Les sociétés de leasing freinent l’électrification des flottes
Les filiales leasing des grandes banques « ne jouent pas le jeu de la transition ». L’étude de Transport & Environment divulguée aujourd’hui, pointe les manquements des principaux acteurs du marché. Avec, au final, des conséquences pour les particuliers.
Louer son véhicule plutôt que l’acheter devient la norme. En 2023, en France, 58 % des voitures neuves ont été immatriculées en location de longue durée (LLD) ou en location avec option d’achat (LOA), via les sociétés de leasing ¹. Les achats directs (comptant ou via un crédit classique) sont désormais minoritaires (42 %). Ce phénomène, particulièrement marqué sur le segment des entreprises (63 % des voitures neuves immatriculées en leasing en 2023), touche également les ménages (53 %). Oui, mais voilà ! Selon Transport & Environment², les principales sociétés de leasing « ne jouent pas le jeu de la transition. »
Les filiales des banques en cause
En 2023, 16 % des voitures achetées directement par les entreprises étaient électriques, et seulement 10 % de celles immatriculées en leasing, révèle l’étude. Sur les 481 000 voitures louées aux professionnels l’année dernière, plus du tiers (36 %) l’était par les filiales de la Société Générale (dont la plus grande Ayvens) et de la BNP Paribas (dont Arval). À eux deux ces mastodontes du leasing représentent plus du tiers du marché leasing B2B (36 %) avec respectivement 93 000 mises à la route (19 % du marché B2B) et 80 555 unités (17% du marché). D’après T&E, les deux leaders du secteur ne privilégieraient pas vraiment le véhicule électrique dans leur proposition client. Les filiales de la Société Générale et de la BNP Paribas ont respectivement fourni 12 % et 11 % de modèles électriques à leurs clients pros. Un taux en deçà de celui du marché global (17 % de voiture électrique) et bien loin des 23 % de voitures électrique détenues par les ménages. Comment l’expliquer ?
Hybride et thermique toujours
Selon Transport & Environment « le mode actuel de fixation des loyers conduit à appliquer une forme de prime de risque sur la voiture électrique, principalement liée aux incertitudes sur la valeur de revente de ces véhicules à l’issue de la période de location. De fait, les clients sont financièrement incités à se détourner des modèles électriques, en attendant de meilleures offres. » Pire ! Pour T&E, la Société Générale et BNP Paribas³ « sont également responsables de la mise en circulation de nombreux gros SUVs polluants thermiques et hybrides (segments D, E et F, qui pèsent presque deux tonnes en moyenne, contre 1,35 t pour la moyenne du marché). » La part de ces voitures immatriculées par les « deux géants » est quatre fois plus élevée que chez les ménages (12 % contre 3 %) et deux fois plus élevée que l’ensemble du marché (6 %) nous dit l’étude. Parmi les grandes banques, seul le Crédit Agricole affiche une performance au-dessus du marché avec l’immatriculation de 23 % de véhicules électrique en direction des pros, sur un
volume de voitures plus faible (14 537 véhicules). T&E appelle « les autres acteurs du marché à faire de même. » Ce que semblent avoir partiellement entendu les sociétés de leasing dites « captives » appartenant à des constructeurs automobiles.
Timide avancée des filiales constructeur
Renault (17 %) et Stellantis (20 %) peuvent rouler des mécaniques avec taux d’immatriculations de véhicules électriques aligné, voire supérieur au marché global, force est de constater que leurs offres ont largement été tournées vers les ménages. Le groupe dirigé par Carlos Tavares a vendu plus 70 % (35 000 unités) des 50 000 véhicules électriques immatriculés dans le cadre du leasing social. Dès qu’il s’agit de B2B, leur rythme d’électrification est bien moins reluisant. La part des véhicules 100 % électriques atteint à peine 4 % pour Renault et oscille de 6 à 8 % pour Stellantis. Une paille à côté du 0,7 % de Toyota. Le constructeur japonais, dont on connaît l’appétence pour l’hybride, figure bon dernier du classement Transport & Environment en matière de voitures électriques fournis aux professionnels. En résumé, les principales sociétés de leasing ne feraient pas les efforts nécessaires pour proposer plus de voitures électriques à leurs clients. Et cela aurait des répercussions pour les particuliers.
Conséquence sur le marché de l’occasion
En 2023, les 47 filiales leasing des 15 banques qui dominent le marché représentaient 95 % des contrats de leasing et plus de la moitié (55 %) du total des voitures neuves immatriculées en France. Sur le 1,8 million de voitures neuves immatriculées en 2023, près de 30 % l’ont été via les sociétés de leasing aux professionnels. Soit environ 500 000 nouvelles autos qui trois ou quatre ans plus tard se retrouveront sur le marché de l’occasion. Pour Léo Larivière, responsable Transition automobile chez T&E France le manque d’engagement des sociétés de leasing « dans l’électrique est d’autant plus préjudiciable que le leasing aux entreprises alimente fortement le marché des voitures d’occasion. » À condition que prix résiduel du véhicule électrique d’aujourd’hui corrélée à son ancienneté et son obsolescence technique répondent à la réalité du marché des prochaines années.
1 T&E Briefing - Mai 2024 Le leasing automobile : faux ami de la transition automobile
2 Analyse Transport & Environment (T&E) des données d’immatriculations (base SIV).
3 Contactées, les sociétés Arval (BNP Parisbas) et Ayvens (Société Général) n’ont pas répondu aux sollicitations de Caradisiac.
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