Le top 10 des anglaises bizarres mais indispensables
Stéphane Schlesinger , mis à jour
Outre-Manche, on aime les voitures d’une façon très particulière et on en produit comme nulle part ailleurs. Outre les marques archi-connues comme Jaguar, Land Rover, Rolls-Royce ou Mini, on trouve une pléthore de constructeurs plus ou moins improbables qui nous ont livré des modèles à l’exotisme alléchant.
L’Angleterre, c’est l’exotisme total à quelques kilomètres de la France. Par exemple, on vit au rythme d’une famille royale depuis le décès de Mme Windsor, phénomène extraordinairement médiatique qui a eu des retombées inattendues en France. Ce qui nous donne l’occasion de nous intéresser à un autre pan de l’exotisme de la Perfide Albion : sa production automobile. Ou plus précisément, certains modèles au goût étrange, venu d’ailleurs, et donc particulièrement séduisants.
Débutons en 1947, avec la fondation d’une marque qui fera beaucoup parler d’elle : TVR, reprenant les consonnes du prénom de son créateur, Trevor Wilkinson. Elle produira des petites voitures de sport légères, dont la Jomar, lancée en 1956. Renouvelée en 1959, elle arbore un dessin qui perdurera, largement modifié, jusque dans les années 80. Dans la décennie 90, TVR révèle des modèles plus ambitieux, comme la Griffith, au design superbe et animée par un V8 Rover. Mais le constructeur commettra l’erreur fatale en concevant ses propres moteurs, montés sur les Cerbera, Tuscan et Sagaris notamment, mais avec des moyens limités. Résultat, peu fiables, ces blocs entraîneront la chute de TVR en 2006. Depuis, on ne cesse d’annoncer le retour de la marque, sans guère de résultat.
Destinée plus enviable pour Ginetta qui, fondée en 1958, se dédie aux voitures de course et de sport légères, en kit. Progressivement, l’offre s’étoffera avec de petites GT, comme la G15 de 1969, puis la G26 en 1984. En 2010, une étape est franchie avec la G60, une super sportive à V6 Ford central de 3,7 l et 314 ch, suivie de l’Akula en 2019, dotée d’un V8 de 610 ch. Ginetta est régulièrement engagé en compétition, notamment en LMP1. La marque existe toujours, produisant les G56 GTA, Supercup et G40 Junior.
Révélée un an après Ginetta, en 1959, à la veille des prolifiques swinging sixties, Marcos a été fondée par Jem Marsh et Franck Costin (d’où le nom). Rapidement, la marque se distinguera par ses redoutables Mini à carrosserie surbaissée en fibre de verre, plus aérodynamique et légère que celle du modèle de série. On les voit encore semer la terreur au Mans Classic. Autre création, la GT, un coupé à long capot qui deviendra la Mantis puis la Mantula. En 2006, la marque sortira même une voiture de sport rivalisant avec les TVR, la TSO à V8 Chevrolet de 420 ch. Malheureusement, l’entreprise n’étant pas gérée comme il faut, elle ferme ses portes en 2007.
Plus haut en gamme, comment ne pas chavirer devant la superbe Jensen Interceptor de 1966, une grande GT rivale des Aston Martin et Maserati ? Elle consiste en un assemblage improbable entre une mécanique US (Chrysler) et une carrosserie italienne, le tout étant construit en Grande-Bretagne. Puissante, rapide, belle et luxueuse, elle manque pourtant de ce pedigree qui fait la force de ses rivales. Dommage pour elle mais tant mieux pour les acheteurs, car elle offre actuellement des prestations comparables pour une fraction du prix (environ 50 000 €). Elle a même été déclinée en FF, qui fut la première voiture de série à offrir non seulement une transmission intégrale pour un usage strictement mais aussi, et surtout, un antibloqueur de freins ! Si Jensen disparaît en 1976, l'Interceptor, tellement appréciée, connaîtra bien des vies ultérieures chez d'autres fabricants, jusque dans les années 2000.
Toujours dans l’exclusivité, attardons-nous sur Bristol, fabricant d’avions venu à l’automobile en 1945, en profitant des dommages de guerre prélevés sur l’Allemagne. Ainsi naquit la 400, en 1947, à moteur BMW 328. Jusqu’à la 406 (oui, comme la Peugeot) de 1958, la marque anglaise se servira de ce 6-cylindres en le faisant évoluer. Puis utilisera un V8 Chrysler sur la 407 de 1961. En 1976, deux nouveaux modèles, d’un luxe digne de Rolls-Royce, sont lancés, la 603 et la 412, celle-ci étant habillée par Zagato. Ces autos dureront longtemps, un peu trop même, mais la Fighter de 2004, à moteur de Viper, tentera de redresser la barre. Insuffisamment puisque malheureusement, Bristol Cars ferme ses portes en 2020.
