Le superéthanol super-pressé d'obtenir le graal européen pour passer le cap de 2035
La filière du superéthanol se rêve un destin de super-héros de la mobilité verte au-delà de 2035 et compte se faire entendre de la Commission européenne pour l'obtenir. Quitte à jouer des coudes.
Sur le papier le bioéthanol fait montre d’inextinguibles qualités. Peu cher (0,78 €/l) et respectueux de l’environnement, ce carburant à base de betterave et de céréales dispose d’indéniables atouts pour séduire les automobilistes.
Les acteurs de la filière lui vouent un avenir radieux et cherchent de nouvelles pistes de développement au niveau européen. De quoi permettre l'élargissement de l'offre des constructeurs automobiles et offrir de nouveaux débouchés aux producteurs ?
Une offre constructeur limitée
L’année dernière les ventes françaises de voitures neuves E85 ont chuté de plus de 30 % ( 25 956 unités mises à la route). Leur part de marché (1,5 %) est dix fois moindre que celle des VE (16 %). Avec l’avènement des normes CAFE et Euro 6e, Ford, un des deux constructeurs avec Range Rover a proposer des modèles bioéthanol, a dû revoir sa copie et remplacer ses modèles Fiesta, Kuga, Focus et Puma Flex fuel par des motorisations hybrides ou mid hybrides E85. Tout un nouveau marché à conquérir, alors qu'en 2022 la marque américaine réalisait 80 % de ses ventes avec des flexfuel.
En France, 400 000 véhicules (+ 8 % en un an) carburent au bioéthanol, dont les deux tiers avec un boîtier E85 de seconde monte. Les demandes de conversion des modèles d'avant 2005 représenteraient 60 % des installations des kits spécifiques dans la régions de Montepllier selon le fabricant FFED.
Nicolas Kurtsoglou, responsable carburant chez Bioéthanol France, souhaiterait que la transformation des modèles essences en E85 puisse « permettre à ces véhicules d'obtenir une vignette Crit'air 1 » et ainsi d'accéder à toutes les ZFE. Montpellier Méditerranée Métropole et la communauté urbaine du Grand Reims ont d'ailleurs déjà mis en place des dérogations dans ce sens. Et d'en demander l'extension sur l'ensemble du territoire.
La quête du Graal européen
Malgré tout, le bioétahnol cherche un nouvel envol. Après 4 années de hausse (fois 2,5 depuis 2021) « la consommation d’E85 s'est stabilisée en 2024 », souligne Sylvain Demoures, Secrétaire Général du syndicat des producteurs Bioéthanol France. Avec la fin annoncée des motorisations thermiques en 2035, la filière craint un avenir en pointillé. Voilà pourquoi elle entend porter le fer à Bruxelles.
Alors que s’ouvre ce jeudi 30 janvier « le dialogue stratégique » sur l’avenir de l’industrie automobile, les acteurs du superéthanol comptent s’inviter à la table des discussions pour faire valoir un carburant totalement renouvelable.
« Les émissions de CO2 actuelles du bioéthanol pur sont environ 80 % inférieures à celle de l’essence fossile sans plomb. C'est de l'ordre de 50 % pour le superéthanol-E85 et d'environ 90 % sur les oxydes d’azote et les particules fines », souligne Sylvain Demoures. Les observations de la Cour des Comptes concernant la politique des développements des biocarburants (décembre 2021) se veulent plus nuancées. Il n'empêche. À l’avenir, la filière souhaite produire un carburant neutre en carbone. Et remplacer la moyenne de 25 % d’essence fossile présente dans le superéthanol-E85 par un dérivé 100 % renouvelable (bio naphta/huile raffinée) synonyme de zéro émission à l’échappement, en tenant compte du CO2 absorbé par la plante tout au long de son cycle de vie et de la captation pour réutilisation (boissons gazeuses par exemple) de celui émis lors de transformation du végétal, ou de son résidus, en bioéthanol. La manip permettrait ainsi de prétendre intégrer la liste européenne des « carburants neutres en carbone » dont l’utilisation serait autorisée au-delà de 2035 et la fin des moteurs thermique.
Trouver une large coalition
Aujourd’hui, seuls les voitures électriques et le e-fuel (carburant de synthèse) bénéficient du sceau européen de « la neutralité carbone ». Une position défendue par l’Allemagne. Mais au sein de l’UE un gros travail de lobbying est mené pour intégrer le bioéthanol dans la liste des carburants utilisables après 2035. Huit États membres (Italie, Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, République tchèque, Slovaquie et Finlande) militent déjà en sa faveur. La France et l’Espagne n’ont pas encore pris position.
Une majorité du Parlement européen verrait d’un bon œil l’intégration du bioéthanol comme « carburant neutre en carbone ». La commission se veut plus rétive. Mais les futures élections législatives allemandes pourraient changer la donne.
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