américaine : par une class action contre GM. Il faut dire que près de 25 % de ces mécaniques ont connu de gros ennuis, que le SAV s’est d'ailleurs révélé incapable de résoudre, avec pour conséquence de valeurs de revente qui s’effondrent. Le groupe a donc dépensé des sommes colossales pour dédommager les gens lésés.
Mais s’il n’y avait que ça… C’en était fini de la réputation du diesel made in USA, alors que GM, pour 1980, avait largement fiabilisé son V8. Il avait même mis sur le marché un V6 4,3 l au gasoil, plutôt solide lui, largement à-même de concurrencer le 2,4 l de la Mercedes 240D. C’est tout à fait regrettable car les autos ont fini par devenir suffisamment solides et le réseau suffisamment formé, au bénéfice des propriétaires qui appréciaient ces voitures pour leur économie et leur confort.
Que serait-il advenu du diesel aux USA sans ces voitures peu fiables et l’affaire VW ? Peut-être que l’engouement fort qui était le sien au début se serait poursuivi, avec à la clé, un réchauffement climatique un poil moins rapide et une urgence moindre à passer à l’électrique, au détriment de Tesla. Ou alors, ses particules noires auraient accéléré le désir de dépollution, donc d’électrique, allez savoir. En tout cas, s'il n'a pas disparu du marché US, le diesel y resté anecdotique.
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