Vient ensuite à l’esprit une autre composition au goût particulier, la Reliant Scimitar GTE. Cette sportive a beau appartenir à une catégorie inférieure à celle de la Jensen, elle n’est pas moins originale. En effet, juste avant la Volvo P1800, en 1968, elle arbore une carrosserie en fibre de verre « break de chasse », dont les lignes ont été tracées chez Ogle par Tom Karen. Reliant allant au bout de son idée, la lunette arrière ouvrante donne sur deux sièges indépendants et rabattables, fort pratiques. Sous son capot officie un V6 Ford Essex 3,0 l de 138 ch qui l’emmène à plus de 190 km/h, faisant de cette anglaise décalée une sportive pratique. Rare, la Scimitar n’est pourtant pas chère, 10 000 £ suffisant à s’offrir un bel exemplaire. Il y en a même quelques-unes en France.
A la même époque, la vénérable marque Rover sortait pour une fois des sentiers battus. Sa berline P5 en 1958 est joliment dessinée et cossue (cuirs épais, boiseries), donc connaît un bon début de carrière, mais ce n’est pas pour ça qu’elle marquera les esprits. C’est plutôt pour la carrosserie qu’elle arborera à partir de 1962, celle d’un coupé à quatre portes. Quarante ans avant la Mercedes CLS ! Suprêmement élégante, la P5 Coupé renforce son attrait en 1968, année où elle reçoit un V8 3,5 l, d’origine Buick et retravaillé par Rover qui la propulse à plus de 180 km/h. Performante, belle, luxueuse et fiable, la P5b Coupé demeure à l’heure actuelle une ancienne très tentante, que l’on déniche à 20 000 € en bel état.
Et Panther ? Vous souvenez ? Créée par Robert Jankel en 1972, cette marque s’est distinguée par des production à la fois très décalées et exigeantes. Les premières ont surfé sur la vague du rétro, puissante dans les années 70 : on pense à la J72, inspirée de la Jaguar SS100 se dotait d’une mécanique Jaguar, tout comme la De Ville, évocation de la Bugatti Royale. N'oublions pas la 6-wheeler à... 6 roues ! Plus connue, la Lima, sorte de resucée de la Bugatti 55, a été commercialisée en France, avant de devenir Kallista. Malheureusement, la marque disparaît dans les années 90, après avoir été rachetée par… Ssangyong.
Abordons une marque emblématique d’un certain esprit anglais, à la fois conservateur, pragmatique et pérenne. Morgan ! Spécialisée dans les engins à trois roues peu taxées dès sa naissance en 1910, la marque de Malvern Link lance sa première vraie voiture en 1936 : la 4/4. Gros succès. En 1954, elle adopte une calandre bombée qui lui permettra de durer jusqu’en… 2019 ! Evidemment au fil de sa carrière, elle recevra systématiquement des moteurs modernes pour leur époque, badgés Coventry-Climax, Ford et même Fiat. De la 4/4 dériveront les plus sportives Plus 4 et Plus 8, puis à l’aube des années 2000, Morgan passera à la fabrication ultramoderne en aluminium sur l’Aero8, sans renoncer à un look années 30. Désormais mues par des blocs BMW, les Morgan deviennent des voitures de sport efficaces et hors du commun. Actuellement, les Plus 4 et Plus 6 reprennent le même principe mais avec la carrosserie de 1954.
On ne peut pas parler des automobiles anglaises sans faire un détour par les artisans. Ils sont si nombreux outre-Manche. Parmi eux, ADD a connu un succès assez peu commun. Apparu en 1971, il a mis sur le marché une idée qui sera reprise : poser sur un châssis de VW Coccinelle une carrosserie inspirée de l’univers des supercars. Le tout, à monter chez soi pour un prix raisonnable : la Nova. Spectaculaire avec son dôme ouvrant, la Nova sera vendue également aux Etats-Unis, mais aussi en Australie, en Autriche, en Afrique du Sud en Italie et… en France, par la société Defi, à 110 unités. Si les créateurs anglais, manquant d’expérience, jetteront l’éponge en 1978, les Américains, qui vendront l’auto sous la marque Sterling, la feront vivre jusqu’en 1996.
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